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35 heures en milieu rural

«Nous voulons travailler dans la légalité»

Dans la France entière, les chefs d'entreprise s'inquiètent de la mise en place de la loi Aubry dans leur secteur. Inquiétude renforcée par l'absence d'évolution des négociations sur un accord de branche. Certains ont essayé de prendre leur destin en main. C'est le cas des professionnels lotois qui sont allés rencontrer les ministères de l'Emploi et du Tourisme, avant de remettre la synthèse de leurs propositions aux syndicats de salariés. 33 établissements lotois représentatifs de l'activité en zones semi-rurales ont établi un état des lieux. Rencontre avec Robert Véril, responsable du comité de pilotage, en charge du dossier sur la loi Aubry dans le Lot.

L'Hôtellerie : Qu'est-ce qui vous a poussé à vous impliquer dans ce travail de réflexion sur les 35 heures ?

Robert Véril : Franchement, j'ai eu peur. Je voulais absolument éviter de me retrouver dans la même situation qu'en dé-cembre 1997, quand la convention collective a été mise en place. Cela faisait plus de 25 ans qu'on en entendait parler, puis un jour il a fallu l'appliquer alors que nous ne nous y étions pas préparés. Ce fut une expérience catastrophique pour moi et mon entreprise. Au lendemain du décret, j'ai dû demander à mon personnel 3 mois de réflexion car nous étions incapables de mettre en application la nouvelle loi. Nous avions un plan social basé sur le paiement des heures supplémentaires. Là, le contingent des heures supplémentaires et le temps de travail étant réduits, nous avons dû embaucher par obligation. Les salaires nets ont baissé de 700 à 1 200 F du fait de la disparition des heures supplémentaires. Cette convention est arrivée si brutalement que cela a mis tout le monde hors-jeu. D'ailleurs, les résultats de notre étude ont montré clairement que la profession était sinistrée. Je veux à tout prix éviter que les 35 heures se traduisent par un nouveau choc difficile à encaisser.

L'Hôtellerie : Qu'ont révélé les résultats de l'étude ?

R. V. : L'étude que nous avons présentée, et dans laquelle sont intervenus 5 cabinets d'audit auprès de 33 hôtels et restaurants du Lot, souligne que les 35 heures sont matériellement impossibles à gérer dans le monde rural. 30 % des entreprises ne pourront appliquer les 35 heures. Notre réponse s'oriente donc à 39 heures, avec une modulation du temps de travail de 0 à 50 heures par semaine, ce qui permet de sédentariser les contrats à durée déterminée. D'autre part, une différence fondamentale apparaît entre le milieu urbain et le milieu rural ou semi-rural. Or nous ne voulons pas nous mettre hors-la-loi. Les marges de manœuvre financières étant faibles dans les entreprises, on aboutit à une inévitable réduction du temps d'ouverture. Il est évident que nous fermerons un peu plus nos établissements. Pour appliquer la convention collective, ce choix a déjà été fait. Demain, avec la RTT, ce mouvement va s'amplifier.

L'Hôtellerie : En quoi l'activité en zone rurale est-elle un obstacle ?

R. V. : La RTT est une loi qui est adaptée à un milieu très professionnel, très fermé. Ce sont principalement des réflexions de milieu urbain - y compris la convention collective - qui ne sont pas adaptées au milieu rural ou semi-rural. Ce sont des textes conçus par des urbains pour des urbains. Or nous voulons pouvoir travailler dans la légalité. Comme la profession rurale ne supporte plus d'être montrée du doigt, nous sommes prêts à signer toute convention qui nous permette de travailler dans la légalité. Aujourd'hui, ce n'est pas possible. Je vais prendre deux exemples. En ville, où les trajets domicile-travail sont longs et fastidieux, les salariés demandent des coupures courtes pour avoir simplement le temps de se détendre et pouvoir finir plus tôt le soir. En milieu rural, le problème est tout autre. Il est impossible d'avoir 2 équipes et de rester ouvert en continu. Dans ce contexte, les salariés souhaitent obtenir des coupures de 3 heures afin d'obtenir des plages de temps "à soi". Dans nos établissements, il est également impossible de respecter la plage des repos entre 2 journées de travail.

L'Hôtellerie : Quelles sont vos propositions ?

R. V. : Nous avons donc demandé aux ministères de l'Emploi et du Tourisme, en réponse aux 39 heures, d'instituer dans chaque département une commission paritaire qui puisse déterminer des garde-fous en fonction des incidences saisonnières. Nous souhaiterions une uniformité des temps de travail dans toute notre profession sur la base de 39 heures, afin que les petites structures ne soient pas pénalisées par des entreprises mieux structurées et qui pratiquent des horaires plus attractifs.

L'Hôtellerie : Pourquoi ne pas avoir demandé des commissions régionales ?

R. V. : L'échelon du département est beaucoup plus approprié. La mission d'une commission paritaire, qui aurait en charge une région recoupant des territoires aussi disparates que le Lot et l'agglomération de Toulouse, serait difficilement gérable. A la limite, nous pourrions envisager des regroupements inter-départements correspondant à des situations comparables. Dans cette logique, une commission pourrait avoir en charge par exemple le Lot, le Tarn et l'Aveyron. Aujourd'hui, il faut prendre le temps de réfléchir aux solutions possibles pour redonner le moral à la profession, même si tout ce travail de gestion s'ajoute encore au plan de charge très lourd des chefs d'entreprise. Dans une petite structure, nous n'avons pas les moyens de payer des gens pour cela. Résultat, si je passe plus de 20 % de mon temps devant mes fourneaux, mon entreprise ne tourne plus, pourtant je suis avant tout cuisinier..

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Robert Véril souhaite "une uniformité des temps de travail dans toute notre profession sur la base de 39 heures, afin que les petites structures ne soient pas pénalisées par des entreprises mieux structurées".


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L'HÔTELLERIE n° 2683 Supplément Formation 14 Septembre 2000


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