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« Nous sommes des cibles »

Charges trop lourdes, réduction du temps de travail, pénurie de main-d'œuvre, trois professionnels de la région de Landerneau (Finistère), deux restaurateurs et un recruteur, poussent un cri d'alarme.

L. Anastassion

Ils devaient être quatre, cinq, mais seuls deux patrons ont pu se déplacer jeudi 24 août après-midi : Jean-Louis Favier, propriétaire de la Maison de l'Océan à Brest, accompagné de son chef de cuisine et de son directeur de salle, et Philippe Goulaouen, restaurateur, patron de la Duchesse Anne à Landerneau et du château de Brézal.
Les autres s'étaient excusés : "Problème de personnel." Ils avaient tous répondu à l'invitation d'Erwan Guilcher, du cabinet de recrutement spécialisé dans la restauration Operaht. Ordre du jour : le ras-le-bol des restaurateurs de Landerneau et de sa région.


Philippe Goulaouen

"C'est dingue, c'est même dramatique. Dans cette région, il n'y a plus de potentiel de main-d'œuvre. Je recherche la compétence et la motivation. J'ai ouvert un créneau de petite restauration à la Duchesse Anne : une entrée, un plat et un dessert le midi. Ce n'est pas compliqué. La personne que j'avais embauchée en premier, pour la salle, a eu un problème de santé et je n'ai pas trouvé durablement quelqu'un de valable pour la remplacer. Eh bien, j'ai dû fermer durant le mois d'août. J'espère recruter quelqu'un pour la rentrée.
Côté cuisine, c'est moi qui me mettrais aux fourneaux. Heureusement que je n'ai pas ces problèmes avec mon activité de banquets au château de Brézal (...) Il est temps que les gens se reprennent. Le laxisme actuel et cette tendance à l'assistanat m'inquiètent. Notre métier consiste à travailler quand tous les autres s'amusent. C'est comme cela. Pourquoi ne le répète-t-on pas aux jeunes qui entrent en formation ? Cela éviterait bien des déceptions et des erreurs d'orientation (...)
Nous sommes des cibles : on nous taxe, on nous contrôle. C'est presque de la perquisition. Mais personne ne parle de la concurrence déloyale que nous font les salles polyvalentes. Les cartons de nourriture y sont empilés n'importe comment, et là, il n'y a aucun contrôle. Evidemment, c'est moins cher que dans nos restaurants où nous devons respecter une réglementation draconienne."
Philippe Goulaouen, propriétaire de la Duchesse Anne à Landerneau et du château de Brézal.

 

 
Erwan Guilcher

"Je peux actuellement offrir 80 postes dont 60 à l'année."
A l'Operaht (Organisme pour l'emploi de la restauration et autres de l'hôtellerie et du tourisme), installé à Landerneau, les chiffres sont là. "Mais, de l'autre côté, je n'ai aucune demande en stock. Un recrutement de chef de cuisine peut prendre plusieurs mois. Les gens ne veulent pas travailler dans les petites localités, même si les conditions de travail sont attractives. Une annonce dans la presse locale rapporte 4 à 5 coups de téléphone et 4 à 6 CV, c'est tout. C'est pourquoi il faut viser un recrutement au-delà du département et de la région. Certains CV que l'on m'envoie sont étonnants. Les candidats ne sont pas précis dans leurs qualifications et dans la nature du poste recherché. En fait, ils ne savent pas ce qu'ils veulent faire, ils ne connaissent pas le métier. Ils signent des contrats de travail et s'en vont du jour au lendemain, sans prévenir. Du coup, le patron se retrouve seul pour assurer sa saison."
Erwan Guilcher, directeur de Operaht.

 
Jean-Louis Favier

"Je suis inquiet. Depuis trois ans, nous devons faire face à l'augmentation des charges, à la mise en place de la réduction du temps de travail et, maintenant, aux revendications salariales. Les syndicats sont de plus en plus présents et ils veulent nous imposer leurs règles. C'est ingérable", s'exclame Jean-Louis Favier. Installé à Brest, son établissement La Maison de l'Océan, spécialisée dans le poisson, fait environ 300 couverts par jour et emploie 25 personnes à temps plein. Il poursuit : "Résultat, l'état d'esprit se dégrade dans les maisons. On fait croire aux gens qu'ils vont travailler moins et gagner plus, c'est inadmissible. Les gens se déresponsabilisent. J'aimerais que quelqu'un m'indique une solution (...)
Il faut que l'on nous donne les moyens de revaloriser ce métier, ou beaucoup d'entre nous risquent de mettre la clé sous la porte ou de partir s'installer ailleurs. Les charges et la TVA sont beaucoup trop lourdes. Sans parler du 'harcèlement' des contrôles en tout genre. Il faut que l'on nous 'lâche les baskets'. Notre métier est basé sur une notion de plaisir et nous ne devons pas l'oublier (...)
Il existe également un malaise dans la formation. La filière de la restauration tend à devenir un fourre-tout. Dans nos maisons, nous devons faire face aux mêmes problèmes que dans les écoles : en plus de former, il faut gérer une multitude de problèmes de comportement (...)
C'est vrai que les professionnels pourraient se concerter. Mais, c'est en principe le rôle du syndicat de l'hôtellerie de défendre nos intérêts. Il devrait être un catalyseur, mais il ne sert à rien. C'est un bureau de renseignements. Pourtant, il connaît bien tous nos problèmes."
Jean-Louis Favier, propriétaire de la Maison de l'Océan à Brest.


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L'HÔTELLERIE n° 2683 Supplément Formation 14 Septembre 2000


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