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La Poutrière à Orléans

Une nouvelle vie pour Simon Le Bras ?

Le patron de l'un des deux étoilés Michelin d'Orléans tire le rideau fin juillet. Les charges, la TVA, les problèmes de personnel auront eu raison de ce breton bien acclimaté dans le Val de Loire.

Y a-t-il une mauvaise fatalité pour les grandes tables d'Orléans ? Après La Montespan, La Crémaillère de Paul Huyart, Le Quai Barentin de Roland Martel, La Poutrière se déclinera bientôt au passé. Son patron, Simon Le Bras, a en effet décidé de jeter l'éponge en pleine gloire et de préparer, à 51 ans, une nouvelle étape dans sa vie. La Poutrière disparaîtra complètement du paysage orléanais, puisqu'à défaut de céder le fonds, son propriétaire l'a vendu comme une simple maison particulière, bien située il est vrai dans une petite rue à deux pas de la berge sud de la Loire. C'est une véritable institution gastronomique - elles ne sont pas si nombreuses à Orléans puisque seuls Les Antiquaires affichent encore 1 étoile Michelin - qui disparaît donc. Cette histoire aura à peine duré 10 ans puisque c'est en 1991 que Simon Le Bras reprenait ce restaurant en difficulté. Breton de Saint-Malo, il a, bien sûr, travaillé en Bretagne et à Paris avant d'arriver dans la région. D'abord en Eure-et-Loir au Saint-Jacques de Cloyes-sur-le-Loir. Une arrivée vite remarquée par 1 étoile Michelin obtenue en 1985 et 2 toques au Gault Millau. Après 16 ans de cette aventure le cuisinier vend et reprend La Poutrière à Orléans, vieille affaire en difficulté où il injectera, pour l'achat et les travaux, près de 2,5 millions de francs. Avec son étoile décrochée en 1993 La Poutrière s'imposera progressivement comme une des meilleures tables d'Orléans avec une cuisine originale sans être sophistiquée. "Ma cuisine évolue progressivement, avoue Simon Le Bras, plus ça va et plus c'est simple, plus on vieillit et plus on dépouille en privilégiant les produits, loin des modes." Cette étoile allait bien sûr apporter le succès avec une clientèle locale, mais aussi étrangère : "On ne travaille pas pour avoir 1 étoile même si c'est une récompense, une reconnaissance de son métier, un peu comme une médaille. C'est un état d'esprit permanent, du bien faire d'un bout à l'autre de la chaîne en recherchant avant tout la satisfaction du client. On peut avoir cet état d'esprit dans un grand établissement ou dans un petit, sans homard ni foie gras."

Comme José Bové
Pour son propriétaire La Poutrière est "une affaire qui marche très bien". Mais qui ferme pourtant ses portes, au motif que "nous supportons toutes les charges du monde, c'est un exercice éprouvant et pas très rentable". Tous les griefs de la profession sont rassemblés chez Simon Le Bras : la TVA, les difficultés de recrutement du personnel, les charges, les normes, les horaires. Pour faire tourner La Poutrière avec 9 personnes - dont 4 en cuisine - Simon Le Bras limite la capacité à 30 ou 35 couverts alors que les locaux se prêtent au double : "Nous refusons du monde car plus de 30 couverts, ce n'est pas supportable pour nous et pourtant cela aurait amélioré la marge. Nous sommes pressurés, sous la coupe permanente de l'administration. Si j'avais vendu à un professionnel, il aurait dû investir 1,50 MF rien que pour remettre l'établissement aux normes. Mais en investissant un peu plus, on peu ouvrir un restaurant de chaîne neuf, en périphérie, et bien plus rentable." Mais ce sont aussi les conditions de travail qui pèsent sur Simon Le Bras : "Nous avons des conditions inhumaines, on bosse comme des dingues pour des résultats très mitigés. On ne devient pas riche avec un bon restaurant". Compagnon de route du syndicalisme Simon Le Bras rêve d'un sursaut à l'image d'un "José Bové qui est en train de gagner contre l'administration. Il faudrait faire la même chose, mais nous sommes trop indépendants alors que nous avons tous les mêmes problèmes". Simon Le Bras tire le rideau mais sans baisser les bras et revendique toujours le même amour du métier et la même envie de cuisiner : "Ma passion est intacte mais je voudrais dépenser toute mon énergie pour la cuisine, rien que pour la cuisine sans être obligé de me battre en permanence." Fatigué de cette pression quotidienne, sans reprise possible par un de ses trois enfants, Simon Le Bras rêve d'une autre vie avec son épouse Françoise. Une vie qu'il voit toujours dans la région (le restaurant qu'il avait acheté à Cancale en Bretagne a été vendu) mais aussi toujours dans la cuisine. Pas question de tirer un trait définitif sur plus de 30 ans de passion : "Mais je rêve d'autre chose, d'une vie plus calme, d'une autre cuisine, plus simple et toute orientée vers le plaisir et la découverte du client." Il ne serait donc pas surprenant que d'ici quelques mois Simon Le Bras revienne nous étonner et nous séduire.
J.-J. Talpin

 
"Nous avons des conditions inhumaines, on bosse comme des dingues pour des résultats très mitigés. On ne devient pas riche avec un bon restaurant", déclare Simon Le Bras


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L'HÔTELLERIE n° 2676 Hebdo 27 Juillet 2000


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