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Editorial
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Les indépendants en danger

Le groupe Envergure, numéro 2 européen de l'hôtellerie, a signé un accord de réduction du temps de travail sur la base de 39 heures dès janvier prochain et de 35 heures hebdomadaires en 2005. Il affiche ainsi sa volonté de s'aligner, au-delà des spécificités des métiers de l'hôtellerie-restauration, sur le régime général, faisant table rase des heures d'équivalence et régimes dérogatoires propres à ce secteur. Un accord d'entreprise qui n'est pas pour plaire à tout le monde, bien sûr, et qui fait l'effet d'une bombe dans certains milieux. La concurrence aujourd'hui se situant davantage au niveau du marché du travail qu'au niveau de la clientèle, tous les chefs d'entreprise savent que les avantages sociaux sont maintenant des éléments essentiels pour recruter et fidéliser le personnel. Autant dire qu'avec un tel accord, Envergure prend une longueur d'avance par rapport à certains concurrents. La décision de Frantz Taittinger, président-directeur général du groupe Envergure, est révélatrice du climat qui règne aujourd'hui au sein du patronat français en hôtellerie-restauration, en matière de politique sociale et en particulier de réduction du temps de travail. Longtemps mobilisés derrière leurs syndicats patronaux respectifs, nombreux sont les chefs d'entreprise du secteur qui choisissent maintenant de faire cavalier seul dans le domaine social, conscients que les résistances au changement dont font preuve aujourd'hui les syndicats, tant patronaux que salariés, au niveau des négociations pour l'application de la loi Aubry dans les hôtels, cafés, restaurants, auront à terme, pour l'ensemble des entreprises qui les suivront, des conséquences néfastes. Alors que l'activité touristique redémarre pour l'ensemble des entreprises, que les prix à la hausse permettent enfin une première reconstitution des marges, le secteur est en proie à des difficultés de recrutement croissantes. Les jeunes aujourd'hui sont de plus en plus attirés par d'autres secteurs, plus rémunérateurs et plus valorisants et vivent de plus en plus mal l'écart de conditions de travail qui existe entre les métiers de service et les autres pour lesquels, dans un grand nombre de cas, la loi Aubry connaît une réelle application. Difficilement compatibles avec une vie de famille, ces métiers sont délaissés par un grand nombre de gens formés, et le développement de certaines enseignes s'en trouve quelquefois ralenti. Soucieux de l'avenir de leurs entreprises, inquiets de la lenteur avec laquelle les négociations sur le temps de travail sont menées, las des désaccords et des conflits d'intérêts des centrales patronales sur le sujet, de plus en plus de dirigeants se désolidarisent aujourd'hui des instances négociatrices et concluent des accords d'entreprise. Ils se donnent ainsi les moyens tant humains que financiers de se doter d'une réelle politique sociale pour mieux se projeter dans l'avenir. Ce faisant, ils creuseront encore plus l'écart avec les entreprises qui refusent toute évolution sur le sujet... Quand on sait justement que ce sont les plus petites maisons, les plus fragiles, tenues par des entrepreneurs indépendants qui se sentent les moins à même de négocier seules avec leurs salariés, on comprend combien la lenteur des syndicats pour aboutir à un accord de branche les fragilise. Quand demain, tous les groupes offriront des conditions de travail valorisantes à leurs salariés, qui acceptera encore d'aller travailler chez les indépendants et de se voir appliquer des heures d'équivalence, des dépassements d'horaires et des rigidités de planning ? L'enjeu est de taille, il y va de l'avenir des indépendants, tous ceux qui ralentissent aujourd'hui l'aboutissement des négociations sur l'application de la loi Aubry dans les CHR porteront la responsabilité de la disparition de très nombreuses petites entreprises dans les prochaines années. C'est encore plus pour elles que les négociateurs doivent se battre et obtenir les moyens qui leur permettront de mener une réelle politique sociale au sein de leurs équipes. Syndicats salariés comme syndicats patronaux devraient, autour de la table de négociation, prendre davantage en considération cet élément.

PAF


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L'HÔTELLERIE n° 2672 Hebdo 29 Juin 2000


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