Nice
Filouteries, chèques sans provisions, cartes bancaires contestées, factures impayées, vols, escroqueries diverses et variées, la vie quotidienne des hôteliers est loin d'être un long fleuve tranquille...
Force est de constater que rares sont
les hôteliers qui dans leur gestion n'ont jamais eu à déplorer le moindre incident
financier avec un client, et cela quelle que soit la catégorie de l'hôtel ou le nombre
de chambres. Bien évidemment, les litiges atteignent parfois des montants très
importants dans l'hôtellerie de luxe, habituée traditionnellement à recevoir des
clients qui dépensent parfois sans aucune limite. Toutefois, la discrétion légendaire
des palaces se prolonge tout naturellement quand des problèmes surgissent, et il est peu
fréquent que la presse en fasse l'écho. C'est ainsi que, dans plusieurs quotidiens, la
description d'une escroquerie au détriment du Negresco à Nice a pu surprendre. Les faits
sont, il est vrai, très révélateurs des dangers qui guettent l'hôtellerie de luxe.
Point de départ : un touriste séjourne dès octobre 1999 au Negresco, et devient vite
amoureux de cet hôtel mythique. Se présentant comme le sultan Ismaïl, prince de
Sandakan, ancienne capitale de Bornéo septentrional, ce client haut de gamme prolonge
semaine après semaine son séjour dans le célèbre palace azuréen. Il faut croire que
le légendaire climat niçois lui convient parfaitement puisqu'il utilise très largement
pour lui et ses amis du moment tous les services du palace. Un sultan qui devient vite un
client privilégié, adopté par tout le personnel tant ses bonnes manières apparaissent
dignes de l'hôtellerie de luxe. Il est en effet à la fois cultivé, charmeur, galant,
attachant, fin gastronome et amateur de belles voitures (tel que l'a révélée sa
splendide Jaguar noire, agrémentée de ses armoiries, garée devant l'établissement).
Bref, un client comme tout propriétaire de palace en rêve. Il fleure bon la clientèle
aristocratique du début du siècle qui avait fait la fortune et la réputation de
l'hôtellerie de luxe tout au long d'une saison qui n'existait, à l'époque, qu'en hiver.
L'étoile filante quitte les 4 étoiles
Et puis comme souvent dans les histoires d'amour version IIIe millénaire, l'argent ou
plutôt le manque d'argent, est venu tuer le bien-être et l'insouciance. Jeanne Augier,
propriétaire du Negresco, s'est vite rendue à l'évidence : les virements n'arrivaient
plus. Le printemps a succédé à l'hiver et version moderne des Fables de La
Fontaine, le sultan a dû arrêter de chanter et de danser. "Ces soirées-là",
il n'a pas pu les poursuivre au Negresco, mais a dû se résoudre à les organiser à la
prison de Nice avec un matricule proche de sa véritable identité : Ismaïl Nahaboo, 46
ans, originaire de l'île Maurice et, selon les milieux bien informés, déjà recherché
en Amérique du Nord pour d'autres escroqueries. Tempête donc, sous un turban de sultan
devenu virtuel à l'inverse de l'ardoise du Negresco qui approche les 2 millions de
francs. Une escroquerie en quelque sorte imparable et qui explique en partie un certain
engouement des médias pour une telle affaire devenue publique suite au dépôt d'une
plainte, sans oublier que tout ce qui se passe sous le soleil azuréen a toujours une
(fâcheuse !) tendance à être plus facilement repris et amplifié. La rançon de la
gloire en quelque sorte, même si le mot rançon doit avoir une autre connotation pour le
Negresco.
C. Roussel
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L'HÔTELLERIE n° 2669 Hebdo 8 Juin 2000
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