Actualités

Enquête
-------------

Salariés de la restauration

Qui sont-ils, que veulent-ils ?

Réalisée par l'école de Savignac pour le Leaders Club sous l'égide de Philippe Hersant du Gira et de Frédérique Lardet de MC2, l'enquête intitulée "Mais qu'ont-ils dans la tête ? Les attentes des employés de la restauration" est la première à s'intéresser aux attentes du personnel de ce secteur. Et à poser la question : "Qu'en est-il de ce fameux mal-être des employés de la restauration ?" Réponse ci-dessous.

Le constat est général : alors que les clients viennent de plus en plus nombreux dans les hôtels, les restaurants, les cafés, les employeurs rencontrent des difficultés grandissantes pour recruter et fidéliser leur personnel. Réduction du temps de travail et développement de l'activité du secteur ne cessent de renforcer cette pénurie d'employés. Devant le phénomène qui bloque déjà aujourd'hui certains chefs d'entreprise dans leur programme de développement, il fallait chercher à comprendre comment les salariés en place vivaient leur métier pour trouver des explications et éventuellement des solutions aux problèmes de recrutement. Formation, image du métier, relation à l'entreprise : les sujets ont été évoqués avec des salariés en poste. Des résultats très intéressants. Les enquêteurs dressent un état des lieux surprenant, souvent à l'encontre des idées reçues dans un secteur réputé difficile pour ses employés.

Bien dans l'entreprise
Selon les résultats du sondage, 64 % des salariés interrogés ont choisi de travailler dans la restauration, et 86 % ont un contrat à durée indéterminée. Un chiffre qui fait voler en éclats l'image d'un secteur professionnel où la précarité serait la règle. De plus, 56 % d'entre eux ont un diplôme en relation avec leur profession, ce qui renforce la notion de choix. On ne fait pas ce métier parce qu'on ne peut pas faire autre chose, on le fait parce que, jeune, on a décidé de le faire. Au départ, donc, le secteur a su attirer ! Reste à comprendre maintenant, si après avoir su attirer, tant au niveau des études que de la première expérience professionnelle, le secteur sait retenir...

Vie de famille difficile
Ils ne rejettent absolument pas leur métier. La preuve : 91 % des sondés disent l'aimer, 86 % en sont même fiers et 54 % affirment venir travailler avec plaisir, contre 24 % par automatisme. Leur motivation ? La relation avec le client pour 27 %, l'ambiance générale pour 10 % et la rémunération pour 9 %. 32 % des employés considèrent d'ailleurs que la fidélisation du client est un travail d'équipe. Leur difficulté à vivre leur métier, qu'ils qualifient de difficile dans 79 % des réponses et fatigant, réside dans son incompatibilité avec la vie familiale pour 1 salarié sur 3.
"L'employé de la restauration d'aujourd'hui est content de ce qu'il fait et est fier d'appartenir à un secteur bénéficiant d'un grand volume d'estime dans l'imaginaire collectif", commentent les élèves de l'école de Savignac. "Il est d'autre part demandeur de plus de formation continue et aimerait gagner un peu plus d'argent proportionnellement au nombre d'heures travaillées, à la pénibilité de son travail et à la difficile conciliation entre sa vie professionnelle et sa vie familiale." Mais c'est la contrainte horaire-disponibilité-congés qui est le premier motif d'abandon du poste et même du secteur. Suivent ensuite les raisons de niveaux de salaires que 17 % trouvent insuffisants, l'équilibre de la vie de famille et les problèmes de fatigue et de stress. L'organisation du travail est également remise en cause, car elle influe considérablement sur le stress et sur la qualité de vie des salariés : 38 % dénoncent un emploi du temps imprévisible et le non-respect des horaires (51 % d'entre eux travaillent d'ailleurs entre 35 et 45 heures par semaine, 23 % font entre 45 et 55 heures hebdomadaires). Les emplois du temps trop chargés, la coupure mal intégrée dans leur vie, la mauvaise organisation de l'entreprise représentent 78 % d'insatisfaction ! Un niveau de mécontentement qui devrait amener plus d'un chef de service, plus d'un chef d'entreprise, à s'interroger sur ses méthodes d'organisation du travail...

L'employé demandeur de formation
De toute évidence, ils sont prêts à se remettre en cause : 66 % des employés interrogés estiment que la formation interne est indispensable pour évoluer. Mais seulement 89 des 305 personnes sondées déclarent avoir bénéficié d'une formation interne payée par l'employeur au cours de leur carrière. Un chiffre très faible quand on sait que ces employés travaillent en moyenne depuis 7 ans et demi dans le secteur et, qu'en l'absence de perspectives de carrière, 22 % quitteraient la maison dans laquelle ils travaillent. Quant à l'augmentation de leur salaire : 55 % d'entre eux aimeraient gagner environ 2 000 francs supplémentaires par mois. Tous ont bien les pieds sur terre : s'ils en avaient les moyens, 33 % créeraient leur propre enseigne et développeraient une formule de fast-food (19 %), de cuisine du terroir (15 %), un étoilé Michelin (15 %) et un bar à thème (12 %). Autant dire que les projets sont réels...
Et l'enquête de conclure : "Sans doute serait-il temps de revaloriser l'image des métiers de la restauration par de nouvelles politiques d'encadrement, par une meilleure prise en compte des attentes des employés en termes d'évolution de carrière, de rémunération et d'écoute de leur doléance. C'est à ce prix que l'on pourra renverser la tendance actuelle, à savoir cette disproportion problématique entre le grand nombre de postes à pourvoir et les difficultés à recruter du personnel."
L. A.

 

 

Lorsque vous quitterez cette enseigne ou ce restaurant, ce sera pour quelle raison ?
 

Effectif

%

Raisons diverses 89 31
Absence de perspectives de carrière 63 22
Pour des raisons de salaire 59 20
Pour des raisons familiales 42 15
Mauvaises conditions de travail 20 7
Problème relationnel 16 6
Total 289 100

 

Quels sont les 3 raisons qui vous pousseraient à tout laisser tomber ?
 

Effectif

%

Contrainte horaire-disponibilité-congés 149 29
Ne gagne pas suffisamment d'argent 86 17
Choix lié à la famille 80 16
Problèmes physiques-fatigue-stress 78 16
Problème de management 29 15
Pas d'évolution-lassitude 25 6
Problème de relation avec l'équipe 22 5
Mauvaises conditions de travail 8 4
Absence de reconnaissance 8 2
Rapport avec la clientèle 7 2
Choix d'un autre métier 4 1
Trop grand turnover 3 1
Précarité 2 1
Manque de liberté 2 0
Mauvaise qualité du produit 2 0
Pas assez de main-d'œuvre 2 0
Technologie (sous vide) 1 0
Faute personnelle 1 0
Exploitation 1 0
Métier basique 1 0
Loto 1 0
Total 512 100

 

Pour quelles raisons travaillez-vous pour cette enseigne ?
 

Effectif

%

Par opportunité ou par hasard 134 57
Pour améliorer mon expérience 38 16
Pour m'assurer un plan de carrière 23 10
Pour gagner plus d'argent 16 7
Je n'ai pas eu le choix 14 6
Autres 6 3
C'est l'enseigne que je préfère 4 2
C'est le numéro 1 en France 2 1
Total 237 100

 

Etes-vous satisfait de l'organisation de votre temps de travail ?
 

Effectif

%

Oui 206 68
Non 95 32
Total 301 100
Si non, pour quels motifs ?
 

Effectif

%

Emploi du temps imprévisible,    
horaire non respecté 39 38
Emploi du temps trop chargé,    
journée trop longue 23 22
Coupure mal intégrée 11 11
Mauvaise organisation ­ planification 7 7
Absence de vie de famille,    
peu de loisirs 7 7
Travail le week-end et/ou le soir 5 5
Pas assez de vacances 5 5
Grande perte de temps 4 4
Manque de main-d'œuvre 2 2
Salaire insuffisant 1 1
Total 104 100

 

Dans l'ensemble, comment jugez-vous vos rapports avec vos collègues ?
 

Effectif

%

Très bons 119 40
Bons 111 37
Normaux 64 21
Médiocres 4 1
Mauvais 1 0
Total 299 100

 

Pensez-vous que vos tâches soient bien définies ?
 

Effectif

%

Oui 237 79
Non 63 21
Total 300 100

 

Nombre d'heures travaillées par semaine
  Effectif %
De (>=) 35 à (<) 45 150 51
De (>=) 45 à (<) 55 69 23
De (>=) 55 à (<) 65 32 11
De (>=) 25 à (<) 35 21 7
De (>=) 15 à (<) 25 18 6
De (>=) 65 à (<) 81 6 2
Total 296 100

 

Pour vous, la formation c'est :
  Effectif %
Indispensable pour évoluer 199 66
Inutile - on apprend mieux sur le terrain 52 17
Un mal utile 50 17
Total 301 100

 

Au cours de votre carrière, avez-vous bénéficié de formation interne ?
  Effectif %
Non 216 71
Oui 89 29
Total 305 100

 

Trouvez-vous votre métier difficile ?
  Effectif %
Oui 237 79
Non 64 21
Total 301 100

 

Aimez-vous votre métier ?
  Effectif %
Oui 277 91
Non 26 9
Total 303 100

 

Le diplôme que vous avez obtenu
est-il en relation directe avec le métier que vous exercez aujourd'hui ?
  Effectif

%

Oui 163 56
Non 129 44
Total 292 100

 

Quels sont les 3 points forts de ce métier qui vous motivent ?
  Effectif %
Le contact avec le client 173 27
L'ambiance générale 62 10
Gagner plus d'argent qu'ailleurs 57 9
Le travail en équipe 50

8

Pouvoir évoluer facilement 42 7
Pour la cuisine, le produit 41 6
Métier dynamique 39 6
Plaisir de servir 37 6
Horaires flexibles ou avantageux 31 5
Métier artistique 20 3
Manager 17 3
Atteindre les objectifs fixés 12 2
Permet de voyager 11 2
Métier où l'on ne cesse d'apprendre 10 2
Métier à responsabilité 8 1
Liberté d'action 7 1
Trouve facilement un emploi 7 1
Un client satisfait 6 1
Métier de vente 3 0
Métier simple 2 0
Métier de gestion 2 0
Métier qui suit les tendances 1 0
Métier technique 1 0
Total 640 100

 

Pour vous, la loi sur la réduction du temps de travail c'est :
Effectif %
Irréalisable en restauration 108 37
Enfin plus de repos 58 20
Permettre d'engager une réflexion 53 18
N'importe quoi 36 12
Une perte de salaire 34 12
Une augmentation des prix 3 1
Total 292 100

 

Venir travailler chaque jour à ce poste c'est :
Effectif %
Un réel plaisir 163 54
Un automatisme 73 24
Une façon assez simple de gagner de l'argent 29 10
Une obligation, il faut bien manger 28 9
Un véritable calvaire 7 2
Total 300 100

 

Une image globalement positive de la profession par ceux qui l'exercent

Le point de vue de Pierre Marty, anthropologue urbain, spécialiste des phénomènes socio-émergents.
* Une lecture attentive et critique des réponses apportées par les personnes interrogées dégage ce qu'on pourrait résumer comme étant une "forte valeur ajoutée image" de la restauration pour ceux qui y travaillent. Ce résultat peut sembler contradictoire avec l'idée couramment répandue d'un métier de petits boulots précaires, mal rémunérés (...).
* C'est un métier qui offre un public : les points forts cités sont le contact avec le client, l'ambiance générale. On ne travaille pas seulement pour servir mais également pour rencontrer l'autre dans une relation qui n'est pas vécue comme servile (...).
* C'est un métier de héros : les personnes interrogées ont répondu massivement qu'elles aimaient leur métier et qu'elles en étaient fières (...). Elles expriment la dureté de leur métier, mais la présentent comme un point au moins socialement positif (...).
* Les handicaps cités comme pouvant pousser à renoncer à ces professions sont les contraintes horaires et les choix liés à la famille, ainsi que les questions de fatigue, qu'elles soient physiques ou liées au stress. Les arguments avancés relèvent de la vie privée et ne correspondent globalement pas à une situation vécue, mais projetée. L'avenir professionnel est donc bien envisagé en fonction du choix de vie dont les critères sont ailleurs que dans le travail.
* Il ne faudrait pas non plus sous-évaluer le rôle que joue l'absence de perspectives, en comparant les niveaux d'études, les souhaits de promotion et la faiblesse de la prise en compte ainsi que le temps consacré à la formation (...).
* Revalorisation de la profession et de ceux qui l'exercent : la restauration est un secteur qui s'est complexifié, offrant de nouvelles filières d'activités professionnelles. Celles-ci pourraient constituer des éléments significatifs de réponse aux besoins de progression de carrière qu'expriment légitimement les personnes interrogées, tout en les maintenant dans un secteur économique auquel elles s'affirment attachées. Cette perspective représente certainement une véritable opportunité qui contribuerait à la fois à la valorisation de l'image de la profession et de ceux qui l'exercent.


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2668 Hebdo 01 Juin 2000


zzz56r
L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration