Nice
A Nice, les restaurants de nuit, confrontés à de nombreuses contraintes administratives et économiques, préfèrent fermer leur établissement à 2 h 30. Résultat, la clientèle s'évade vers Monaco.
Rester ouvert en nocturne s'avère aujourd'hui peu rentable même à Nice, capitale de la Côte d'Azur. La majorité des restaurateurs de nuit ont d'ailleurs choisi de baisser leur rideau à 2 h 30 du matin. "La ville est plongée dans le noir dès 0 h 30 et la plupart des restaurateurs ferment leur établissement avant l'expiration de l'autorisation tardive, c'est-à-dire à 1 heure du matin ! Pourtant, il existe un potentiel évident pour la vie nocturne en été, bien sûr, mais aussi en hiver. Il y a encore quelques années, Nice comptait une vingtaine de restaurants qui fermaient leur porte vers 5 ou 6 heures du matin. Aujourd'hui c'est terminé, et l'on assiste à une évasion croissante de la clientèle de nuit vers la principauté", constate Hubert Boivin, président du Syndicat des restaurateurs de Nice. Pour expliquer cette situation, il évoque de multiples raisons : "La loi antibruit a chassé la plupart des night-clubs et des cinémas, locomotives de la vie nocturne, vers la périphérie de la ville. Cette décentralisation a eu des conséquences négatives sur la restauration du centre-ville. Sous la pression de certains riverains, les établissements de restauration se voient souvent refuser les autorisations tardives. Les autorités locales, contrairement à celles de Monaco, ne semblent pas avoir compris que nous étions dans une ville touristique. Les gens viennent ici pour s'amuser, notamment les congressistes. Après une journée de travail et de concentration, ils sont nombreux à chercher un endroit pour décompresser. Actuellement, les réceptionnistes des hôtels niçois n'ont d'autre choix que de leur recommander la destination de Monaco", ajoute Hubert Boivin, propriétaire de la brasserie du Montet. Situé à l'ouest de Nice, cet établissement est à l'abri de la loi antibruit. Cependant, régulièrement confrontée à des problèmes de sécurité, la brasserie ferme ses portes dès minuit.
La sécurité, condition n° 1 d'une vie nocturne
En termes de criminalité et du nombre de délits commis chaque année, Nice occupe la 2e
place en France, juste derrière Paris. L'insuffisance du dispositif des forces de l'ordre
rend cette situation encore plus difficile. Du côté des restaurateurs, la colère monte.
"La nuit, les restaurants sont de véritables commissariats de police. Les gens
viennent s'y réfugier s'ils se retrouvent dans la rue tard et s'ils se sentent menacés.
Faute de lumière et d'animation, l'ambiance dans la ville est très tendue et la
clientèle est de moins en moins nombreuse", laisse entendre Jean-Pierre Cresci.
Propriétaire des restaurants Taverne Masséna, La Pizza et le Québec, situés dans la
zone piétonne de Nice, ce professionnel a choisi depuis quelques années de fermer ses
établissements à 2 heures. "Pour éviter les pertes de chiffre d'affaires, j'ai
complètement décalé les horaires d'ouverture de mes restaurants. Auparavant, mes
établissements étaient ouverts pratiquement toute la nuit. Aujourd'hui, le gros de mon
chiffre d'affaires est réalisé dans la journée. Nous avons eu de la chance, d'ailleurs,
parce que la rue Masséna est devenuu piétonne, ce qui nous a permis de profiter d'une
importante clientèle en journée. La nuit, par contre, faute de parking, les clients
préfèrent aller ailleurs", souligne-t-il. Son homologue de la rue Félix Faure,
Serge Lorenzelly, propriétaire du restaurant Félix Faure, a eu moins de chance. Il n'a
pas trouvé de nouveau créneau pour compenser la perte du chiffre d'affaires lié à
l'évolution de la vie nocturne à Nice. Pour lui, les conséquences ont été plutôt
désastreuses. En l'espace de quelques années, le restaurant Félix Faure a
considérablement réduit son effectif, passant de 55 à 35 employés.
Un facteur aggravant
Hubert Boivin estime que les restaurateurs niçois ont dû faire face à une baisse de
leur chiffre d'affaires d'environ 15 %. Une situation qui, selon d'autres professionnels
de la restauration de nuit, risque encore de se dégrader l'année prochaine avec
l'application de la loi visant à réduire le temps de travail. Dès le 1er janvier 2001,
les restaurateurs employant plus de 10 salariés - ce qui est le cas de la plupart des
restaurants niçois - seront amenés à passer de 43 heures et 2 jours de repos par
semaine à 38 heures. "Nous sommes très pessimistes et inquiets pour l'avenir de
notre profession. La réduction du temps de travail ne fera qu'aggraver les problèmes des
professionnels de la restauration de nuit. Déjà aujourd'hui, c'est très difficile",
estime Jean-Pierre Cresci. Un avis partagé par Hubert Boivin. "Après le passage
aux 38 heures, travailler la nuit deviendra encore moins rentable. Avec toutes les
contraintes de la vie nocturne à Nice, aucun restaurateur n'acceptera d'embaucher du
personnel en plus pour assurer le service. A mon avis, les effets seront inverses à ceux
escomptés. Nous risquons d'assister à des suppressions de postes, une baisse d'activité
et une chute des chiffres d'affaires", conclut le président du syndicat.
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L'HÔTELLERIE n° 2667 Hebdo 25 Mai 2000