Charente
En trois ans, il a remis sur pied le Château de l'Yeuse, agonisant, grâce à un talent qui pourrait lui valoir, à terme, une nouvelle étoile.
16/20 au Gault et Millau : la
distinction se fait rare en terre charentaise, puisque seuls le Château de Nieul et La
Ruelle d'Angoulême la partagent avec l'Yeuse. Un établissement implanté sur les
hauteurs de Châteaubernard, dans la proche banlieue de Cognac, et qui depuis 1997 n'a pas
cessé de faire parler de lui. D'abord par un feuilleton "économico-
judiciaire", dont le dernier épisode, le redressement, n'est plus désormais qu'un
mauvais souvenir. Ensuite, par la liste de plus en plus longue de reconnaissances
élogieuses, allant des 4 heaumes du guide Châteaux et Hôtels de France aux 2
étoiles du Bottin Gourmand.
Cette remise sur pied spectaculaire ne doit rien au hasard, et beaucoup au cuisinier
Bernard Lambert (47 ans), un cognaçais d'origine, fort connu dans la profession, métier
dans lequel il compte autant d'admirateurs que de détracteurs. Atypique et fort en
gueule, ce chef aux cheveux longs et à la chemise ouverte sur un torse toujours bronzé,
a su mettre le talent au quotidien dans toutes les assiettes qu'il a rempli. Créateur de
La Chamade en 1981, une table angoumoisine qui grâce à lui prend une étoile, il fonde
en 1986 L'Echassier (en face du Château de l'Yeuse) conservant toujours son macaron et
grimpant au Gault & Millau. Il le vendra en 1992.
L'Yeuse en challenge
Repreneur du château il y a trois ans, soutenu par un financier du Nord (Georges
Drugmanne), il en fait à coup de rénovations audacieuses le premier 4 étoiles
hôtelières de Cognac. Des erreurs de gestion dues en grande partie à
un partenaire indélicat, le mettront un temps en difficulté, mais l'homme est d'une
trempe assez forte pour faire face aux pires avatars. Aujourd'hui, le Château de l'Yeuse
comptabilise 24 chambres superbes, emploie 20 personnes, et a toutes les chances de
retrouver le lustre porté par son patron en d'autres temps. "Je recherche des
clients ayant le palais fin, plutôt que le portefeuille trop garni, expliquait-il
récemment, et si je bénéficie des 4 étoiles, ma table se veut très abordable, avec
des menus à 150 F. Ma porte est ouverte à tous." Au Michelin en premier, dont
l'un des inspecteurs vient de contrôler l'affaire, ce qui laisse à Bernard Lambert de
bons espoirs pour l'année prochaine. Mais aussi aux nostalgiques de la cuisine de La
Chamade, dont les gourmets locaux se souviennent toujours avec émotion. "J'ai un
grand amour pour le Cognac lui-même, affirme-t-il. Un spiritueux que je tente de placer
le plus possible dans ma cuisine, et que je pousse à l'apéritif en long drink. Toutes
mes recettes sortent de ma tête et je cultive le respect du goût d'origine des produits
avant tout." Considéré comme la référence gastronomique cognaçaise par les
cinéastes partenaires du Festival du film policier, ce grand inventif cultive un
chef-d'uvre : l'huître à sa manière, qu'il impose dans une succession de cinq
plats différents. Et malgré sa réputation d'artiste caractériel au talent fou, il
réussit à rester simple. Etonnant, non ?
J.-P. Gourvest
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L'HÔTELLERIE n° 2667 Hebdo 25 Mai 2000