Saint-Tropez
Adresse incontournable pour la jet-set internationale de passage à Saint-Tropez, la "paillote" La Voile Rouge vient de disparaître, ainsi en a décidé la municipalité de Ramatuelle. Agitation, interrogations, la Ville cherche-t-elle à supprimer toutes les plages privées ?
Les plus matinaux y arrivaient pour prendre un matelas juste avant midi, mais c'est dans l'après-midi que la fête battait son plein. Installée sur la plage de Pampelonne, sur la commune de Ramatuelle, La Voile Rouge était le lieu de rendez-vous de toutes les folies, de tous les excès, l'incontournable endroit où il fallait être vu et où il fallait aller voir... Le champagne y coulait à flots, le plus souvent d'ailleurs pour arroser quelque jeune beauté dorée sur tranche par le soleil de la Côte. Certains n'hésitaient pas à monter sur la terrasse du toit du restaurant pour mieux dominer la situation. Au rythme des musiques les plus folles, quelques happy few assez riches pour s'offrir toutes les folies se donnaient ainsi l'illusion d'exister autrement. Ivana Trump n'y est-elle pas venue fêter son divorce en se baignant les pieds dans un bassin de champagne ? A plus de 3 000 francs la bouteille, d'autres choisissaient d'en commander des dizaines, voire quelques centaines, pour le seul plaisir de la fête, de la démesure, pour rafraîchir leurs amis... Certains arrivaient par la route, mais il était fréquent de voir des hélicoptères se poser pour permettre à ses occupants de profiter des fêtes de La Voile Rouge. Bien sûr cet endroit était incroyable et les excès qu'il suscitait choquaient les âmes sensées, mais il connaissait un succès qui permettait de réaliser des chiffres d'affaires inestimables... C'est une des raisons pour laquelle aujourd'hui, certains se réjouissent de la décision de la mairie de Ramatuelle, évoquant les nuisances sonores ou l'immoralité pendant que d'autres se morfondent, mettant en avant le fantastique phénomène d'attractivité du lieu pour une clientèle richissime qui, après un après-midi passé à La Voile Rouge, savait animer les restaurants, remplir les hôtels et les boîtes de nuit de Saint-Tropez.
A chacun sa vérité
Paul Tomaselli, patron de La Voile Rouge, voit dans la décision de la municipalité de
Ramatuelle un règlement de comptes, dénonçant le fait que la procédure d'appel
d'offres n'aurait ces 35 dernières années jamais été respectée pour se voir
appliquée depuis seulement trois ans, d'où sa candidature pour la concession de
l'emplacement où est implantée La Voile Rouge. Une offre qui a été refusée, la
municipalité préférant justement pour ce seul lot une remise à l'état de nature de la
plage... Pourquoi seulement sur celui de La Voile Rouge ? Aucune explication ne sera
fournie par la mairie qui est parfaitement dans son droit de ne pas avoir à se justifier
: la décision d'autoriser ou non une concession du domaine public n'ayant pas à être
motivée. Que deviendront les autres plages ? On peut s'attendre à certaines
restrictions, le préfet du Var ayant déclaré au Figaro que les 34 lots
attribués par la mairie de Ramatuelle ne seraient pas entérinés par l'Etat. Une
réunion de travail est prévue le 18 mai prochain pour tenter de trouver une solution
pour les plagistes qui restent... En attendant, Paul Tomaselli a saisi le tribunal
administratif de Nice pour dénoncer un vice de forme dans la procédure. Y a-t-il un lien
de cause à effet entre la décision du maire de Ramatuelle de faire disparaître La Voile
Rouge et sa décision d'implanter un casino à quelques centaines de mètres justement de
ce même lieu ? Allez savoir ! Ce qui est sûr, c'est que la manière dont la commune de
Ramatuelle applique le Code de l'urbanisme paraît quelque peu fantaisiste à certains.
Avant La Voile Rouge, d'une manière beaucoup plus discrète et beaucoup moins
médiatisée, Robert Rameau avait lui aussi été obligé de faire disparaître Les
Jardins de la Plage, et pourtant, il respectait le cahier des charges...
Jouer le rôle de promoteur
Robert Rameau est un des hommes qui a contribué au succès de Saint-Tropez des années
durant. Fondateur d'une des premières boîtes de nuit de la ville, il a créé la
première plage sur le domaine maritime à Ramatuelle, Moréa, en 1952. Une installation
qu'il montait tous les étés et démontait, comme la loi l'exige, à l'automne. En 1958,
il obtenait un permis de construire et bâtit alors en dur, un peu plus loin, non plus sur
le domaine maritime mais sur un terrain lui appartenant. Après avoir vendu 25 ans plus
tard, il rachetait des terrains, toujours sur Ramatuelle, pour y construire, avec un POS
de 5 %, un hôtel. Les permis de construire lui ont toujours été refusés, aussi
décide-t-il, lassé, de créer Les Jardins de la Plage, sur un terrain lui appartenant,
en bordure du domaine public maritime. Soucieux de respecter la réglementation, il ne
monte que quelque chose de léger et de démontable : 40 m2 pour la cuisine et deux
toilettes. En même temps, il dépose un premier permis de déclaration de travaux qu'on
lui refuse sous prétexte qu'il doit demander un permis de construire. Permis qu'il
dépose et qu'il se voit refusé sous prétexte qu'il dépasse de 20 m2 ce qui est
autorisé. Il refait plusieurs demandes, toutes essuient un refus. Pendant ce temps, la
DEE intervient sur son terrain et le verbalise pour construction sans permis. Il est dès
lors cité en correctionnelle et effectue un recours gracieux auprès du maire, refusé au
bout d'un an. Il démonte, et, alors qu'il exécute la décision de justice, se voit
condamné à 50 000 francs d'amende. Son pourvoi en cassation est rejeté. Autant dire que
Robert Rameau est aujourd'hui étonné de ce qu'il constate autour de lui : "Pourquoi
sur cette commune fait-on preuve d'autant de tolérance pour les uns et d'autant de
rigorisme pour les autres ? J'assiste à des constructions dans la plus grande
illégalité et l'on ne dit rien, la règle exige que tout soit monté en léger
démontable et soit effectivement démonté à la fin de la saison. Ici, presque tout le
DPM est construit en dur sur des surfaces qui dépassent 500 m2. Pourquoi le cahier des
charges concernant l'utilisation du domaine public maritime est-il respecté dans les
autres communes du Var et pas ici ?" Robert Rameau s'interroge et évoque le
rachat par la municipalité, au cours des dernières années, de terrains non
constructibles en bord de mer sur lesquels aujourd'hui elle entend construire. "Un
projet dont les permis de construire ont été annulés par le tribunal administratif de
Nice, décision confirmée par la cour d'appel administrative de Marseille. Aujourd'hui,
il paraît que la mairie va en conseil d'Etat pour faire entendre sa voix. La
municipalité se transforme en promoteur immobilier, s'accorde les permis de construire et
ainsi s'octroie, en matière d'urbanisme, ce qu'elle refuse à ses administrés et choisit
dès lors ses locataires...", precise Robert Rameau. Une explication sur laquelle
il est impossible d'interroger la mairie, où l'on ne veut faire aucun commentaire sur le
sujet. Affaire à suivre donc...
PLN
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L'HÔTELLERIE n° 2664 Hebdo 4 Mai 2000