Actualités

Entreprise
_________

La Terrasse de l'Etang à Meudon

Cauchemar après la tempête

Patience et ténacité, c'est ce qu'il a fallu à Nicole et Gilbert Godfroy pour ne pas sombrer. Le principal accès menant à leur restaurant est resté fermé pendant trois mois après la tempête.

Le 26 décembre dernier, la tempête a semé la terreur dans toute la France, privant les uns de toit, d'eau ou d'électricité, voire les trois à la fois. Dans le même temps, les secours peinaient à rejoindre les sinistrés puisque certaines routes étaient jonchées d'arbres brisés. Pour La Terrasse de l'Etang, restaurant idéalement situé à l'ombre de grands chênes dans la forêt de Meudon en région parisienne, la tempête a joué les prolongations. Un toit qui s'envole, rien d'extraordinaire. D'ailleurs, Gilbert Godfroy, le gérant de l'établissement depuis 15 ans, n'a pas tardé à faire poser une bâche pour couvrir la partie de la toiture manquante. Mais attendre trois mois que la circulation soit rétablie, il faut s'armer de patience.
C'est l'histoire incroyable de ce restaurant ouvert dans les années 60, très apprécié de sa clientèle qui est restée décontenancée ces derniers mois en trouvant la route barrée.

Route barrée
En réalité, deux accès mènent au restaurant : le premier rejoint Meudon (fermé 8 jours) tandis que le second, et c'est là que le bât blesse, relie La Terrrasse de l'Etang à Vélizy-Villacoublay. "Le problème, c'est que notre clientèle d'affaires du déjeuner vient de Villacoublay et qu'elle a trouvé la route barrée pendant trois mois. Beaucoup en ont déduit qu'on était fermé. Heureusement, certains habitués ont fait l'effort de venir en rejoignant l'autre route, mais c'est vraiment trop compliqué", explique Gilbert Godfroy. Un détour de plus de 8 kilomètres. C'est peut-être beaucoup demander aux clients dans une région où la concurrence est vive. Pour le patron de La Terrasse de l'Etang, le temps joue contre lui. Si les clients ne viennent plus et qu'ils prennent entre temps d'autres habitudes, il craint fortement une désaffection quasi définitive. L'infidélité de la clientèle, les clients zappeurs... il ne se leurre pas et l'inquiétude monte.
En fait, après la tempête, le restaurant a fermé ses portes pendant 8 jours. Adieu les réservations du réveillon... Puis il a rouvert et le cauchemar a commencé. Comme beaucoup de Français, Gilbert Godfroy pare au plus pressé en recouvrant d'une bâche l'annexe qui a perdu son toit en attendant des tuiles spéciales en rupture de stock. Si le restaurant possède une capacité de 70 couverts, l'annexe en offre 40 de plus et il faut protéger les lieux. Le propriétaire se tourne alors vers l'Office national des forêts, propriétaire du terrain, pour réclamer la réouverture le plus rapidement possible de la route barrée. "Vous savez que la tempête a fait des dégâts considérables dans la forêt, et tout particulièrement dans les parcelles surplombant la route forestière où plus de 10 hectares sont complètement dévastés, représentant près de 10 000 arbres à exploiter et à évacuer au-dessus de cette route", lui répond l'ONF qui évoque "un délai de 3-4 mois" avant que tout ne rentre dans l'ordre, tout en précisant que la durée est donnée à titre indicatif. En fait, le bois a été vendu à un forestier débordé par la tâche. Gilbert et Nicole, eux, sont dans l'expectative et le désarroi. "Nos charges (loyer, Urssaf, salaires, etc.) ne sont pas compressibles. Nous employons 13 personnes. Quel sera le déficit au bout de quatre mois ? A quoi auront servi toutes ces années de travail pour faire reconnaître la notoriété de notre établissement si en quelques heures 16 années de travail sont détruites à cause d'une route non dégagée ?", s'insurge Gilbert Godfroy.
Heureusement, dans le même temps, il a contacté Jean-Claude Impens, président de la chambre syndicale de l'industrie hôtelière d'Ile-de-France, qui n'a pas perdu une seconde pour engager le combat et l'aider à frapper aux bonnes portes. "Le préfet de région a organisé une réunion pour faire le point sur la situation. Tous les acteurs des activités touristiques y participaient et j'ai tout de suite évoqué le cas de La Terrasse de l'Etang", se souvient Jean-Claude Impens. A la demande du préfet, il se charge de faxer à tous les adhérents du syndicat, plus de 3 000 professionnels, un tableau que doivent renvoyer au plus vite tous ceux qui ont subi des dommages. De plus, la caisse de retraite Organic se dit prête à aider les professionnels en difficulté en leur octroyant une subvention de l'ordre de 50 000 F. A sa grande surprise, le président de la chambre syndicale ne reçoit que 7 réponses : 6 pour des dégâts mineurs et celle du restaurateur de Meudon. Les tableaux sont envoyés au ministère du Tourisme et on n'en entendra plus jamais parler.

Alerter les politiques
"Beaucoup de collègues ont fermé deux ou trois jours mais ils ne se sont pas plaints. Nombre d'entre eux ont dû annuler le réveillon parce que l'électricité n'était pas rétablie. En général, ils se sont débrouillés avec leur personnel et leurs assurances pour pallier les dégâts au plus vite", explique Jean-Claude Impens. Il concentrera donc son énergie à désenclaver La Terrasse de l'Etang : "J'ai écrit à tous les responsables, tous les préfets, conseil régional et général... Tous ont répondu rapidement et tous ont sommé l'Office national des forêts de rouvrir la route", ajoute-t-il. Quelques exemples : Jean-Pierre Richer, préfet des Hauts-de-Seine, saisit la commission tempête de son département dont la vocation est de contrôler les procédures d'indemnisation des dommages causés par la tempête pour aider l'établissement. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Ile-de-France, répond à Jean-Claude Impens qu'il est intervenu auprès de l'ONF dont les services "semblent disposés à prendre en compte l'incidence financière d'une perte d'exploitation partielle de cet établissement pour le calcul de sa redevance de l'année". Charles Pasqua, président du conseil général des Hauts-de-Seine, exprime aussi son soutien : "Si cette situation se prolonge trois ou quatre mois comme le prévoit l'Office national des forêts, elle risque de compromettre la survie de l'établissement car la route forestière des étangs constitue un des points de passage privilégiés de sa clientèle. Compte tenu de ces éléments, et considérant que la subvention spéciale tempête accordée par le conseil général des Hauts-de-Seine à l'ONF a principalement pour but de permettre d'accélérer les réhabilitations prioritaires, je saisis l'ONF de cette affaire et lui demande de rouvrir rapidement cette route à la circulation." Une réduction de la redevance est également suggérée.

Une baisse d'activité de l'ordre de 50 %
Grâce à toutes ces interventions, la route a finalement été rouverte au bout de trois mois et non quatre initialement prévus. L'ONF se dit même prête à envisager une baisse plus que légitime de la redevance après le préjudice subi par la famille Godfroy. "C'était mon boulot de mener le combat jusqu'au bout, déclare Jean-Claude Impens. Je connais beaucoup de monde et ça m'a bien arrangé." "En janvier, on a connu une baisse d'activité de l'ordre de 50 %. Certains soirs, on a ouvert pour un ou deux couverts. On était dans un trou noir", confie Gilbert Godfroy. Il faut dire que les alentours dévastés n'incitaient pas non plus à la fête.
"On a quand même eu de la chance, ajoute Gilbert avec philosophie, car la tornade est passée juste devant la terrasse. Plusieurs chênes d'au moins 150 ans sont tombés. Mais si elle était passée derrière, il n'y aurait plus de restaurant." Après trois longs mois d'attente, l'ouverture de la route est accueillie comme une bénédiction. A présent, si le toit pouvait être réparé, la perte d'exploitation indemnisée, la redevance de l'ONF considérablement amputée et le soleil refaire son apparition pour que les clients reviennent...
N. Lemoine


La route principale qui mène à La Terrasse de l'Etang, dans la forêt de Meudon, est restée coupée pendant trois mois, jonchée d'arbres abattus par la tempête...


Jean-Claude Impens, président de la chambre syndicale de l'industrie hôtelière d'Ile-de-France : "J'ai écrit à tous les responsables pour trouver au plus vite une solution. C'est mon boulot !"

 


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2661 Hebdo 13 Avril 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration