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Votre argent

Ne jetez pas aux orties votre Livret A

L'été dernier, lors de l'annonce de la baisse du rendement du Livret A, vous avez repris comme une majorité de Français les quelques économies qui sommeillaient dessus pour les déposer sur un placement plus rentable. Or, cet argent doit servir à payer les travaux en cours dans votre logement, il n'était donc là que pour quelques mois. Avez-vous bien fait d'effectuer ce transfert ?

Il est vrai qu'un Livret A ne rapporte plus que 2,25 % depuis le 1er août dernier. Un taux ridiculement bas comparé aux scores actuels de certaines valeurs boursières. Mais vous n'avez pas placé l'argent de votre Livret A dans ces titres qui dopent aujourd'hui les marchés boursiers. Vous savez que l'on ne joue pas en Bourse une somme à acquitter à une date fixe ! Votre argent capitalise sagement sur votre vieux contrat d'assurance vie en francs qui, ayant plus de 8 ans, vous permet dorénavant d'effectuer des versements et des retraits sans pénalités fiscales.
L'annonce, il y a quelques semaines, par le gestionnaire de votre contrat d'assurance vie, du versement d'un rendement de 6 % au titre de 1999, vous a conforté dans le bien-fondé de votre décision. Vous êtes, à présent, certain d'avoir gagné 3,75 % (6 % - 2,25 %) en transférant les fonds de votre livret A sur votre contrat d'assurance vie. Grossière erreur ! En réalité, vous avez perdu de l'argent !
Il est vrai que 100 F placés sur un Livret A pendant une année ne deviennent que 102,25 F à terme. Mais ces 2,25 F vous sont totalement acquis : pas d'impôts, pas de CSG, pas de CRDS, pas de prélèvement social à payer sur ce faible gain.
En revanche, votre billet de 100 F, avant même d'arriver en compte sur votre nouveau contrat d'assurance vie, a été amputé de ce qu'appellent pudiquement les assureurs, les frais de chargement. Ce sont en fait des frais qui sont prélevés sur les versements par tous les assureurs pour rémunérer entre autres leurs courtiers. En règle générale, ils représentent entre 3 et 5 % mais peuvent être beaucoup plus élevés pour certains contrats.
Supposons que, dans votre cas, les frais de chargement s'élevaient à 5 %. Par conséquent, ce n'est que 95 F qui ont été crédités sur votre contrat et c'est seulement ces 95 F qui vont fructifier à 6 %. Votre gain au bout d'une année ne sera donc que de 5,70 F et non de 6 F comme espéré. Et celui-ci va se rajouter aux 95 F comptabilisés sur votre compte. Par conséquent, après une année de vie, votre contrat affichera en compte 95 F + 5,70 F = 100,70 F.
Et encore, vous n'empocherez pas la totalité de vos gains : après l'assureur, c'est au tour de l'Etat de prélever sa dîme pour équilibrer les comptes sociaux de la nation. Et voici 10 % de vos gains, soit 57 centimes, qui vont à leur tour quitter votre contrat et en fin de compte vos 100 F de départ ne seront devenus après un an de capitalisation que 100,13 F.
Et en dernier lieu, précisons que nous supposons que vous retirerez moins de 60 000 F si vous êtes marié et moins de 30 000 F si vous vivez seul pour éviter la nouvelle taxe de 7,5 % sur les revenus.
Face à cette avalanche de prélèvements, difficile de ne pas admettre qu'il aurait mieux valu conserver ses fonds sur son Livret A. Votre compte n'était pas bon.
Reconnaissons tout de même que ce raisonnement ne sera plus valable quand votre billet de 100 F aura séjourné au moins 3 ans sur votre contrat d'assurance vie. Le taux de rendement plus élevé du contrat aura progressivement gommé le coût des frais et de la fiscalité par rapport au Livret A. Mais pour un placement à court terme, c'est-à-dire à moins de 2 ans, ce bon vieux Livret A présente encore bien des atouts.
En conclusion, si vous avez des sommes à placer en attente d'un paiement qui doit avoir lieu au plus tard, dans les 24 mois à venir, mieux vaut les verser sur un Livret A sans frais, ni fiscalité que sur tout autre placement. Les comparatifs de taux n'ont de valeur que si l'on n'oublie pas de tenir compte des frais annoncés comme de ceux trop souvent cachés. Les calculettes en francs comme en euros ont aussi encore une utilité !
M.-C. Barbier


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L'HÔTELLERIE n° 2660 Hebdo 6 Avril 2000

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