Bistrot des Arts à Nantes
Pascal Printz vient d'ouvrir un restaurant sans prétention, Le Bistrot des Arts, à Nantes. Indépendant jusqu'au bout des ongles, il évoque les difficultés inhérentes à la création d'une affaire et regrette notamment le manque de solidarité dans la profession.
Professionnel depuis plus de vingt ans, Pascal Printz, 43 ans, vient d'ouvrir son restaurant. "J'avais cette idée en tête depuis longtemps." Un établissement sans prétention mais convivial, où l'on mange sur un air d'accordéon des plats typiques du bistrot. "Quelque chose de qualité, avec un accueil convivial, selon Pascal Printz. Mais quelle aventure pour pouvoir monter un établissement ! Si je m'appelais Maître Kanter ou Accor, tout serait tellement plus simple ! On parle des grands groupes, d'accord, mais les petits comme moi, qu'est-ce qu'il leur reste ?" Et le patron de sortir de derrière son bar un petit plateau de service métallique au logo d'une grande marque de soda. "Voilà tout ce que j'ai reçu lorsque j'ai demandé à mon fournisseur s'il pouvait me donner quelques plateaux. Un seul petit exemplaire. C'est lamentable. Là aussi si je m'appelais..." Une anecdote mise en exergue afin de résumer le parcours qu'il vient de connaître. Aujourd'hui dans ses murs, il s'exprime à bâtons rompus : un syndicat qu'il ne porte pas dans son cur, des fournisseurs qu'il juge peu coopératifs, une ambiance entre confrères qui lui paraît trop suspicieuse, des administrations décourageantes, etc. "Quel que que soit le niveau dans le monde des affaires, il n'existe aucun dialogue. Le mensonge est roi quelque part. Il faut raconter ce qui plaît aux gens, s'adapter. Nous, les petits, personne ne nous aide et l'on doit se débrouiller seuls."
Une succession d'établissements
Pourtant, Pascal Printz connaît la musique et la profession. En une vingtaine d'années,
il a connu une multitude d'établissements, de villes, de pays. "J'ai débuté par
un apprentissage à Nancy pendant deux ans où j'ai tout connu : la plonge, la cuisine, la
salle, le bar... avant de passer mon CAP." Quelques établissements plus tard et
un service militaire effectué en Allemagne, "où j'ai pu faire des extras le soir",
il se lance dans l'aventure de la restauration rapide dans les années 70. "On
parlait de ces pizzerias qui marchaient fort et j'ai arrêté un an plus tard pour
intégrer une société qui bougeait, Courtepaille." Cette nouvelle orientation
le fait voyager de Nancy à Nantes en passant par Dijon. Ensuite, il revient sur Paris
dont il est originaire pour intégrer le Drugstore de Neuilly, "un monde que je ne
connaissais pas. C'était assez folklorique. Et un jour quelqu'un appelle pour rechercher
du personnel. C'était Jean-Paul Bucher. Je suis resté sept ans au total avec lui."
Il débute rue des Petites Ecuries, travaillera également au Terminus Nord en qualité de
chef de rang. "J'ai arrêté la cuisine à cette époque. La salle me convenait
mieux, le relationnel, l'accueil des gens." Et une fois de plus, Pasal Printz
empoigne ses valises, pour les poser dans le sud de la France cette fois-ci. Nice, Cannes,
puis la Camargue à Aigues-Mortes où il occupe un poste de maître d'hôtel. Un bref
passage à Munich, "mais la mentalité ne me convenait pas", et le voici
de retour à Paris chez Bucher avant de prendre, à 26 ans, une affaire à proximité de
Nantes. "En pleine campagne. Mais j'étais trop jeune." Au bout de deux
ans, il dépose le bilan. "Un moment très difficile à passer. Vous vous rendez
compte que tout le monde vous laisse tomber." Il part se ressourcer à Paris.
"J'ai travaillé comme un fou jusqu'à en être malade. Une hépatite virale. Et
là on se rend compte que l'on n'est qu'un pion. Malade, vous n'êtes plus productif et on
vous jette." Alors, de retour à Nantes, les établissements se succèdent une
fois de plus : La Cigale, Le Fleuriot, la Taverne de Maître Kanter, Le Bistro. Jusqu'à
ce que Pascal Printz ouvre Le Bistrot des Arts, un ancien magasin de produits biologiques.
Surtout pas le syndicat
Pour donner corps à son rêve, Pascal Printz fait appel aux banquiers. "Je ne
possédais aucun apport personnel. Nous avons hypothéqué l'appartement et la banque nous
a prêté près de 350 000 F. Désormais, si je ne réussis pas ici, je perds tout."
La décoration s'appuie largement sur l'existant, "avec quelques meubles que nous
sommes allés chercher dans des brocantes. Des nappes achetées dans des magasins peu
chers..." Un parcours du combattant que ce soit avec le notaire, qui prend ses
vacances juste avant de signer l'entrée dans les murs, les conseils sur la gestion, etc.
A ce sujet, Pascal Printz se plaint du manque d'informations. "La CCI ? D'accord,
mais il faut prendre des cours à 800 F. Je n'en ai pas les moyens." Il peut
alors se tourner vers le syndicat afin d'obtenir des renseignements. Là encore, Pascal
Printz nous fait part de ses doutes. "Le syndicat ? Surtout pas",
réplique-t-il. Selon lui, il ne peut pas défendre tout le monde sans préjugés. "Et
puis on vous dit que l'on travaille main dans la main. A 2 000 F l'adhésion, c'est quand
même une bonne poignée de main. Je suis indépendant et je souhaite le rester vis-à-vis
de toute structure." La solidarité des confrères ? "Ne m'en parlez pas.
Ici, tout le monde cache tout. On se retrouve chez les fournisseurs et ce sont juste des
"bonjours". Il n'existe pas de relations, chacun garde secret ses chiffres, ses
filières, etc. Je suis plus proche de mes clients que de mes confrères."
Alors Pascal Printz se consacre à son affaire de 55 couverts avec comme objectifs une
clientèle conviviale, une moyenne de 50 couverts le midi et 20 le soir. Et justement le
soir, "c'est le drame pour faire venir des clients. Il faut que je fasse mon trou,
que je m'imprègne du quartier..." mais, cette fois-ci, le patron déplore
l'attitude de la municipalité. "Ils sont venus me voir en plein service pour me
demander de retirer ma table en terrasse !" A peine son établissement ouvert,
Pascal Printz livre un nouveau combat.
O. Marie
En dates1974 : |
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L'HÔTELLERIE n° 2659 Hebdo 30 mars 2000