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La franchise en hôtellerie-restauration

Une affaire sérieuse

Plus besoin d'être de la partie pour connaître le principe de la franchise. Mais si elle a bien cours en hôtellerie et en restauration, les franchiseurs ont changé leur fusil d'épaule. Ils travaillent à présent main dans la main avec leurs franchisés.

La franchise ne date pas d'hier et son poids dans l'économie actuelle ne fait aucun doute. Avec quelque 530 franchiseurs, près de 30 000 franchisés et un chiffre d'affaires de 196 milliards de francs, on comprend tout l'impact de ce mode d'exploitation. En hôtellerie, environ 35 % des hôtels de chaînes intégrées en France sont liés par un contrat. En restauration, les données sont différentes. La restauration rapide apparaît comme la principale gagnante et la plus fervente de ce mode de développement. Car la franchise a ses limites et le cadre juridique qu'impose la loi Doubin interdit de la voir comme une simple collaboration commerciale. Franchisés et franchiseurs ont évolué et leurs exigences se sont affinées.

Un enjeu commercial
Si la franchise hôtelière a connu un véritable boom à la fin des années 80, c'est en raison du plein essor du secteur. Les chaînes souhaitaient se développer tous azimuts. Augmenter son parc uniquement par des filiales exigeait une santé financière insolente et peu d'opérateurs pouvaient prétendre détenir suffisamment de fonds propres pour agir en solitaire. La franchise a permis aux grands groupes de tisser leur toile sur le territoire, de façon rapide. D'autres considèrent que cette prolifération par la franchise a causé du tort à la profession. La défiscalisation aurait attiré trop d'investisseurs au détriment de vrais hôteliers. "Un titre de franchiseur que beaucoup se sont octroyé sans connaissance du marché. D'où une poussée de petites chaînes sans réel concept qui n'ont d'ailleurs pas vécu très longtemps durant les années 80", commente un observateur. Quant au secteur de la restauration, il est encore assez timide dans l'univers de la franchise. Il est largement dominé par des groupes comme McDonald's qui pratiquent la franchise à tour de bras. On assiste aussi à un développement par la franchise des chaînes de restaurants à fort ancrage thématique qui peuvent supporter une reproduction à l'identique. Les chaînes de restaurants traditionnels sont proportionnellement assez peu nombreuses. "La restauration française se prête assez mal à la franchise car nous avons une grande richesse gastronomique qui nous interdit un clonage à l'américaine. Il faut pouvoir combiner franchise et grande liberté individuelle. Chez nous, 50 % des plats sont identiques. On ne mange pas à Marseille les mêmes plats qu'à Lille", explique Alain Cazac, propriétaire du Bistrot du Boucher. Pour d'autres chaînes de restaurants, la franchise n'est pas primordiale. Chez Buffalo Grill, par exemple, il faut montrer patte blanche pour y prétendre et l'enseigne ne recrute ses franchisés que parmi ses plus fidèles collaborateurs. Enfin chez Hippopotamus, on ne cache pas sa préférence pour une maîtrise de son développement. Dès lors que le site apparaît comme idéal et prometteur, il ne fait pas de doute que l'unité implantée sera une filiale. En revanche, dans le cadre d'un site secondaire, moins stratégique, la franchise peut être envisagée. En somme, le franchisé est parfois défavorisé par le franchiseur. Lorsque Formule 1 s'est créé en 1985, un flot de candidats à la franchise s'est présenté chez Accor, principalement les premiers franchisés Mercure ou Novotel. Mais devant la très forte rentabilité de ces hôtels à leur lancement, le groupe a vite arrêté la franchise pour se réserver ses créations hôtelières.

Pour fuir la solitude
Le profil des candidats à la franchise hôtelière a changé. Au départ, on avait affaire globalement à deux types de postulants : l'investisseur qui souhaitait s'associer à un groupement afin de rassurer son banquier et l'indépendant qui, face à la montée en puissance des chaînes hôtelières, n'envisageait plus son avenir seul. Désormais, l'accès à la franchise est motivé par la volonté d'être plus rapidement performant. Ce qui fait que le comportement du franchisé vis-à-vis de son franchiseur a été modifié. Auparavant craintif, attentiste, docile, il est devenu concerné, vigilant et parfois rebelle. "Indépendant dans l'âme, le franchisé veut garder un peu sa liberté, mais surtout il agit en qualité de gestionnaire. Il est demandeur de comptes et partisan de la plus grande transparence", assure Bertil Charbonnier, vice-président de Choice France. Ses attentes ont également changé. Au départ, il n'aspirait qu'à un simple concept, désormais il attend une commercialisation dynamique et efficace. "Un hôtelier indépendant n'a pas le poids suffisant pour approcher les grandes sociétés soucieuses de passer un contrat corporate pour l'ensemble de leurs collaborateurs disséminés sur toute la France. C'est également cela que nous attendons des chaînes", explique Isabelle Courtemanche, franchisée en Bretagne.

Les franchisseurs à l'écoute de leurs réseaux
L'autre évolution constatée est que le franchisé ne veut plus suivre aveuglément les décisions prises par les instances supérieures. Finis les moutons de Panurge comme cela a pu être le cas. Le despotisme du franchiseur n'est plus de mise. "Ce que nous voulons, c'est qu'on nous écoute", explique Lydie Thiriet, l'un des premiers franchisés de Clarine. Les franchiseurs en ont d'ailleurs pris conscience, car ils savent que sans la mobilisation de leurs affiliés, il n'y a point de salut.
"Nos franchisés sont totalement impliqués dans le projet de développement global car les compétences de chacun sont mises à contribution. A travailler à plusieurs, vous êtes beaucoup plus productifs et imaginatifs que tout seul", argumente Erwan Rouxel, directeur du développement des restaurants La Boucherie. Et son cas n'est pas isolé. De plus en plus de commissions achat, publicité, commercialisation se sont constituées au sein des chaînes afin d'impliquer les franchisés. De la même manière, Envergure, entré en force dans la franchise avec la reprise du groupe Hôtels & Compagnie, a voulu démontrer qu'il était un franchiseur à l'écoute de ses réseaux. La décision de lancer la marque Kyriad, regroupement des hôteliers Climat de France et Clarine, a été soumis à un vote en assemblée générale. Le franchiseur a également le souci constant de satisfaire au mieux ses sympathisants. Il doit veiller à moderniser son produit correctement et progressivement. "Ibis a fait évoluer son produit, son logo, parce qu'il était vieillissant. Certains ont eu du mal à accepter ce relookage car il fallait mettre la main au porte-monnaie afin que l'établissement réponde aux nouvelles normes. Mais c'est normal", explique Jean Dalaudière, président de l'Association des franchisés Ibis. Il faut simplement prendre conscience qu'un changement trop brutal déstabilise les franchisés.

L'intérêt des franchisés
Le franchiseur doit également faire preuve de fermeté au risque de voir certains franchisés le quitter. Ce fut le cas de l'hôtel Splendid de Nice qui a renoncé à la chaîne Sofitel en ce début d'année contestant la politique centraliste d'Accor (voir L'Hôtellerie du 3 février). Enfin, le franchiseur ne doit pas faillir à ses critères sous prétexte qu'il souhaite grandir rapidement. Une brebis galleuse qui intègre le réseau et c'est tout le troupeau qui se met à douter. Arrivée en phase de maturité et ayant assaini le milieu, la franchise tend à évoluer vers des contrats à la carte. Déjà, certaines chaînes proposent une redevance de base puis des cotisations annexes comme le marketing, la publicité, où l'adhésion est parfois optionnelle. Que ce soit en hôtellerie ou en restauration, ce sont des indépendants qui s'affilient désormais à des réseaux et ils souhaitent rester maîtres à bord. Ils ne sont pas devenus individualistes pour autant. Enfin, franchiseurs comme franchisés doivent intégrer la notion d'un travail en commun, main dans la main. "Le plus important pour nous est d'avoir confiance. Car la franchise implique un engagement complet de notre part et nous attendons la même chose de notre franchiseur. C'est ensemble que nous y arriverons", conclut Lydie Thiriet.
M.-L. Estienne


Les chaînes de restaurants à fort ancrage thématique peuvent plus facilement supporter une reproduction à l'identique ; c'est le cas de La Criée sur le thème de la mer.

Répartition de la franchise par secteur d'activité


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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000

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