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Le sous vide et les surgelés en restauration

Un développement encore frileux

L'utilisation de produits surgelés ou conditionnés sous vide laisse encore les restaurateurs de glace. Question de mentalités, de coût, ou tout simplement d'habitude, les fournisseurs se font difficilement ouvrir les portes... et en catimini. Pourtant, ce sont des solutions pour retrouver une bonne rentabilité. 

Largement représentés dans le panier de la ménagère, les produits surgelés font désormais partie de la vie courante des Français. Quant aux produits sous vide, 4e gamme ou sous atmosphère contrôlée, ils sont arrivés notamment avec les salades prêtes à consommer ; on ne compte d'ailleurs plus le nombre de références. Le linéaire des rayons des plats cuisinés sous vide a été multiplié par 3 en quelques années. Les chefs comme Bernard Loiseau ou Joël Robuchon ne cachent pas leur participation et sont presque devenus les porte-drapeaux de ce nouvel art culinaire. La fabrication est désormais sans faille et les contraintes d'hygiène imposées sont telles que ces produits sont parmi les plus sûrs. Cependant, les restaurateurs ne font pas une consommation assidue de ces produits. Ils les utilisent mais uniquement de manière occasionnelle et cela demeure confidentiel. L'expérience du Procope et le sort réservé à l'enseigne Chez Margot après son passage dans l'émission Capital de M6 ont refroidi plus d'un restaurateur. Ils ont eu le malheur d'avouer l'utilisation de produits sous vide. La clientèle les a boycottés et ils ont dû mettre la clé sous la porte.

Un secret de polichinelle
La restauration collective est, depuis quelques années déjà, un client fidèle de ces produits. Finie la corvée de patates ou autres tâches fastidieuses. Les chaînes de restauration avec ou sans cuisine centrale, soucieuses de leur productivité, n'ont pas trouvé mieux non plus. Elles utilisent ce procédé en aval mais aussi en amont. Préparés en grosse quantité, les plats sont conditionnés sous vide et expédiés dans les différentes unités. Le personnel sur place est ainsi moins important et cela assure une certaine homogénéité dans la qualité. Quant à la restauration dite classique, les fournisseurs sont formels. Tous utilisent au moins une fois de temps en temps des produits sous vide ou surgelés. "Il n'y a pas véritablement de typologie spécifique pour les utilisateurs de nos produits, explique Alain Richard, fournisseur de produits surgelés en CHR. De la grosse brasserie au restaurant gastronomique intimiste, tous y font appel, mais rares sont ceux qui l'avouent." Leur utilisation est loin d'être régulière : quelques plats par carte, lors d'occasions exceptionnelles, ou bien quelques légumes par ci par là, ou encore en aide culinaire pour une composition. C'est surtout une histoire de mentalités. Les Français ne sont pas encore prêts à consommer au restaurant un produit qui n'aura pas bénéficié de toute l'attention du cuisinier-maison. Et le restaurateur réagit de la même manière. "Un important restaurant auquel on livrait quelques plats cuisinés sous vide s'est retrouvé confronté à une grève. Les cuisiniers n'ont pas apprécié que leur travail soit déjà mâché", ajoute un fournisseur qui a préféré rester discret. Pourtant la majorité de ces produits peuvent être retravaillés et la cuisine d'assemblage est une voie obligée pour le commun de la restauration, on en est sûr.

La touche finale
Pour les plats préparés, il ne suffit pas toujours d'ouvrir un sachet. "Un bon cuisinier saura rectifier et travailler un plat cuisiné sous vide ou surgelé", explique Charles Rivoire, gérant d'Appro Portions. Son travail est aussi de préparer l'assiette correctement et non de déverser simplement le produit dans un plat. Visiblement, certains fournisseurs regrettent cette négligence de la part des professionnels qui, face à cette modernisation, n'arrivent pas à se positionner et en font le minimum. D'ailleurs, une publicité grand public de plats préparés n'a-t-elle pas utilisé le slogan : "Ce n'est pas parce que c'est déjà fait qu'il ne faut rien faire." Comme quoi, ce n'est pas un mal des restaurateurs mais un mal bien français ! En fait, les cuisiniers ne se sentent à l'aise qu'avec certains produits. Ils acceptent de faire appel au surgelé ou au sous vide pour ce qui est cru et qu'ils pourront ensuite travailler -- ce sont d'ailleurs ceux qui connaissent la meilleure évolution -- ou bien pour les recettes qui demandent une préparation ou une cuisson longue. Les produits de base, crus, sont surtout utilisés dans les restaurants au prix moyen supérieur à 200 francs. Ils passent en moyenne plus de temps sur chaque plat et cherchent donc à optimiser leur travail. "Il n'y a rien de valorisant pour un cuisinier à éplucher ses carottes ou ses oignons, explique Pascal Bredeloux, directeur marketing et commercial de Bonduelle FoodService France. Ils utilisent nos légumes afin de se concentrer sur autre chose."
Quant aux produits plus élaborés, la demande émane davantage des restaurants au ticket moyen plus bas. Ils recherchent surtout des recettes traditionnelles, souvent incontournables : une brasserie, par exemple, se doit de proposer une blanquette de veau sur sa carte. Avec les plats cuisinés, plus besoin de la préparer chaque jour. De même, plus de soucis concernant les plats difficiles à conserver au chaud comme les poissons. En fait, les gammes des produits n'ont pas énormément évolué car les fournisseurs préfèrent assurer avec des produits classiques. "Nous avons surtout développé des produits de service à savoir des filets de saumon sans arêtes, des brochettes de viande déjà montées... en somme tout ce qui permet une simplification des tâches annexes", explique Emmanuel Desjardin, directeur marketing chez Davigel. La réduction du temps de travail en restauration peut laisser supposer que le personnel sera concentré sur des tâches créatrices de valeur ajoutée et sur des fonctions visibles par la clientèle. Mais ce n'est pas la seule raison qui explique cette pratique.

Trop de contraintes
"Pour vendre du surgelé ou du sous vide, il est préférable d'avoir d'autres références qui vous permettent de prendre contact avec le restaurateur", indique Steve Laurent, commercial. Nombreux sont encore les restaurateurs qui ne veulent pas entendre parler du surgelé ou du sous vide. Les fournisseurs n'hésitent pas à commencer leur argumentaire de vente sur des produits dits classiques pour orienter le débat par la suite sur les gammes telles que le surgelé et le sous vide. Outre le frein psychologique, celui du coût est aussi très présent. Les cuisiniers souhaitent souvent acheter un produit élaboré au même prix que celui de la matière première. "Ils ne peuvent pas gagner sur tous les tableaux", s'indigne-t-on parmi les fournisseurs. "Pourtant il est parfois judicieux de calculer son prix de revient net par assiette pour apprécier à sa juste valeur nos produits", renchérit Pascal Bredeloux. Dans ce cas, tout dépend du type de produit, s'il est de base ou élaboré. La typologie du restaurant est également à prendre en compte. Vaut-il mieux payer un cuisinier le dimanche ou bien acheter des plats préparés ? Les fournisseurs déploient pourtant tout leur charme pour attirer les restaurateurs. Ils ne manquent d'ailleurs pas d'arguments et de munitions en ces temps de contraintes liées à l'hygiène, de méthode HACCP, de réduction du temps de travail, de traçabilité des produits... Ils n'hésitent pas à programmer des forums, à éditer des magazines internes et à faire travailler leurs propres cuisiniers afin de trouver de nouvelles idées et espérer susciter le besoin. Mais en définitive, celui qu'il faut bichonner c'est le client du restaurant car c'est lui et lui seul qui juge ce qu'on lui sert dans son assiette.
M.-L. Estienne


Les Français ne sont pas encore prêts à consommer au restaurant un produit qui n'aura pas bénéficié de toute l'attention du cuisinier-maison.


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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000

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