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Kyriad

La nouvelle arme d'Envergure

Le lancement de Kyriad, la nouvelle chaîne 2 étoiles du groupe Envergure, apparaît dans le paysage hôtelier comme un événement. Le groupe ose un pari sérieux où les bénéfices promis sont à la mesure de l'investissement et de l'effort engagés. Explication d'un acte stratégique original.

Lancer une nouvelle chaîne hôtelière sur le marché français encombré. Quelle drôle d'idée ! Et pourtant, le groupe Envergure l'a fait avec les hôtels Kyriad, au début du mois de février. Est-ce une recherche d'effet médiatique ou le résultat d'un opérateur hôtelier qui se cherche ? A priori, quand on connaît le sérieux et le passé d'Envergure, second groupe hôtelier en Europe, et que l'on étudie le projet qui se met en place pour la fin de l'année 2000, on ne peut être que convaincu que Kyriad est un engagement stratégique de poids.

Trop de marques
Après avoir repris les marques du groupe Hôtels & Compagnie en juin 1999, Envergure s'est retrouvé avec 8 enseignes hôtelières à gérer : Campanile, Climat de France, Clarine, Balladins, Nuit d'Hôtel, Bleu Marine, Première Classe et Tradition de France. La situation était d'autant plus complexe que cette fusion a entraîné un phénomène de doublons comme cela se passe souvent à l'échelle des grands groupes : des réseaux au positionnement identique sur le marché risquent de se parasiter. D'ordinaire, le repreneur fait tomber les enseignes du groupe repris et les supplante par ses propres marques quand il possède déjà une chaîne dans la même catégorie. C'est ce que fait Accor, où les réseaux en place, dont en priorité Mercure, profitent des opportunités. Chez Envergure où il existe pourtant à l'origine des enseignes fortes, l'option prise a été très différente : pour le groupe, il était impensable de faire fonctionner tout ce portefeuille de marques se révélant fatalement trop onéreux et de nature à disperser les efforts. Gérer une chaîne hôtelière coûte aujourd'hui entre 3 et 6 fois plus cher qu'il y a dix ans, en raison des moyens considérables de logistique et de promotion dans lesquels il faut investir. De plus, les études de Coach Omnium ont révélé qu'une chaîne devait atteindre un seuil critique de près de 150 hôtels pour espérer assez de notoriété et de moyens pour simplement exister sur le marché. L'époque où un groupe se devait de proposer au public une ribambelle de marques et de produits est révolue. L'ère est à la concentration. Unilever a ainsi supprimé 1 200 marques sur 1 600 que la holding avait en gestion. Des dizaines d'exemples identiques circulent dans le monde dans tous les secteurs d'activité. Si ces regroupements ont une motivation économique, ils correspondent aussi à une réalité pleinement marketing : le public est perdu devant l'innombrable. Il y a surabondance de marques, y compris sur le secteur des chaînes hôtelières. Le consommateur est égaré devant tant d'enseignes et ne peut plus absorber les messages émanant de chacune d'elles. Une étude commandée par le groupe Envergure pour l'aider à faire ses choix a confirmé que sur un échantillon de 14 chaînes intégrées majeures situées en France dans le créneau économique, seulement 4 enseignes étaient bien assimilées par les clients d'hôtels. Les autres étaient peu ou très mal comprises : concept flou, image décalée, positionnement mal adapté, etc... La seule solution réside à présent dans la construction de réseaux importants en nombre d'hôtels et disposant d'une forte notoriété. C'est une question de survie et non pas de mégalomanie.

Risques de résistance
Intégrer les hôtels Nuit d'Hôtel (après réadaptation de l'offre) dans le réseau Première Classe, qui est actuellement un de ceux qui réalisent le meilleur score de remplissage, est une idée qui est passée comme une lettre à la poste. La suppression à l'amiable de Tradition de France coulait de source également. Positionné comme une chaîne volontaire, avec moins de 20 hôtels, il n'a jamais pu acquérir de légitimité sur le secteur. En revanche, toucher ou retoucher à Climat de France et à Clarine a été une autre paire de manches. Leurs franchisés avaient un véritable lien affectif à leur marque respective. On pouvait craindre une résistance. Pour autant, les études ont démontré que ces deux chaînes (bien que Climat de France bénéficiât d'une notoriété honorable) n'avaient pas les atouts suffisants pour être pérennes. Il fallait dissoudre. Le lancement d'un nouveau réseau devenait une évidence. C'est Kyriad qui a été choisi et qui va se présenter au public à partir de novembre 2000.

Du jamais vu
Malgré les apparences bénignes, créer Kyriad est un véritable événement. D'une part, lancer une nouvelle chaîne sur le marché est devenu impensable : trop long et trop coûteux. Pour grossir, les opérateurs reprennent des réseaux existants et leur attribuent leur propre enseigne. Le phénomène Kyriad, c'est du jamais vu. Envergure va ainsi démarrer en bloc un réseau, alimenté par les anciens Climat de France et Clarine, en plaçant sur le territoire un corps d'armée de 200 à 230 hôtels sous une même bannière. Ce n'est pas la même chose que de démarrer avec 3 ou 4 établissements. D'autre part, cette nouveauté va surtout se concrétiser dans un même temps par le lancement d'une campagne de publicité de 15 millions de francs. Un budget qui correspond à un montant que peu d'opérateurs hôteliers s'offrent aujourd'hui, le support choisi étant le média télévisuel. On ne peut faire mieux. Sur trois vagues, entre la fin de l'année 2000 et la saison d'été 2001, les téléspectateurs français verront défiler 400 spots TV. Leur personnage principal sera Thierry Lhermitte, disposant d'un énorme capital de sympathie et de popularité. Il pourrait à terme symboliser la marque comme Depardieu pour les pâtes Barilla ou Gérard Klein pour Intermarché. "En 6 mois, nous allons donner à Kyriad la notoriété d'une chaîne hôtelière établie depuis 10 ans", promet Pierre Boulet de l'agence de communication Business, spécialisée dans les lancements à succès de nouvelles marques ou produits. Quand on sait que la notoriété (associée à une bonne image) est le principal moteur pour faire le plein de clients dans les hôtels d'une chaîne, on imagine sans peine que la démarche est bien vue. "La télévision, c'est sans doute cher, mais ça paye. Nous le savons chez Envergure, nous en avons fait l'expérience. C'est pourquoi nous faisons cet investissement en sachant ce que cela va rapporter à Kyriad, à ses franchisés et à Envergure", confirme Frantz Taittinger, p.-d.g. du groupe. L'effort publicitaire ne sera pas une opération ponctuelle. "Bien sûr, une campagne de publicité doit être renouvelée tous les ans pour rapporter,", poursuit Frantz Taittinger. Avis à ceux qui croyaient déceler une envie passagère.

Un concept contre la monotonie
Si le nom de Kyriad - contraction de "kyrielle d'hôtels et de myriade de solutions", selon le possible slogan de la future pub - peut surprendre, la force et l'intensité de la publicité mais aussi la présence du nom sur un grand nombre d'hôtels, devraient rapidement endormir la perplexité de ceux qui en doutent. "C'est un nom qui va vite se retenir", commente Georges Lewi, de Geodys, spécialiste des marques. Mais la nouvelle chaîne lance également un véritable plan de bataille qui va se mettre en place sur à peine deux ans, compte tenu de la taille du réseau. Le concept fédérateur deviendra progressivement réalité au travers du produit chambre, du petit-déjeuner et des autres services. Le groupe gardera les formules de restauration de la Soupière (Climat de France) et de l'Ardoise (Clarine), qui ont fait leurs preuves. Kyriad devrait même proposer des prestations uniques en France pour plaire aux voyageurs, qui sont pour l'instant tenus au secret. "Mais, nous ne pourrons pas garder les hôtels qui ne satisferaient pas à nos engagements de qualité et de confort, certifie Stéphane André, directeur général adjoint du groupe. Le positionnement de la future chaîne est celui d'une hôtellerie de type 2 étoiles, avec des standards et des promesses sécurisantes d'une grande chaîne intégrée, mais avec des prestations diversifiées dans chaque hôtel." Envergure veut cibler en priorité pour Kyriad les 41 % de clients d'hôtels qui se montrent désormais lassés de l'uniformité et de la trop forte monotonie de l'hôtellerie. Du coup, avec Campanile qui est plus normalisé, convenant davantage à une catégorie de clientèle, et Kyriad plus "personnalisé", Envergure pense pouvoir disposer d'une machine de guerre capable de s'imposer sur le marché européen, de développer ses parts de marché et de contrer pleinement ses concurrents, comme Ibis. En effet, la nouvelle chaîne prendra rapidement une dimension européenne, visant les principaux pays limitrophes à la France.

Une obligation de cohérence
Les franchisés de Climat de France et de Clarine ont bien compris leur intérêt à intégrer Kyriad et à gagner ce nouveau pari : créer une grande chaîne, disposant de moyens promotionnels musclés, pour le bonheur de tous, y compris de leurs clients. 76 % des affiliés ont dit oui à la création de Kyriad. "Leur projet est bien fichu et très complet", s'exclamait un franchisé lors de la journée de présentation qui a eu lieu le 4 février dernier. C'est aussi une course contre la montre qui attend donc Envergure. Les franchisés devront jouer de solidarité avec leur franchiseur. Histoire de se partager les dividendes de leur action.
M. Watkins


Les enseignes Climat de France et Clarine vont être regroupées sous l'enseigne Kyriad.


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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000

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