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Chaînes hôtelières volontaires en France

La maturité des réseaux

Les chaînes hôtelières volontaires sont devenues une force vive de l'hôtellerie française. Armées pour gagner des clients, elles commencent sérieusement à représenter une alternative face aux chaînes intégrées. Même s'il manque encore des moyens et une discipline chez leurs affiliés.
Etude Coach Omnium/La Revue

Terminé l'esprit "bricoleur du dimanche" des regroupements d'hôteliers. L'étude réalisée pour la 7e année par Coach Omnium pour La Revue confirme cette fois-ci encore que les chaînes d'indépendants excellent dans le professionnalisme. 80 % d'entre elles disposent d'une centrale de réservations avec une architecture informatique, parfois sophistiquée, 9 centrales sont même en connexion sur les GDS. On s'éloigne du simple téléphone, appelé centrale de réservations, décroché durant les rares heures de présence d'un salarié ou d'un bénévole permanent. 92 % ont un site sur Internet dont certains sont devenus de véritables petits bijoux interactifs permettant la réservation dans la majorité des cas. 10 chaînes sur 26 recensées ont même conçu ou sont en train de concevoir un réseau Intranet qui leur permet de mieux communiquer entre membres, et entre le siège et le réseau. 10 enseignes se sont même offert en 1999 une campagne publicitaire. Bien sûr, leurs budgets sont encore modestes par rapport aux efforts engagés par les chaînes intégrées, mais ils sont déjà significatifs, comme la campagne de 4,9 millions de francs des Logis de France ou de 1,7 million de francs dépensés par les Relais du Silence. Force de vente, chèques-cadeaux, cartes de fidélité, opérations de promotions sur des marchés ciblés, marketing direct, ne sont que quelques-uns des moyens de conquête de clientèle dont se sont dotées les chaînes volontaires, bien décidées à ne plus jouer dans la cour des petits. Cependant elles manquent encore cruellement de moyens financiers pour s'offrir le meilleur en promotion hôtelière et en image.

Bientôt le on-line
Et ce n'est pas fini. A partir de cette année 2000, les chaînes volontaires vont commencer à équiper leurs centrales sur Internet d'un système de réservations on line. Il permettra aux opérateurs de garantir aux internautes une réservation confirmée en temps réel, sans intervention humaine en aval. Le consommateur ne veut plus attendre. Best Western est déjà prêt. Logis de France s'y prépare. Relais & Châteaux sera opérationnel sous quelques semaines. Relais du Silence s'y mettra pour la rentrée et investira près de 140000 francs pour adapter sa logistique actuelle. Ces efforts sont d'autant plus prometteurs qu'ils permettront d'économiser en frais de structure et d'améliorer leur efficacité. Mais surtout, l'opération est payante car le web représente déjà entre 2 et 5 % des réservations, sans compter les internautes qui réservent en direct auprès des hôtels, après avoir visité le site de la chaîne. Mais les centrales de réservations classiques, hors Internet, explosent déjà. Celles des chaînes volontaires ont vu en 1999 une progression de 32 % du nombre de réservations enregistrées par rapport à l'année 1998. Châteaux & Hôtels de France annonce un chiffre d'affaires réalisé de 14 millions de francs et Inter Hôtel aurait généré pour son réseau 150 000 chambres réservées. Sur 1999, Logis de France a calculé 93 000 nuitées, Best Western a enregistré 200 000 réservations pour la France. Quels que soient les chiffres, le véritable mérite des chaînes volontaires est d'avoir réussi à créer ces outils et à les faire fonctionner, alors que presque toutes sont face à des hôteliers qui ont du mal à suivre le pas.

Hôteliers indisciplinés
Car le véritable mal dont souffrent les réseaux volontaires est le manque d'esprit collégial de leurs membres. Les hôteliers sont rarement impliqués dans leur enseigne et encore moins souvent participatifs et disciplinés. Les patrons de réseaux volontaires passent ainsi beaucoup de temps à vouloir convaincre leurs troupes du bien-fondé de leur démarche. Nombreux sont ceux qui se découragent. La multi-appartenance - le fait que 23 % des hôteliers soient affiliés à deux ou trois enseignes volontaires - pose un problème supplémentaire aux réseaux d'indépendants, qui ne peuvent mobiliser leurs troupes et promouvoir leur image. Déjà 3 chaînes volontaires ont adopté la mono-appartenance obligatoire de leurs membres : Relais & Châteaux, le pionnier, suivi de Best Western et d'Arcantis. Les Relais du Silence comptent y parvenir pour la fin de cette année. Mais pour les chaînes volontaires, la menace ne vient plus seulement de l'intérieur de leur réseau. En 1999, c'est une "pré-guerre" des chaînes volontaires qui a été déclenchée. Cela a surpris car auparavant, une forme de cordialité et de gentlemen agreement existaient entre les dirigeants de réseaux. Sans être forcément solidaires, ils communiquaient entre eux et se rendaient parfois des services. Dans le pire des cas, ils s'ignoraient simplement. Mais, tous se focalisaient plus ou moins contre l'action des chaînes intégrées venant chasser sur leurs terres, celles de l'hôtellerie indépendante. Début 1999, on assistait à des escarmouches, via la presse, entre Relais & Châteaux et Châteaux & Hôtels de France, suite à l'arrivée de sa nouvelle équipe dirigeante et à ses annonces mordantes. D'ailleurs, sa direction est en train de changer. Le lancement par The Leading Hotels of the World d'un label The Leading Small Hotels of the World n'a pas été du goût de la chaîne Small Luxury Hotels of the World, qui a entamé une action punitive. Quelque temps auparavant déjà, Logis de France a eu des démêlés avec l'Association des Logis de Grande-Bretagne, ce qui a provoqué une rupture diplomatique. L'année dernière, c'est le réseau britannique Consort Hotels qui, en fusionnant avec Best Western, s'est désolidarisé de son partenaire Consort Hotel France, du groupe Hélan. Ceci a conduit ce dernier à cesser son activité, car il ne disposait plus d'une marque significative pour le seul territoire français. Un arrangement à l'amiable a pu éviter le procès. Esprit de France, nouveau venu sur le marché français des chaînes volontaires, est en partie constitué de sécessionnistes, anciens affiliés de Châteaux et Hôtels Indépendants (devenu Châteaux & Hôtels de France). Pour certains, cette situation guerrière est saine et génère une concurrence dont tout le monde finira par profiter, le client en premier lieu. Mais le risque est que des coups bas pleuvent, ce qui n'est jamais bon pour le commerce. L'analyse montre qu'il y a là le signe d'une certaine maturité acquise dans l'univers des chaînes volontaires. Les enseignes volontaires sont donc bien devenues des entités à vocation vraiment commerciale, et non plus les charmantes amicales hôtelières pacifiques que l'on croyait reconnaître.

Vers le fusionnel
Cette amplification de la concurrence va s'affirmer par l'interdiction de la multi-appartenance, qui a des chances de se multiplier dans les toutes prochaines années. Si l'on assiste aux premiers bras de fer entre chaînes volontaires, cela n'empêche pas les fusions et les rapprochements entre réseaux de s'opérer, comme dans tous les autres secteurs d'activité. Inter Hôtel fait désormais front avec Les Etapes Touristiques Corses, en étant déjà partenaire de Minotel Europe. Châteaux & Hôtels de France travaille avec 9 autres chaînes d'indépendants situés dans des pays européens. Logis de France a trouvé ses pairs en Irlande, en Belgique, en Italie et au Luxembourg. Créées bien souvent dans une région, la plupart des enseignes qui ont été dans ce cas se sont armées pour un développement national, comme Elysées West Hotels, Les Hôtels Unis de Paris devenus Les Hôtels Unis pour l'occasion, ou encore Les Pieds dans l'Eau. L'extension sur l'international est l'étape naturelle suivante. Déjà 7 chaînes volontaires d'origine française ont une passerelle, voire un viaduc sur l'international. Les plus internationaux sont Relais & Châteaux avec 241 maisons, soit 2/3 de son parc, localisées dans 44 pays (hors France) et Relais du Silence qui compte 144 hôtels à l'international dans 12 pays en Europe et au Canada.

Une réouverture sur les réseaux thématiques
Au 1er janvier 2000, les 26 chaînes volontaires recensées par Coach Omnium représentent 5 825 hôtels, soit 30,5 % des hôtels classés français, si on ne tient pas compte du quart des hôtels qui sont multi-adhérents. Le solde du parc est positif pour la troisième année avec une progression de 114 hôtels, soit 2 % pour 4,5 % de chambres de plus. Près de 800 nouveaux hôteliers sont venus rejoindre les rangs des réseaux volontaires, mais environ 700 autres les ont quittés. C'est un phénomène qui devient récurrent, comme on dit, et qui confirme bien la volatilité des hôteliers. On s'est aperçu que contrairement aux franchisés, qui quittent leur chaîne intégrée (poussés dehors ou en départ volontaire) et qui recherchent immédiatement après une nouvelle enseigne, les hôteliers des chaînes volontaires ne réintègrent que difficilement un autre réseau. Avec le lancement de la chaîne Les Pieds dans l'Eau et Esprit de France, ou encore Les Hôtels de Centre-Ville, on assiste à nouveau au renforcement de l'hôtellerie thématique, comme Moulin Etape qui est si chère à la clientèle des week-ends et des courts séjours. Les chaînes volontaires sont en fait assises à cheval sur le marché du tourisme d'affaires et sur celui du tourisme de loisirs. Bien sûr, les réseaux aux hôtels majoritairement situés à la campagne accueillent plus fortement des voyageurs venus pour la détente que les hôtels de centre-ville. Mais une clientèle d'affaires, mais aussi de séminaires, commence de plus en plus à rechercher les petites maisons nichées dans la verdure. Les chaînes hôtelières volontaires semblent finalement avoir pris à l'heure le train de la modernité. Il leur reste à accomplir un long parcours pour parvenir à se rendre crédibles auprès de leurs clients, mais aussi auprès des hôteliers. A présent leur travail est de parvenir à se forger une image au même titre que n'importe quelle marque dans la société de consommation.
M. Watkins

Le parc des chaînes volontaires en France

Les chaînes volontaires de + 100 hôtels en France
au 1er janvier 2000, sur 26 enseignes recensées

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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000