Pour le New-Yorkais ou le Londonien qui envisage de se vendre à Paris où, comme chacun sait, il n'est pas meilleur endroit au monde pour se restaurer, le ChantAirelle sis rue Laplace, au cur du Quartier latin, n'est pas forcément la première adresse qui vient à l'esprit. Mais voilà, depuis qu'Internet mondialise le moindre bistrot, ChantAirelle a ses chances avec voila.fr précisément, où il apparaît comme le premier restaurant de la liste de ce moteur de recherche lancé par France Télécom. Comme la paresse est le vice le mieux partagé du monde, l'internaute pressé ou peu curieux commencera par consulter le site chantairelle.com, et là, c'est la surprise.
L'Auvergne en numérique
Une page d'accueil agréable et conviviale, qui permet de choisir d'abord entre le
français et l'anglais pour la suite de la consultation. On ne le répétera jamais assez,
mais sur le Net, le bilinguisme est absolument obligatoire pour nous autres, pauvres
Français, dont la langue a depuis belle lurette perdu le statut d'idiome international au
profit de celle de Shakespeare et de Hawthorne (enfin presque). L'arrivée sur la
première page est un peu longue, peut-être en raison du dessin animé naïf d'une vache,
une Salers ou une Aubrac, qui remue gentiment la queue, ce qui n'ajoute rien à
l'intérêt de la présentation.
Un seul lien avec le site frère, modestement intitulé Site mondial de la confiture
artisanale, avec lequel l'amateur d'authenticité pourra se fournir en ligne d'un
choix de plus de 200 parfums de confitures différents. Il pourra même bénéficier de
sages conseils pour accommoder les marmelades selon le plat, puisqu'il paraît que la
confiture se marie fort bien avec le fromage, le gibier, le poisson ou même en apéritif.
Sur son site, ChantAirelle propose donc la carte et le menu, une visite de
l'établissement, un plan d'accès, une découverte du Livradois-Forez, ainsi que son
masque de réservation et une généalogie de la famille Bethe, les exploitants du
restaurant.
Cybertentation
C'est incontestablement la consultation de la carte et des menus qui est le point fort de
chantairelle.com, ce qui est logique s'agissant avant tout d'un restaurant. Le menu de la
semaine, remis à jour, est également affiché, et tous les prix sont indiqués en francs
et en euros. Vivement 2002, où la seule valeur aura cours dans les pays de l'Union
européenne. Il sera plus facile de composer et d'apprécier le coût exact de la
prestation.
Le gourmet apprendra que tous les produits proposés par ChantAirelle proviennent
exclusivement de producteurs fermiers du parc régional naturel du Livradois-Forez. Ce
militantisme culinaire se traduit par d'alléchantes propositions telles que la cassolette
de ris de veau, l'agneau de 7 heures ou le chou farci d'Yssingeaux, autant d'appellations
susceptibles de convaincre les adeptes de plus en plus nombreux d'une cuisine de terroir
réputée saine, authentique et savoureuse.
Une curiosité sémantique est restée une énigme pour nous : les fromages sont
sélectionnés par J.-P. Lathière, un spécialiste qui s'occupe du musée des Fromages
d'Ambert, et que le site présente comme un "conseiller en tyrologie". La
tyrologie, on n'a pas trouvé, ni dans le Larousse ni dans le Robert.
Ces solides nourritures peuvent être accompagnées de jolies bouteilles dont l'Auvergne a
le secret, Saint-Pourçain, Côtes du Forez, Châteaugay, qui sont les exclusivités de la
carte de ChantAirelle. Mais beaucoup plus chic, le must en quelque sorte de ce site, c'est
la carte des eaux d'Auvergne. Fini le snobisme banal de la Chateldon, l'amateur éclairé
hésitera dorénavant entre une Charrier, une Parot ou une Chateauneuf.
Pour trouver ChantAirelle
Les Auvergnats, c'est bien connu, ne manquent ni de pragmatisme ni de sens du commerce.
Y compris sur le Net où le webmaster a fait preuve d'une démarche très pratique.
Bien sûr, on peut réserver de manière facile sa table en fixant le jour, l'heure et le
nombre de couverts, mais pourquoi est-il obligatoire d'indiquer son e-mail, surtout si
l'internaute concerné n'en a pas (c'est rare, mais pas impossible).
En revanche, le plug-in pour visiter le restaurant est beaucoup trop long, et donc pesant
: près de 8 minutes pour charger Quicktime VR, c'est dix fois trop pour visionner des
photos sombres et mal cadrées qui laissent juste deviner que l'ambiance et le décor de
ChantAirelle doivent être sympas. Mais peut-être est-ce le but recherché.
Quant au plan d'accès, il s'agit d'une initiative de bonne volonté qui reste à
parfaire. Les indications type "à 100 mètres du Panthéon, près du métro
Maubert" réservent l'information aux Parisiens déjà bien informés, d'autant que
le plan n'est pas d'une absolue clarté. Enfin, pas davantage que n'importe quel plan de
Paris qui requiert un microscope pour repérer une rue dans le dédale de la Montagne
Sainte-Geneviève. Pour les intellos, disons que ChantAirelle est situé entre la fac de
droit, le lycée Louis le Grand et l'ancienne Ecole polytechnique.
Il restera à ceux qui sont avides de tout savoir à consulter la généalogie de la
famille Bethe ainsi que les vieilles photos qui nous rappellent le début du siècle et
l'entre deux guerres, mais il faut vraiment se sentir concerné. Plus informative est la
place accordée aux richesses touristiques et naturelles du parc naturel régional du
Livradois-Forez, une région que tout le monde ne situe pas forcément sur la carte de
France.
Avec chantairelle. com, un indépendant démontre qu'il est possible, sans doute
sans trop de frais (nous sommes entre Auvergnats), de construire un site intéressant et
convivial susceptible de plaire à un internaute en recherche d'originalité et
d'authenticité. C'est pas compliqué et presque amusant. Félicitations à la famille
Bethe de s'être lancée sur la Toile. ChantAirelle a bien mérité qu'on dise où c'est :
17, rue Laplace, Paris Ve. Tél. : 01 46 33 18 59.
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L'HÔTELLERIE n° 2656 Hebdo 9 Mars 2000