Actualités

Editorial
_________

La place du talent

Comme tous les ans dans les derniers jours de février, la tension monte au sein des brigades les plus dynamiques et tous attendent le verdict du Guide Rouge. Des choix qui ne sont jamais remis en cause, même s'ils déçoivent ou surprennent quelques-uns, des choix qui consacrent des maisons, des équipes et surtout le talent de femmes et d'hommes passionnés. Cette année, c'est le chef du Grand Vefour, Guy Martin, qui vient de recevoir la consécration suprême : la troisième étoile. Un choix que personne ne contestera tant l'homme qui ne cesse d'attiser sa créativité est investi dans son métier, sans concession, pour toujours mieux faire et rechercher inlassablement raffinement et perfection. Cet homme est un grand cuisinier, un grand professionnel, un grand créateur et ne peut être qu'un maître, un modèle pour tous les jeunes cuisiniers. Que n'en avons-nous davantage à donner en exemple à tous les adolescents qui hantent les cuisines d'application des écoles hôtelières. Et pourtant, le trois étoiles 2000 est un autodidacte qui a fait ses premières armes comme pizzaïolo ! Un parcours sans faute qui devrait peut-être amener tous ceux qui demandent une identification des professionnels à travers les diplômes de l'enseignement technique à davantage de prudence... Refuser à ceux qui ne sont pas titulaires d'un CAP de cuisine ou de restaurant l'accès aux fourneaux, c'est accepter de priver les clients du talent de créateur de la trempe de celle de Guy Martin et de bien d'autres encore dont les noms, connus du monde entier, font honneur à la cuisine française. S'il est légitime que tous ceux qui, des années durant, ont cherché à apprendre leur métier de cuisinier aux côtés de maîtres exigeants, veuillent aujourd'hui valoriser leurs efforts, leurs sacrifices, leur savoir-faire en mettant en avant leurs signes de reconnaissance, est-il indispensable qu'ils excluent ceux qui, non moins talentueux, ont choisi d'autres chemins pour arriver à des résultats similaires ? Leurs codes sont souvent différents, certes. Ils ne travaillent pas toujours à la même heure, mais de ces différences naissent des évolutions dont certaines enrichissent encore la cuisine, la restauration. Pourquoi vouloir s'attacher davantage au chemin parcouru pour arriver à quelque chose qu'à l'excellence du résultat ? Pourquoi refuser d'admettre que ce qui est le plus important pour un cuisinier, c'est d'être bon, voire très bon, pour apporter du plaisir aux clients plutôt que de se soucier de la manière dont il a pu arriver à ce résultat ? Qu'importe le diplôme, qu'importe le verdict des notes qu'un jury ait pu donner des années auparavant quand on sait que le seul verdict qui compte est celui des clients qui aiment ou qui n'aiment pas la cuisine qu'un chef, aussi diplômé soit-il, leur proposera ? Quand on parle de défense de la qualité, de l'identification du métier, que l'on cherche davantage à penser au client, à son attente, à ses besoins, plutôt qu'à la protection d'un pré-carré, parce que sans client dans les restaurants, il ne peut y avoir de métier.
PAF


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2655 Hebdo 2 Mars 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration