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Des restaurateurs déstabilisés à Caen

Les groupes prennent position

Arrivées successives de Léon de Bruxelles et des 3 Brasseurs, réaménagement du centre-ville de Caen attirant de nouveaux restaurants... Sur la ville de Guillaume le Conquérant et ses alentours, l'offre en restauration ne cesse de croître. Quelques indépendants s'en soucient.

Après les hôtels, les restaurants ? Dans les années 90, l'hôtellerie caennaise a connu une multiplication des ouvertures d'établissements (anniversaire du débarquement, etc.). Aujourd'hui, il semblerait que la tendance soit à l'accalmie. Sur Caen les restaurants vont-ils prendre le relais ? Restaurateur caennais et président de la chambre syndicale de la ville, Joël Jacqueline affirme : "Si nous devions subir une nouvelle vague d'implantation de restaurants comme nous en avons connu récemment, certains ne s'en remettraient pas." Cette vague à laquelle fait allusion le professionnel se situe notamment sur la commune de Mondeville, partie intégrante de l'agglomération caennaise. Ici se développe depuis quelques années un vaste complexe commercial occupant près de 30 hectares. Il ne cesse d'attirer les plus célèbres enseignes, articulées autour d'un centre commercial de 12 000 m2 de surface de vente, et surtout d'un cinéma comprenant 12 écrans pouvant accueillir quelque 2 500 spectateurs. Côté restauration, on a noté l'arrivée successive d'un Buffalo Grill, d'un McDonald's, d'un Pizza Paï et tout dernièrement d'un Léon de Bruxelles et d'un 3 Brasseurs. Il n'en faut pas plus pour inquiéter les restaurateurs du centre-ville situé à 10 minutes en voiture.

Ce septième Léon de Bruxelles de province compte 270 places. "Nous accueillons une clientèle d'affaires le midi, des gens qui viennent faire leurs courses... Le soir, plus de la moitié de notre clientèle a la quarantaine et plus", précise Olivier Bendel, directeur des opérations chez Léon de Bruxelles. Quelques mois plus tard, et à quelques mètres, l'enseigne des 3 Brasseurs ouvre à son tour. Avec 330 places, il se positionne sur une clientèle plus jeune, surtout le jeudi (soirée karaoké) et vendredi soir (soirée concert). "Le midi, nous accueillons surtout une clientèle d'affaires et le soir dans la semaine, plutôt une clientèle familiale, rappelle Denis Boidin, directeur d'exploitation de l'établissement. La restauration représente 90 % de l'activité des 3 Brasseurs."

Un réel transfert de CA

600 places en plus dans la restauration en quelques mois, les indépendants du centre-ville ont des sueurs froides. "Il y a eu un réel transfert de chiffre d'affaires de Caen vers Mondeville, assure Joël Jacqueline. Moi qui étais à 150 m du cinéma Pathé, je l'ai bien ressenti. En mai, date d'ouverture de Léon, j'ai accusé une baisse de 17 % de mon chiffre. En septembre, la baisse s'est renouvelée de moins 1 à moins 8 %. Mais aujourd'hui tout ça s'est calmé et est revenu à un niveau correct. L'effet de curiosité a bien entendu joué au départ, bien que chez Léon on reconnaisse qu'il n'y a pas eu l'effet de curiosité escompté. Les 3 Brasseurs nous ont fait du tort pendant cette période." Et confirmant les rumeurs circulant ici ou là, le directeur des exploitations de Léon de Bruxelles précise : "On ne peut pas dire que cet établissement de Caen soit notre plus grosse ouverture. Nous sommes satisfaits, sans plus. Ceci est dû à plusieurs phénomènes : nos premiers prix trop importants, la concurrence de la côte avec les moules frites, la clientèle exigeante et également la mauvaise image que l'on peut avoir ici des chaînes nationales." Dès l'ouverture en effet, Léon débute avec sa carte parisienne et ses prix... parisiens. Une erreur bien vite corrigée. Chez Les 3 brasseurs, le moral semble au beau fixe depuis l'ouverture. "Nous sommes aujourd'hui au-dessus des objectifs fixés (+ 15 %) et nous allons agrandir", prévient Denis Boidin.

L'arrivée de ses deux enseignes déplace le marché et la clientèle. Ce phénomène s'accompagne bien entendu "d'un transfert de personnel". Nombre de personnes sont attirées par ces chaînes croyant que leurs conditions de travail seront meilleures. "Mais c'est faux, avance Joël Jacqueline. Beaucoup de gens sont revenus dans leurs entreprises de départ ! Et encore lorsqu'ils font appel à des personnes de métier, ce qui n'est pas toujours le cas." Chez Les 3 Brasseurs (34 employés dont 10 cuisiniers), le turn-over a effectivement été assez important au départ, "mais c'est normal", précise Denis Boidin. Chez Léon (trentaine de personnes), on enregistre "très peu de turn-over. Il y a eu en tout et pour tout 4 démissions depuis l'ouverture", assure Olivier Bendel.

Le centre attire les enseignes

Pour autant, on n'assiste pas à une réaction vive de la part des professionnels indépendants du centre. "Chacun reste chez soi, remarque Joël Jacqueline. Il y a des animations avec l'Association des commerçants du centre mais elle ne compte que très peu de restaurateurs." Parallèlement à ces implantations successives sur Mondeville, la municipalité caennaise a décidé de réaménager le port de Caen, autrement nommé bassin Saint-Pierre situé au cœur de la cité. "Les travaux ont débuté début janvier pour se terminer en septembre", précise-t-on du côté de la mairie. Au programme, des allées piétonnières, des pistes cyclables, des plantations et... une réorganisation du stationnement. "Nous allons limiter les places à 450." Certains commerçants grognent. Quant à Joël Jacqueline, il avoue être "sceptique. On m'a toujours dit : no parking no business." Ce réaménagement devrait par ailleurs s'accompagner d'ouvertures de restaurants, bars, etc. "Un restaurant, un bar-brasserie et une discothèque ont d'ores et déjà ouvert leurs portes récemment", précise-t-on à
la mairie. Des indépendants s'installent et l'élan devrait se poursuivre. Un trop plein d'établissements ? D'autant que dans le très touristique quartier du Vaugueux les enseignes sont légion. "Il y a ici, à 250 m du bassin Saint-Pierre, des enseignes telles que Le Bureau, La Taverne de Maître Kanter, la Boucherie, etc." Et face à ce renouveau, des bruits de couloir prennent vie. "On parle d'une brasserie Guinness, de Hippo, etc." En attendant d'en savoir plus...

L'offre s'emballe bel et bien dans une ville de 200 000 habitants comprenant quelque 25 000 étudiants. Les professionnels se posent également la question de la main-d'œuvre. "Nous connaissons actuellement une réelle pénurie de personnel dans notre profession. Compte tenu de cette pénurie, pouvons-nous blâmer les personnes qui recrutent du personnel pas ou peu qualifié ? se demande Jacques Leparfait en se rassurant tout de même. Bientôt le nouveau dispositif de classement dans la restauration obligera le responsable comme le personnel à une formation, une qualification." Et le président de revenir sur l'offre en restauration qui compare tout à fait ce boum de la restauration à celui qu'a connu l'hôtellerie quelques années plus tôt. "Les créations vont bon train, c'est un fait. Nous sommes vraiment plus que représentés dans toutes les formes de restauration sur Caen." Mais pour Jacques Leparfait, ces implantations nouvelles rééquilibreront le marché. "C'est très bon pour le centre-ville qui devient un centre d'animation. Mais les professionnels sont inquiets, et au syndicat, on reste attentif."

O. Marie


"L'effet de curisoté a bien entendu joué au départ."


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L'HÔTELLERIE n° 2654 Hebdo 24 Février 2000

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