Hôtellerie vosgienne
Victimes de six jours de coupure d'électricité entre Noël et nouvel an suite à la tempête du 26 décembre dernier, les hôteliers vosgiens ont vu les clients déserter leurs établissements. Le manque à gagner ne sera pas indemnisé.
Un mois après la tempête du siècle, le premier bilan des conséquences financières du sinistre s'avère très lourd : la fédération départementale de l'industrie hôtelière vosgienne chiffre à 25 millions de francs le montant des pertes non assurables subies par la profession. La tempête qui a ravagé la forêt a certes causé des dommages matériels aux toitures, enseignes et volets, mais le principal préjudice provient de la coupure de courant de six jours qui, intervenant au pire moment, a littéralement vidé les hôtels qui affichaient pourtant complet. Souvent persuadés d'être indemnisés pour leur manque à gagner, les hôteliers ont appris à leurs dépens l'existence d'un alinéa de leur garantie "perte d'exploitation" : celle-ci n'est valable que si elle comporte l'option "perte d'exploitation liée à la carence d'un fournisseur". Encore faut-il que la close spécifie le risque lié à la carence du fournisseur d'énergie ou, du moins, qu'elle ne l'exclue pas. "Une coupure de courant aussi grave que celle du mois de décembre ne s'était jamais produite en temps de paix. Les entreprises vosgiennes, dont 35 % seulement ont souscrit une assurance perte d'exploitation, n'ont pratiquement jamais jugé utile de se garantir contre la carence d'EDF. N'étant pas assurés contre ce type de sinistre, les hôteliers vosgiens ne peuvent malheureusement pas prétendre à une indemnisation", explique Jean-Jacques Mouriot, assureur à Epinal et délégué régional du Centre de documentation et d'information de l'assurance (CDIA).
Perte de 7 à 8 % du CA
Entre 300 et 400 professionnels, essentiellement regroupés dans la région de Gérardmer,
risquent donc d'en être pour leurs frais. "En une semaine, j'ai perdu entre 7 et
8 % de mon chiffre d'affaires annuel. Les fêtes s'annonçaient pourtant bien, avec 21
clients le 26 décembre au matin et autant de réservations pour le réveillon du nouvel
an. Le 26 au matin, les clients sidérés ont vu des sapins de 30 mètres se coucher sur
la route. Nous avons allumé des bougies, mais il n'y avait rien à faire pour rétablir
le chauffage. Le lundi matin, tout le monde était parti", raconte Lionel
Davidhorter, gérant du deux étoiles Gérard d'Alsace à Gérardmer. Impressionnés par
les images de la télévision ou retenus chez eux par les intempéries qu'ils avaient
eux-mêmes subies, la plupart des clients attendus pour le réveillon ont décommandé. Le
31 décembre, l'établissement n'accueillait que 13 personnes. L'hôtelier espère à
présent un geste commercial de la compagnie Zurich pour indemniser son préjudice.
Les bonnes surprises des assurances
Partagé par nombre d'hôteliers, l'espoir d'un arrangement à l'amiable a généré une
rumeur infondée selon laquelle un assureur acceptant d'indemniser un établissement en
dehors des garanties prévues par le contrat ferait jurisprudence. "C'est aussi
absurde que de prétendre que si un restaurateur offre une bouteille de champagne à ses
clients, l'ensemble de ses confrères est tenu d'en faire autant", rétorque
Jean-Jacques Mouriot.
Il arrive néanmoins que le rendez-vous avec l'assureur assure de bonnes surprises. "La
tempête nous a empêché de servir les repas durant deux jours. A priori, l'assurance
perte d'exploitation n'intervenait qu'au terme de trois jours. Mais mon assureur a admis
que les denrées entreposées dans mon congélateur ayant été détruites, je n'ai pas pu
travailler durant le troisième jour. J'ai donc bon espoir d'être indemnisé sur la base
de mon chiffre d'affaires de l'année dernière à la même période", indique
Philippe Thomas, propriétaire du Bon Gîte, hôtel deux étoiles de sept chambres et 70
couverts à Senones, qui évalue ses pertes à 70 000 F, perte d'exploitation et
marchandises comprises.
Perte d'exploitation liée à la carence d'un fournisseur
Le département compte même de véritables chanceux. Gérant du Collet à Xonrupt,
Olivier Lapoutre avait révisé voici un an son contrat souscrit auprès de l'assureur
alsacien Générali. Le 26 décembre, l'hôtelier a vu ses 21 chambres de son
établissement deux étoiles se vider en moins d'une journée de ses 55 clients. "Nous
ne leur avons même pas fait payer la nuit sans courant et les 80 réservations souscrites
pour le réveillon ont été annulées. J'estime avoir perdu environ 250 000 francs au
cours de cette semaine, sans compter les pertes de marchandises", témoigne le
propriétaire. Au terme de trois semaines passées dans l'expectative, Olivier Lapoutre et
son assureur ont examiné ensemble l'assurance de l'établissement. La close "perte
d'exploitation liée à la carence d'un fournisseur" y figure en toutes lettres. Sauf
ultime mauvaise surprise, le Collet devrait compter parmi les rares établissements
vosgiens indemnisés.
"La tempête a fragilisé l'ensemble des PME de la région et a placé certains de
nos adhérents dans une situation dramatique. Nous savons que nous ne récupérerons pas
l'intégralité de nos pertes, mais nous comptons sur les pouvoirs publics, et tout
particulièrement sur le ministère de l'Economie et des Finances, pour venir en aide à
nos confrères les plus sinistrés", indique Jean-Louis Lafouge, gérant de
l'hôtel de la Route Verte à Gérardmer, président de la Fédération départementale de
l'industrie hôtelière et membre de la sous-commission pôle économique et entreprises
de la commission plénière, mise en place par la préfecture des Vosges pour faire face
au sinistre. "Après la tempête, les administrations se sont mobilisées
efficacement pour nous venir en aide : l'Urssaf et les banques ont consentis des
facilités de paiement, les assureurs ont relevé considérablement le seuil d'expertise
des sinistres et la direction départementale du Travail et de l'Emploi a débloqué 1,8
million de francs pour nous aider à indemniser le chômage partiel de nos salariés. Nous
souhaitons à présent que les pouvoirs publics maintiennent cette solidarité",
poursuit Jean-Louis Lafouge. Bercy déterminera le montant de son aide début avril,
lorsque la profession aura dressé un premier bilan de la saison d'hiver.
P. Braun
"N'étant pas assurés contre ce type de sinistre, les hôteliers vosgiens
ne peuvent malheureusement pas prétendre à une indemnisation" déclare
Jean-Jacques Mouriot, assureur.
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L'HÔTELLERIE n° 2652 Hebdo 10 Février 2000