Jean-Yves Vilboux
A 50 ans, Jean-Yves Vilboux reprend les rênes d'une petite auberge gastronomique, l'Aubergade. Président des Tables gourmandes du pays rennais et des restaurateurs au sein du syndicat départemental, l'ancien chef du Mermoz réalise son rêve. Une cuisine plus intimiste, en contact permanent avec les producteurs et les clients.
Jean-Yves Vilboux se définit lui-même comme
"un homme de la mer et de la côte" et rêve parfois de pêche au casier
au large de Lannion ou "de gratte aux coquillages sur la côte, les jours de
grandes marées". Mais l'Armor attendra. Pour l'instant, le restaurateur
s'enracine en Argoat. L'ancien chef du Mermoz, situé dans l'aéroport de
Rennes/Saint-Jacques, vient en effet de reprendre l'Aubergade, petite auberge de qualité
nichée à l'ombre de la tour de Châteaugiron en Ille-et-Vilaine. Un autre rêve se
concrétise et le bateau attendra. La mer perd un marin, la terre gagne un épicurien.
"Je voulais un établissement intimiste, dans un environnement médiéval. Je
pensais à Dinan, à la rue du Chapitre à Rennes... Ici c'est parfait. Juste à côté du
château, à proximité d'une ruelle médiévale." Et l'Aubergade se met au
diapason de son environnement, alternant poutres apparentes, colombages et vieilles
pierres. Mais l'air iodé souffle néanmoins dans ce restaurant gastronomique. Dans
l'entrée, des fauteuils habillés de tissus arborant des ancres marines ou un tapis orné
de coquillages et de vagues rappellent les passions du chef. Délicieux mélange.
Chef du Mermoz, reconnu et apprécié de ses confrères comme de la clientèle, qu'est-ce
qui pousse Jean-Yves Vilboux à se lancer dans une nouvelle aventure ? N'aspire-t-on pas
à 50 ans au calme et à la sérénité ? Il laisse en effet le Mermoz en parfaite santé
(il en conserve d'ailleurs la gérance), avec un dernier bilan affichant un solde positif
de 4,50 MF "Mais qu'est-ce que vous voulez, c'est la passion qui veut ça. La
cuisine est une maladie chez moi, c'est un métier que je fais avec mes tripes. Et mon
plaisir aujourd'hui, c'est de me retrouver au contact du client, de faire le marché etc."
Autant de choses qu'il ne pouvait pas réaliser au Mermoz. Restaurant de l'aéroport, il
fallait là-bas assurer les petits-déjeuners, les plateaux-avion... "Le volume
d'achat journalier est différent. Je ne pouvais pas me permettre d'aller faire le marché",
contrairement à Châteaugiron où ce jeudi matin, il empoigne son panier en osier.
Un homme de produits
Deux rues plus haut, il retrouve les maraîchers, les poissonniers... "J'ai besoin
d'un beau cabillaud, de noix, de fromage... et de fleurs pour décorer." Quelques
saluts, un regard connaisseur jeté sur les étals et le voilà de retour dans son
établissement pour préparer le déjeuner.
A l'Aubergade Jean-Yves Vilboux retrouve la notion de plaisir. Pas plus de 45 à 50
couverts, une équipe restreinte à un commis et une jeune fille en salle, un contact
direct avec la clientèle, et les petits producteurs du coin... "C'était ça ou
rien !" et ne comptez pas sur lui pour délivrer une cuisine "en kit".
Ici, le restaurateur de métier des provinces françaises proposera des plats innovants,
"sans tomber dans la routine. Les plats seront dressés un jour de telle façon,
le lendemain d'une autre. Ici avec telle herbe, là avec une autre etc." Et
surtout rencontrer le client. Hommes d'affaires la semaine, couples le samedi soir,
familles le dimanche. "Leur dire : aujourd'hui, j'ai acheté au marché un superbe
poisson, profitez-en ! On va travailler des produits nobles pour une cuisine plus
sophistiquée. Parce que cela correspond non seulement à ce que je souhaite, mais
également à la maison."
Côté produits, la cuisine de Jean-Yves Vilboux dégage une "dominante
poisson", à l'image de ce Filet de rouget rôti à la crème de moules ou de ce Dos
de bar rôti au coulis de langoustines. Il réserve par ailleurs une place de choix aux
coquilles saint-jacques, produit qu'il affectionne particulièrement et qu'il délivre sur
sa carte en Poêlée de saint-jacques aux girolles et son jus d'étrilles. N'a-t-il pas
remporté la finale du concours organisé par les brasseries de l'Abbaye de Leffe et
honorant le meilleur mariage "Bière et produit de la mer et du terroir" ? Pour
ce faire il avait concocté une Cassolette de blé noir aux saint-jacques braisées à la
bière blonde sur une chiffonnade de légumes. "Et aux alentours de Châteaugiron
je trouve des producteurs de qualité. Que ce soit dans la volaille ou dans le
buf..." Jean-Yves Vilboux est assurément un homme proche des produits,
"et j'aime par-dessus tout les toucher". On n'en doute pas lorsque l'on
regarde cette photo encadrée dans l'entrée. Elle le montre en compagnie de deux chefs
reconnus sur la région, Rachel Gesbert et Joseph Froc, entourés de produits divers et se
délectant d'un plateau de fraises. Convivialité et bonne chère, le client est averti.
Sortir de sa chapelle
Cette volonté à faire valoir le produit l'a conduit à adhérer à de multiples labels
et associations. "S'il l'on veut aujourd'hui une reconnaissance du public, il faut
être sérieux et s'attacher aux produits vrais." Restaurateur de métier des
provinces françaises, Euro-Toques, Tables gourmandes etc. Jean-Yves Vilboux n'est pas
avare d'adhésions. Sans compter sa participation aux confréries (saint-jacques bien
entendu, mais également marrons de Redon). "Les Tables gourmandes ont été
relancées pour communiquer. Il faut que l'on sorte de nos chapelles. Je sens aujourd'hui
le besoin qu'a la profession de se retrouver entre elle, sans élitisme." La
dernière réunion a d'ailleurs rassemblé 18 des 22 membres. Et le syndicat dans tout ça
? Président en son sein des restaurateurs, Jean-Yves Vilboux reconnaît qu'il s'agit là
"d'un combat permanent assez ingrat. Mais il faut occuper le terrain pour que la
profession soit reconnue et défendue". Lancé dans le syndicalisme par un grand
industriel local, Louis Le Duff, Jean-Yves Vilboux vit son parcours dans ce domaine comme
"un enchaînement. J'ai été délégué du personnel chez Le Duff et puis de fil
en aiguille on continue..."
O. Marie
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L'HÔTELLERIE n° 2651 Hebdo 3 Février 2000