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Rennes

Les travaux de la colère

Avancement du Val, réaménagement du centre-ville, Rennes vit actuellement au son des marteaux-piqueurs et à l'ombre des grues. Les travaux se multiplient causant nuisances sonores, embouteillages ou affaissements de chaussée. Non sans dommages pour l'activité des professionnels du centre-ville.

Rennes ressemble depuis des mois à un immense chantier. Les hommes en casques jaunes se retrouvent à chaque coin de rue, les grues concurrencent les clochers, etc. En surface comme en sous-sol, les travaux pullulent. Depuis janvier 1997, la municipalité a lancé le chantier du Val, métro nouvelle génération à l'image de ceux de Lille ou Toulouse, devant relier le sud au nord de la ville en 2001. En surface, les ouvriers montent les stations tandis que sous leurs pieds, Perceval, le tunnelier, creuse la terre. Parallèlement, Rennes s'engage dans un réaménagement de son centre-ville, notamment place de Bretagne et sur les quais. Et ceci, sans compter bien entendu sur les habituels travaux inhérents à l'entretien de la ville.
Ces chantiers ne sont pas sans conséquences pour les Rennais, particuliers et commerçants. S'installant sur les grands axes de circulation, ces travaux engendrent tout d'abord des encombrements significatifs et pas seulement aux heures de pointes. "Le samedi après-midi, on ne retrouve plus le flux qui remontait de la République à la place des Lices, regrette Jean-Marie Mouchague, gérant de la taverne le Piccadilly, situé entre les deux, place de la mairie. On trouve les mêmes enseignes du centre à la périphérie ! Pour déjeuner, certains clients ne s'aventurent plus au cœur de la ville." Propriétaire de la brasserie Le Café Noir et du Café Arthur, Alain Georges va plus loin : "Les gens ont perdu l'habitude de se rendre dans le centre. Ici c'est la bérézina ! On ne s'y prendrait pas mieux pour les décourager d'y venir !"

Trois affaissements de chaussée
Mais ce sont surtout les travaux du Val qui focalisent les rancœurs. Nuisances sonores, encombrements et surtout... affaissements de chaussée à deux endroits (rues Magenta et Jules Simon) et à trois reprises. Ces affaissements induisent de fait la fermeture immédiate de la rue concernée. Pour prévenir un éventuel incident, certains commerçants de la rue Pont aux Foulons ont d'ailleurs été obligés de fermer boutique, le temps du passage de Perceval sous leurs pieds.
Installés rue Magenta, Serge et Nathalie Ferron ont vu l'activité de leur hôtel-bar-restaurant bien affectée par l'affaissement. "Ils ont bouché la rue par des palissades, etc. L'accès à notre établissement a été particulièrement difficile pendant un mois", se souvient Nathalie Ferron. Une fois l'incident produit, les ouvriers s'activent alors pour recouvrir le trou, "de 7 h du matin à 20 h !", provoquant le départ de certains clients de l'hôtel. "Deux d'entre eux avaient prévu un séjour d'une semaine. Ils ne sont restés qu'une nuit", déplore Nathalie. Durant plusieurs mois, une partie des fidèles du bar n'est plus venue et "ne parlons pas des clients occasionnels !" L'activité observe une chute de 40 % les trois premiers mois, "alors que nous enregistrions une moyenne d'évolution de plus 20 % depuis trois ans ! Heureusement que nous avions l'hôtel pour équilibrer l'affaire". Autre lieu autre affaire. Le 16 mars 1999, la rue Jules Simon s'affaisse à son tour. Depuis, "nous vivons dans le bruit et la poussière", témoigne Alain Georges, propriétaire du Café Arthur. La phase de consolidation du sol débute en mai. Mi-septembre, une partie de la rue reste toujours en travaux. Inutile de préciser que la terrasse de 40 places n'a pas fait le plein durant l'été ! "Vous avez envie de manger dehors avec le bruit des marteaux-piqueurs et la poussière ?" Alain Georges regrette d'autant plus cet état de fait que la terrasse "fonctionne bien le midi pendant l'été. Mais là ! Le soir pour l'apéro on n'avait personne et dans ce quartier de toute façon, à 20 h la fréquentation devient quasiment nulle. Mais c'est aussi un problème de motivation du personnel qui travaille dans le bruit toute la journée". Depuis le mois de mai, le patron du Café Arthur estime la baisse à 30 %. "Si je n'avais eu que cette affaire, j'étais mort !"

Des effets néfastes indirects
Afin d'éviter de nouveaux affaissements, la municipalité décide de consolider le sol (par injections de béton) avant le passage de Perceval qui, dans la continuité de la rue Jules Simon remonte via la rue d'Orléans, vers la place de la Mairie et la place Sainte-Anne. L'ensemble étant piétonnier. De grandes centrales à béton s'installent sur cet axe. "On nous a mis devant le fait accompli. Prévenus 10 jours avant ! Depuis le 1er mai, cela fait 5 mois de nuisances !", regrette Pierre Duclos, propriétaire de l'Angélus, célèbre café situé à l'angle de la rue d'Orléans et de la place de la Mairie. Les travaux débutent à 7 h 30 pour se terminer vers 18 h. Des barrières sont installées, laissant un passage pour les piétons de 2 mètres de chaque côté de la rue. Sur les 45 places habituelles de la terrasse, les clients ne peuvent désormais en occuper que 18, en ayant le nez pratiquement collé sur les barrières. "On vient dans un bar pour se détendre. A l'intérieur on fermait même les fenêtres pendant l'été !" Les travaux interdisent dans ce périmètre les traditionnelles manifestations de l'été. "Pas de braderie ici, pas de Fête de la Musique, pas de spectacles des Tombées de la nuit ! Rien !" Et Michèle Duclos d'avancer les chiffres : "- 26,63 % en mai par rapport à 98, - 17,32 % en juin, - 34,41 % en juillet, - 24,95 en août et environ - 30 % en septembre ! Alors qu'en avril nous observions une progression de 25 % par rapport à 98." Seule la recette brasserie du midi se maintient, "grâce en partie à l'arrivée des ouvriers". Quelques mètres plus haut, place de la Mairie, la brasserie Piccadilly (80 places en bar et une centaine en restaurant - 200 couverts/jour), collée à l'opéra. Depuis sa reprise de l'établissement, Jean-Marie Mouchague n'a jamais connu "le Picca en situation normale. Nous avons subi les travaux de l'opéra pendant 18 mois, jusqu'en avril 1999. En mai débutaient ceux du Val !" La place de la Mairie est alors coupée en deux par des palissades et envahie de cabines de chantiers et de centrales à béton. "C'est bien simple, on ne nous voyait pas. Les gens se demandaient si l'on était en travaux." La terrasse du Picca forte de 120 places, accuse le coup.
Face à ces dérangements, les commerçants créent une association, ACDC Val (Association de concertation et de défense des commerçants concernés par les travaux du Val) bénéficiant du soutien technique de la CCI.
"Cette association a pour objectif de fédérer les commerçants afin de défendre leurs intérêts", précise son animatrice. Toutes les entreprises ne sont en effet pas indemnisées par la Semtcar, société d'économie mixte en charge de la construction du Val.

Indemnisation des professionnels
Seuls les commerces directement concernés par l'affaissement de la chaussée ou la fermeture de leur commerce reçoivent une compensation, à l'image de l'hôtel Magenta. "Nous avons perçu 136 000 francs." La Semtcar refuse de dédommager les commerces subissant indirectement les nuisances des travaux du Val. Ces derniers, à l'image de l'Angélus, montent un dossier en vue d'attaquer la Semtcar devant le tribunal administratif. "Nous envoyons nos chiffres à ACDC Val tous les mois pour la constitution du dossier, précise Michèle Duclos, en espérant un dédommagement en rapport au chiffre d'affaires. Ce n'est pas le but du jeu de demander plus. Mais en attendant, nous avons dû emprunter de l'argent pour conforter la trésorerie. Le découvert existe toujours, mais là, cela devient trop important !"
Pour autant, tous savent que cette démarche judiciaire va prendre du temps. Certains attendent alors un petit geste de la municipalité, comme messieurs Duclos et Mouchague. "Je ne demande rien pour l'instant, mais j'espère bien qu'à l'heure où je devrai payer mes 12 000 F de redevance terrasse, ils la diviseront par deux ou l'annuleront tout simplement !", avance Pierre Duclos. J.-M. Mouchague a d'ores et déjà demandé l'exonération de son droit de terrasse équivalent à 60 000 F. "S'ils l'acceptent, je ne pense pas mener d'action devant le tribunal administratif."
Loin d'être jusqu'au-boutistes et évitant de porter cette affaire sur le plan politique, la plupart des commerçants estiment que ce Val devrait, à terme, attirer davantage de monde en ville. Mais tous rajoutent en chœur, "si l'on tient jusqu'en 2001 !"
O. Marie


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L'HÔTELLERIE n° 2645 Hebdo 23 Décembre 1999

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