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L'espace séduit

Le redéploiement des mégarestaurants

Alors qu'on a vu fermer un à un les restaurants de très grande taille, on assiste à nouveau à l'éclosion de grands établissements. La nouveauté vient du fait que ces concepts sont animés par un thème branché et attirent généralement une clientèle particulièrement ciblée, hors du quartier.

L'engouement pour les grandes superficies revient. Il y a encore quelques années, les espaces gigantesques faisaient figure de parent pauvre dans l'univers de la restauration. Seules les brasseries osaient jouer dans le registre de l'immensité. La Coupole à Paris était alors l'un des rares établissements traditionnels qui pouvait s'enorgueillir de ses formes épanouies. Aujourd'hui, les ouvertures de grandes pointures se succèdent avec entrain et toujours plus d'originalité. Mais qui peut prétendre à l'appellation de "mégarestaurant" ? Généralement d'une superficie supérieure à 500 m2 et d'une capacité moyenne supérieure de 250 à 300 places assises, les mégarestaurants se caractérisent aussi par la configuration des lieux : hauts plafonds, mezzanines et bars interminables.

Un décor à leur mesure
Ils bénéficient systématiquement d'un look bien spécifique, rarement intimiste, qui ne les fait ressembler à aucun autre et leur confère une grandeur d'âme. Si l'on raisonne en mètres carrés et en nombre de places assises, le phénomène ne demeure pas l'apanage des restaurants branchés de la capitale. Il est vrai que Paris et ses communes limitrophes recèlent un bon nombre de très grandes structures. Barrio Latino, dernière création en date, au cœur du quartier de la Bastille, dispose de 700 places assises (restaurant + bars) dans une surface en salle de 1 000 m2 et un décor grandiose. Toutefois en périphérie, il n'est pas rare de croiser des mammouths de la restauration à l'architecture identifiable le long de grands axes routiers. Dans ce sens, certaines chaînes jouent dans la cour des grands. C'est le cas de Buffalo Grill, dont le bâtiment typique peut accueillir 240 places assises réparties sur deux niveaux. Récemment, Chez Cochon, un nouveau concept destiné à être dupliqué, a vu le jour à Nanterre avec une superficie totale de 700 m2 et 220 places assises. En choisissant la capitale ou les villes voisines, des établissements comme l'Ile, le Man Ray, l'Alcazar... font déjà un grand pas vers le succès. "A Paris ou dans les communes attenantes, l'espace est un luxe", souligne Eric Wapler, responsable de Quai Ouest à Saint-Cloud. "Quand les gens sortent, ils aspirent à quelque chose de dépaysant, de rare et d'étonnant, et ne veulent surtout pas se retrouver avec un plafond juste au-dessus de leur tête", ajoute-t-il. En plus, l'espace permet beaucoup de choses. C'est un préalable excellent à l'ornementation et à la mise en scène. En intervenant à la fois sur la taille et le décor, on peut obtenir un cadre et une ambiance absolument magistraux. Le restaurant devient alors salle de spectacle. Les grandes pointures de la capitale l'ont d'ailleurs bien compris et jouent toutes l'épate visuelle. "La découverte d'un espace de grande dimension est particulièrement excitante, analyse Gilles Guillo, créateur de Chez Cochon à Nanterre. Le client est sans cesse surpris car il ne peut pas tout voir au premier coup d'œil." Aucun des grands de ce nom n'a oublié de miser sur le décor et la mise en scène.

Chacun chez soi
Quand la clientèle est en quête d'espace, ce n'est pas le vide qu'elle recherche, bien au contraire. Elle veut de l'espace car cela permet d'accueillir beaucoup de monde et de créer de l'animation. L'espace a été le critère préalable à la création de Chez Cochon. Il fallait une vaste étendue car ce nouveau concept est un établissement animé qui doit donc accueillir beaucoup de clients. Mais tandis qu'à Nanterre on accueille une clientèle variée où tout le monde se mélange à la bonne franquette, dans les mégarestaurants de Paris, la cible est plus étriquée. Au Man Ray, il y a foule mais pas n'importe laquelle. C'est de beau monde dont il s'agit. Phénomène commun aux grands de la capitale, un noyau de personnalités publiques du monde de la nuit, de la mode, des sports et du show-business accapare les lieux en soirée tandis qu'une clientèle d'affaires du monde de la presse et de la publicité afflue au déjeuner. La fréquentation d'un Asian ou d'un Alcazar exige un minimum de revenus, car avec un ticket moyen rarement inférieur à 200 francs, sa prestation n'est pas à la portée de toutes les bourses. Dans ce sens, la démarche d'établissements comme Buffalo ou Chez Cochon est complètement différente. En grande banlieue, l'espace n'a d'ailleurs pas la même connotation qu'en plein centre-ville. Pour preuve, le prix au mètre carré. Et plus encore pour les gammes intermédiaires que pour le haut de gamme, le choix d'une grande structure est une affaire de rentabilité. "Le volume est un impératif pour travailler sur un créneau économique", assure Gilles Guillo.

Des contraintes de taille
En attendant, les professionnels sont unanimes sur un point : la création d'un établissement de grande superficie nécessite d'énormes investissements, d'autant plus importants dans les quartiers en vue de la capitale. Pour Quai Ouest, le montage financier fut plutôt acrobatique. Alors que l'on tablait au départ sur 12 millions de francs, c'est 20 millions qu'il a fallu finalement débourser pour le projet. Heureusement, quand le restaurant fonctionne bien, l'affaire peut être vite rentabilisée. Pour Gilles Guillo, les choses ne sont pas si simples. Les difficultés, liées aux coûts de fonctionnement, se font sentir au jour le jour. Si l'établissement marche à merveille à l'heure du déjeuner, le soir, il est loin de faire salle comble. "Nous sommes alors contraints de fermer une partie de la salle pour que les clients ne se sentent pas perdus dans un trop plein d'espace", regrette Gilles Guillo. Difficile dans ces conditions d'avoir en plus une équipe toujours à la mesure de l'activité.

Efficacité contre intimité
Au contraire, Quai Ouest et l'Ile, nés de l'ambition d'une même équipe, qui a d'ailleurs déjà fait ses preuves notamment avec l'Ile de la Jatte, sont rarement déserts. La frénésie qui a accompagné l'ouverture de Quai Ouest en 1992 n'a pas fléchi et la clientèle fidèle semble toujours prendre plaisir à venir. L'avantage pour une affaire de cette envergure qui n'a de cesse de confirmer sa bonne santé, outre l'aspect financier non négligeable, c'est la possibilité de gérer une véritable entreprise avec des spécialistes à chaque niveau de compétences et aux postes stratégiques. Comptable, expert-comptable, responsable des achats sont autant d'atouts supplémentaires pour optimiser les résultats. Reste qu'en termes de service, l'avantage d'une grande structure n'est pas aussi évident pour le client. Si en salle serveurs et hôtesses sont en grand nombre, généralement, ils ne chôment pas et peuvent difficilement être aux petits soins du client. Et alors qu'un accueil privilégié est réservé à la clientèle fidèle, le visiteur lambda est lui très vite oublié dans la masse. Comment en effet proposer un accueil personnalisé dans un espace qui réunit parfois jusqu'à 500 personnes ? Même la présence du patron n'y change rien. De toute façon, les mégarestaurants ne sont pas là pour ça : leurs clients ne viennent pas du quartier. "Quand je vais dans ce genre d'endroit, c'est pour voir du monde", témoigne un client fidèle. La bonne auberge familiale n'a donc pas de soucis à se faire. Il y aura toujours une clientèle en quête d'intimité, de sérénité et d'un rapport privilégié avec le patron.
A. Vallée


Chez Cochon, nouveau concept d'une capacité de 220 places assises.


L'Alcazar, l'un des mégarestaurants tendance de la capitale.


L'HÔTELLERIE n° 2644 Spécial Économie 16 Décembre 1999

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