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L'originalité des lieux à thème

Bientôt, les consommateurs ne sauront plus où donner de la tête. L'univers de la restauration à thème ne semble pas avoir de limites et se permet chaque jour un peu plus d'extravagances. Il existe ainsi des endroits au double jeu
où la restauration se mêle à des activités parfois inattendues. Les concepteurs osent de plus en plus d'originalité.

Aujourd'hui, restaurants et bars à thème sont légion. Quoique certains concepts aient très vite révélé leur limite (Planet Hollywood, les cybercafés, par exemple), de nouveaux lieux conceptuels montrent régulièrement le bout de leur nez, faisant la part belle aux ambiances exclusivement culinaires. Les chaînes et les grands investisseurs s'en donnent à cœur joie et leurs inventions pullulent. Le géant de la restauration rapide n'a d'ailleurs pu résister à la diversification et s'est à son tour jeté dans la tourmente avec le lancement d'un premier McDonald's Sport près de Marseille. Mais alors que ces concepts se veulent originaux, leurs compositions n'en demeurent pas moins souvent sobres et modérées. L'objectif étant de plaire au plus grand nombre, rien ne doit être laissé au hasard et à l'improvisation. La prudence plus que la singularité est dans ce cas le maître mot de la recherche menée par les concepteurs.

Des concepts associant d'autres activités
Rares sont ceux qui semblent avoir laissé libre cours au délire, à la manière, par exemple, du Rainforest Café, récemment implanté près de Marne-la-Vallée. Dans un décor exubérant de jungle tropicale, le spectacle y est permanent. Pourtant, à côté des mégarestaurants au design léché ou des lieux très tendance et reproductibles, on assiste à l'éclosion d'établissements indépendants complètement inédits et plus hardis que leurs prédécesseurs. En marge des lieux que l'on côtoie à l'accoutumée et d'un univers thématique de plus en plus mondialisé et aseptisé, ils étonnent et détonnent grâce à des combinaisons atypiques et novatrices. Cafés et restaurants se font aujourd'hui intellectuels, spirituels et ludiques, s'allient à des activités liées à l'esthétique ou au bien-être corporel grâce à la rencontre d'esprits passionnés. De quoi attiser la plus réticente des curiosités.

Etablissements singuliers
Dans la lignée des traditionnels cafés littéraires, toujours en vogue d'ailleurs, on assiste depuis quelques années à l'éclosion de nouveaux lieux où l'on peut débattre et discuter autour d'un thème. Là où la littérature œuvrait au début du siècle, ce sont maintenant philosophie et psychologie qui offrent prétexte à raisonnement et joutes verbales, jusqu'à tenir la dragée haute aux cybercafés paradoxalement moins en verve. Plus étonnant encore mais toujours dans cette même optique d'échanges et de discussions, il existe aujourd'hui des cafés scientifiques, sociologiques, géographiques et même spirituels ! Les plus nombreux se trouvent à Paris. Au Lou Pascalou, dans le 20e arrondissement, la palette des sujets abordés est très large et à la portée de tous. Tous les derniers mercredis du mois, les sociologues en herbe abordent les problèmes de société, de la vie du quartier à celle d'un pays selon le thème proposé. Le Flower, rue Soufflot à Paris, a récemment accueilli Sylvie Brunel, géographe et conseillère stratégique d'Action contre la faim pour approfondir le thème de l'humanitaire. Selon Eric André, président de l'association des cafés géographiques, qui souhaite sortir la géographie des amphis, "le café permet la réalisation de vrais débats". Au Café de l'Ecole des Parents, lieu convivial d'information et de débats pour les parents, des professionnels de l'éducation sont à l'écoute. Attention, dans ce lieu moderne et cosy, l'apéro n'a pas lieu d'être. Seuls sodas et cafés sont habilités à être consommés.

Double jeu
Toujours pour les cérébraux mais dans un registre plus léger et ludique, il existe des endroits où se mêlent monopoly et cuisine exotique, cafés et jeux de stratégie, pour continuer à se remuer les méninges sans se prendre au sérieux. Un joueur invétéré préférera investir le Oya Café, rue Daubenton à Paris, pour la diversité de jeux proposés (plus de 150 jeux inédits et en provenance des quatre coins du monde), alors que les plus zen auront sans doute un faible pour le Coffee Room, dans le Ve, au cadre plus chaleureux. A la Connivence, non loin du palais Brognard, il y a une dizaine d'années on jouait en Bourse au moment de payer l'addition. "Le prix pratiqué dépendait du cours de l'assiette, basé sur l'offre et la demande du moment", se souvient un client nostalgique. Aujourd'hui, le restaurant est fermé mais à Berlin le Wallstreet Café continue de prospérer. Au cœur du Marais, le Double Fond pratique l'illusionnisme et la prestidigitation avec entrain. En terrasse, les serveurs amusent la clientèle en faisant apparaître et disparaître les pièces de monnaie. Au sous-sol, la dérision est à son comble. "Nous avons été plongés dans un univers loufoque et bizarre sans aucune équivalence", témoigne un spectateur, le sourire aux lèvres.

D'une pierre deux coups
Au Sun Café dans le Marais et au No Stress Café, dans le XVe, toute l'attention est portée sur le bien-être corporel. Dans le premier, "on bronze tout en profitant d'une cuisine légère à midi ou le soir et d'un petit-déjeuner avec la séance du matin", annonce Marie Czarka, responsable des lieux. Dans le second, on se fait masser pendant 15 minutes sur une chaise shiatsu, comme dans les rues de New York, puis on s'offre un bol d'oxygène à consommer sur place ou à emporter. La grande nouveauté de ces endroits ne réside pas seulement dans leur thématique singulière mais dans la combinaison de deux activités qui se déploient à armes égales. Ces lieux novateurs fidélisent en offrant un double service. Ils n'évoluent d'ailleurs pas grâce à un mais deux responsables, ou en tout cas une équipe de plusieurs spécialistes selon les animations proposées. Guy Boutros, kinésithérapeute, et Sophie Marrec, restauratrice, se sont ainsi associés pour créer le No Stress Café. Les cafés scientifiques, géographiques... sont animés par des spécialistes de la matière concernée, professeurs ou chercheurs. A l'Atmosphère, situé à Grenoble, animateurs et professionnels se succèdent à l'envi et selon les opportunités. La routine n'a pas sa place dans ce lieu qui accueille coiffeurs, architectes, conteurs, danseuses et artistes en tout genre.

La mode du deux en un
La plupart de ces établissements fonctionnent bien. Faut-il s'en étonner ? Lieux très ciblés, ils ne s'adressent pas à tout le monde et sont loin d'être grand public. En revanche ce sont des restaurants souvent uniques, originaux et innovants qui existent presque nulle part ailleurs. "Si au départ, les curieux étaient majoritaires, très vite nous nous sommes forgés une clientèle de fidèles, essentiellement affaires", rapporte Sophie Marrec, responsable du No Stress Café. En fait, étant donné leur localisation, ces nouveaux lieux à thème sont souvent pris d'assaut par une clientèle jeune et branchée, des professionnels de la presse TV, radio ou de la publicité, une population qui ressemble fort à la clientèle de n'importe quel lieu en vogue de la capitale. Au Bleu comme Bleu, dans un espace de 600 m2 situé avenue Hoche à Paris, on coiffe, masse, maquille, épile et nourrit bon nombre de célébrités et autre clientèle argentée. Parmi elles, Judith Godrèche y déjeune régulièrement et Marie Gillain s'y fait couper les cheveux.

L'anti ghetto
Arlette Chastang, responsable de l'Atmosphère, a pour sa part horreur des ghettos. Elle a trouvé la parade en créant un lieu cosmopolite où les soirées ne se ressemblent pas. "J'aime le mélange des genres et, comme disait Montaigne, frotter ma cervelle contre celle d'autrui", rapporte notre hôte. Et la clientèle apprécie la pluralité de ces endroits : "L'intérêt du Sun Café, c'est que l'on peut faire d'une pierre deux coups, prendre un repas et se faire bronzer, entre deux rendez-vous, c'est inespéré", rapporte une cliente hyperactive. Sophie Marrec ajoute : "Nos clients peuvent se détendre avec un bon massage puis prendre le temps de se restaurer, et tout ça pendant la pause déjeuner." Ce genre de concept s'inscrit en fait parfaitement dans le mode de vie du citadin toujours plus pressé par le temps et boulimique d'activités. En plus d'un gain de temps, la formule peut être intéressante d'un point de vue financier. Un débat sur la peur du surnaturel ne vous coûtera que le prix d'un café, à l'Entrepôt, par exemple. Si vous souhaitez découvrir le Go, jeu stratégique chinois, au Café Lescot, un thé à la menthe suffira. Au Sun Café, "jusqu'à 13 heures, la séance de bronzage donne droit au petit-déjeuner gratuit", précise Marie Czarka. Dernier né dans la Capitale, le MK2 (chaîne de cinémas) Project Café se lance avec ses 70 places. "Quatre fois par jour seront programmées des productions d'artistes et de jeunes créateurs, à travers documentaires, objets, journaux vidéo." Tous ces concepteurs pleins de hardiesse semblent avoir trouvé le bon filon. Et pour certains, le résultat dépasse les espérances. L'objectif de Sophie Marrec est ainsi de multiplier son concept : un deuxième No Stress Café devrait ouvrir dans le quartier de la Bastille au début de l'été prochain. Alors à quand le restaurant homéopathe ou le café lifting ?
A. Vallée

Au Rainforest Café, dans un décor exubérant de jungle tropicale, le spectacle y est permanent.

Plus de 150 jeux sont proposés à l'Oya Café, rue Daubenton à Paris.

L'HÔTELLERIE n° 2644 Spécial Économie 16 Décembre 1999