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Véronique Brégeon-Valeau à Lecoq-Gadby

Une femme à son affaire

Véronique Brégeon-Valeau a repris les rênes de Lecoq-Gadby en 1991, succédant ainsi à son père. Une fois de plus, cet hôtel-restaurant-traiteur devait sa survie à une femme. Bien qu'étrangère à la profession puisqu'elle a fait des études de droit et travaillé dans l'expertise d'objets d'art, cette dame a su faire évoluer cette institution rennaise centenaire.

Lecoq-Gadby, anciennement hôtel des Trois Marches créé en 1890 et repris en 1902 par Pierre Gadby, doit sa survie aux femmes. Depuis trois générations, ce sont en effet les filles des différents propriétaires qui transmettent la flamme de cette maison rennaise centenaire. Renée Gadby mariée Lecoq, puis Colette Lecoq mariée Valeau et aujourd'hui Véronique Brégeon-Valeau ne fait pas exception à la règle. Elle a pourtant failli. "Je m'étais toujours dit que je ne reviendrais pas à Rennes une fois partie faire mes études à Versailles. Je ne voulais pas reprendre le flambeau." Des circonstances douloureuses, la maladie de son père, la font cependant revenir dans la capitale bretonne. Ce dernier regrettait deux choses : ne pas avoir ouvert un livre d'or (tous les présidents de la République, de de Gaulle à Chirac, venus dîner ici auraient pu y noter une phrase) et qu'aucun de ses enfants ne veuille à l'époque reprendre l'affaire. C'est finalement chose faite et Jacques Valeau se féliciterait sûrement du travail accompli par sa fille.
Depuis son arrivée en 1991, Lecoq-Gadby a en effet pris un sérieux coup de jeune. Véronique Brégeon-Valeau a dépoussiéré cette maison, célèbre pour ses salons grandioses et personnalisés. Elle ne renie pas le passé. Les sept salons accueillent plus que jamais les réunions des clubs de renom et des grandes entreprises régionales... L'activité traiteur fonctionne également très bien. En fait, la nouvelle propriétaire s'est appuyée sur l'existant pour l'enrichir, en 1993, d'un charmant hôtel 4 étoiles (unique sur Rennes) d'une dizaine de chambres personnalisées et d'un restaurant gastronomique, intimiste, de 35 couverts (Lecoq-Gadby offre une capacité totale de 550 couverts entre le restaurant et les salons). "Cette multiplicité d'activités a toujours été et reste la raison d'être de cette maison, confie Véronique Brégeon-Valeau. C'est nécessaire pour la santé économique d'un établissement."

Une reprise au pied levé
Pourtant, Véronique Brégeon-Valeau reprend l'établissement "sans avoir le temps d'élaborer des projets. Mon souci était que papa finisse sa vie tranquillement et il fallait bien un capitaine à la tête du bateau rapidement. J'ai repris l'affaire au pied levé". A l'époque, elle a la chance d'avoir à ses côtés un chef compétent (aujourd'hui Lecoq-Gadby en compte deux, Christian Pontrucher pour l'activité traiteur et Joël Hevin pour le gastronomique), "qui est resté avec moi, et une jeune femme fantastique avec qui nous avons relevé des défis formidables". La reprise de Lecoq-Gadby se fait donc dans l'urgence et... dans la continuité. Une époque difficile remémorée non sans une pointe d'amertume. "Ça a permis de montrer aux Rennais qui attendaient que papa soit entre quatre planches pour élaborer entre autres des projets immobiliers que Lecoq-Gadby vivait encore !"
Pour ceux qui la connaissent bien, cette reprise, après une formation de juriste et un emploi d'experte en objets d'art pour une compagnie d'assurance, n'étonne guère. "En fait, j'ai passé ma jeunesse ici. J'aimais surtout les grands buffets campagnards. J'allais faire le marché avec papa et on faisait des gros décors avec les pains, les légumes, les fruits... Ce côté-là me plaisait." Véronique Brégeon-Valeau aime également rencontrer des personnes d'horizons différents. Ici, elle est gâtée, du chef d'entreprise à la réception familiale, du chef d'Etat au syndicaliste. "On voit tellement de gens qu'au niveau ouverture d'esprit cette maison est formidable. Vous êtes en prise directe avec la vie économique et sociale. Je pense que c'est encore l'intérêt de nos maisons. Par rapport à la vie familiale que l'on a, ce brassage de gens est quelque chose de très satisfaisant. Pour moi, pour mes enfants, et également pour le personnel." Sa fonction principale ici sera notamment le relationnel. "J'essaye d'être le sourire de l'accueil, celle qui propose les services, qui gère les réservations..." A ses côtés, elle dispose d'une équipe performante et surtout de la même génération. "Nous sommes tous de la même année, 1955." Chacun s'investit totalement dans l'affaire. Mais bien entendu, un tel établissement comporte ses petits désagréments. "Le plus dur à gérer c'est le personnel... même si je ne fais pas plus de 20 fiches de paye, sourit-elle. Mais la gestion des apprentis, des horaires !" Soupirs... elle revient sur la formation. "C'est dramatique, on ne trouve personne ! Les mentalités changent et les jeunes ne sont pas prêts à accepter les contraintes de la profession."

Aucune volonté dynastique
Véronique Brégeon-Valeau arrive tout de même à s'évader de cet univers. Ne serait-ce que pour s'occuper de ses quatre enfants, Mathilde, Charles, Virginie et Thaïs, le dernier de 6 ans. L'avenir de la maison ? "Je n'ai, en la matière, aucun état d'âme. Et aucune volonté dynastique. Et, poursuit-elle, vu l'évolution de la profession, je ne sais pas si engager un de ses enfants dans cette vie-là est une bonne chose." L'agenda professionnel bien rempli, il faut ensuite dégager du temps pour la famille. "J'essaie de déjeuner avec eux quotidiennement, mais le soir je n'y arrive pas !" D'autant que Jacques, son mari, "travaille à Paris en tant que responsable du développement de l'université Léonard de Vinci." Mais les quelques habitudes prises par Véronique Brégeon sont bien ancrées dans son emploi du temps comme le tennis le lundi matin. "C'est sacré, sourit-elle. J'essaye également d'aller à la salle des ventes. Je me suis remise aux objets d'art." Outre l'accueil, la maîtresse de maison se charge bien entendu de la décoration. Dans le salon, un beau meuble garni de vaisselle, des livres traînant ici ou là, des plantes subtilement agencées... Il en va de même pour les chambres. "Chacune porte le nom d'un tissu ou de l'époque d'un meuble. Champêtre, Cluny, Olympe..." A la plus grande joie des clients. Ici, on se sent chez soi et est-ce un hasard si Claude Chabrol a tourné dans l'une des chambres une scène de son dernier film ?

Reconnaissance de la profession
Cette dame n'est pas de la profession, mais sur Rennes la profession l'a faite sienne. Nombre de grands chefs sont des amis de la famille et reconnaissent son professionnalisme. Elle y a mis du sien, en acceptant notamment la tête de la Confrérie de la frigousse. En son sein, elle crée le concours gastronomique désormais reconnu dans l'Hexagone. Dès qu'elle le peut, elle fait la promotion des produits du terroir et Lecoq-Gadby fait aussi partie de l'association des Tables Gourmandes.
"Je ne suis pas du métier mais aujourd'hui j'en récolte les fruits. On nous félicite pour nos prestations notamment extérieures." Mais Véronique Brégeon-Valeau garde une petite frustration. "Nous organisons de magnifiques buffets et les gens sont ravis. Mais les Rennais vont chercher ailleurs. C'est un peu frustrant. Mais tant pis !" Les Rennais gardent une image figée de l'établissement. Ils se trompent, Lecoq-Gadby a changé et il s'apprête à sauter dans le prochain siècle sans aucun complexe.
O. Marie

Dates

1991 : Véronique Brégeon-Valeau succède à son père Jacques Valeau
1993 : Construction d'un hôtel d'une dizaine de chambres et d'un restaurant gastronomique
1999 : Lecoq-Gadby intégré à la commémoration des 100 ans du procès Dreyfus. C'est ici que se réunissaient les dreyfusards.


L'HÔTELLERIE n° 2644 16 Décembre 1999

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