Jeunes Restaurateurs d'Europe
Comment aborder le problème
de la gestion des ressources humaines pour envisager un avenir plus clément au sein des
entreprises ? Les professionnels sont inquiets, les problèmes de recrutement sont
permanents et les équipes, tant en cuisine qu'en salle, de plus en plus difficiles à
gérer, à motiver. Un constat qui ressortait très clairement du sondage qui avait été
effectué sur l'ensemble des jeunes restaurateurs européens. Un phénomène qui se
retrouvait, avec souvent quelques nuances dans la manière de l'aborder, dans l'ensemble
des pays européens. Poser les problèmes, les analyser pour comprendre et pour
éventuellement trouver des solutions, telle fut la démarche tout au long de ce colloque.
A quelques exceptions près, tous les restaurateurs interrogés avaient des apprentis.
Implication personnelle en matière de transmission du savoir ou mode économique pour
constituer une équipe ? Le débat fut ouvert avec honnêteté ; de toute évidence, celui
qui aujourd'hui veut jouer son rôle de maître d'apprentissage avec honnêteté
vis-à-vis du jeune ne peut le faire que s'il accepte d'en supporter le coût "un
coût supérieur à celui que nous supportons quand nous embauchons un commis",
expliquèrent plusieurs chefs qui, chiffres à l'appui, firent la démonstration. Un
apprenti partageant son temps entre le centre de formation et l'entreprise est en effet
peu disponible au sein de celle-ci où, qui plus est, on lui consacre du temps pour
justement l'accompagner dans sa formation. "Il y a, dans nos métiers, une
tradition de compagnonnage, de formation, de transmission de notre passion, explique
Patrick Fulgraff. Nous savons que si nous ne donnons pas de notre temps pour
transmettre notre passion, notre savoir disparaîtra. Ce métier s'est toujours transmis
de cette façon, nous avons tous eu un maître."
L'accueil des jeunes dans l'entreprise
Des professionnels donc particulièrement impliqués et concernés par les problèmes de
formation. L'accueil des jeunes n'est pas laissé au hasard non plus. Tous les
restaurateurs interrogés déclarent consacrer plus d'une heure à présenter le nouvel
arrivé, à lui expliquer comment marche la maison. Autant dire que côté employeur, les
conditions les plus favorables semblent être réunies et pourtant... Les problèmes sont
généraux, les apprentis sont peu motivés et ne restent pas dans l'entreprise après
l'obtention du CAP.
"C'est un phénomène général, explique Béatrice Bailly. Les jeunes
intègrent le marché du travail de plus en plus tard, ils sont plus souvent diplômés et
ont dès lors l'impression d'avoir déjà un savoir conséquent. Ils se croient
immédiatement opérationnels et ont dans l'entreprise une attitude moins impliquée
qu'avant." Et de s'inquiéter de l'attitude des parents "qui soutiennent
leurs enfants dans leurs erreurs, contre leurs intérêts, empêchant dès lors leur
intégration dans la vie professionnelle", explique un restaurateur. Là encore,
Béatrice Bailly prévient : "L'évolution de la famille ces 15 dernières années
a eu des conséquences très importantes sur l'attitude des parents vis-à-vis des
enfants. Dans les familles "recomposées", les enfants n'ont plus de repères
stables. Les parents délaissent la fonction autoritaire, éducative pour privilégier le
bien-être des enfants. C'est la raison pour laquelle ils les soutiennent de plus en plus
contre les enseignants et rendent la tâche des maîtres de plus en plus délicate."
Une suggestion pleine de bon sens : impliquer les parents dans l'engagement professionnel
de leurs enfants. "Il faut les inviter, discuter avec eux de l'avenir de
l'adolescent au sein de votre entreprise", conseille Béatrice Bailly.
"Sommes-nous très clairs par rapport à nos métiers ? s'interroge un
restaurateur espagnol. Beaucoup de restaurateurs s'efforcent à ce que leurs enfants ne
suivent pas leurs traces et apprennent un autre métier tant celui-ci est dur et
incertain."
Le rôle du tuteur
Patrick Fulgraff se souvient : "A 15 ans, je savais exactement ce que je voulais
faire mais aujourd'hui, à 17 ans les jeunes s'interrogent, et au niveau de
l'apprentissage nous sommes en compétition avec les écoles hôtelières qui, trop
nombreuses, veulent absolument recruter pour préserver des postes et remplir leurs
classes sans chercher à déterminer le niveau de motivation des élèves."
L'analyse des questionnaires montre bien que les restaurateurs cherchent à s'investir
dans l'intégration des jeunes au sein de leurs entreprises. Tous déclarent consacrer
plus d'une heure à les recevoir, à les présenter au reste de l'équipe. La plupart des
nouveaux salariés sont confiés à un "tuteur", quasiment tous sont informés
de leur planning horaire et hebdomadaire dès le premier jour. Béatrice Bailly confirme :
"La première impression est très importante ; l'intégration, quand elle est
réussie, est motivante ; mais attention au choix du tuteur, il ne suffit pas qu'il soit
techniquement compétent, il faut aussi qu'il ait un esprit constructif, calme mais
dynamique." Très dynamiques et participatifs dans le débat, les restaurateurs
suisses et allemands ont voulu parler vrai : "Chacun doit balayer devant sa porte,
prévient l'un d'eux. Si les apprentis partent, ce n'est peut-être pas seulement de
leur faute. Nous avons une part de responsabilité, à nous de savoir les écouter, les
comprendre et être plus proches d'eux." Interrogation dans la salle,
déceptions. "J'ai tout reçu, je veux à mon tour transmettre mais les jeunes ne
veulent pas ce que je veux leur donner. Comment les motiver ?"
Motiver et donner confiance
Une question pleine de détresse adressée bien sûr à Béatrice Bailly. "Il faut
renoncer à vouloir les motiver à tout prix, prévient-elle. Il faut créer des
conditions favorables à la motivation. Avoir justement une attitude d'écoute avec les
jeunes, faire du sur mesure, les observer pour les comprendre, pour parler le même
langage qu'eux, voilà la meilleure façon de faire. Par contre, si on n'a pas cette
attitude, il est évident que l'on crée alors des situations de démotivation."
Tous les restaurateurs ne sont pas convaincus, ils se refusent à jouer ce rôle, trop
lourd et trop impliquant sur le plan personnel : "Je veux bien être humain mais
ne m'en demandez pas trop, prévient un Français. C'est du temps, de l'énergie,
je ne veux pas jouer le rôle du père ou de la mère, m'occuper de mes enfants et de mon
entreprise me suffit." Brouhaha dans la salle, les avis sont partagés, des
restaurateurs très impliqués reprennent la parole : "J'ai appris à avoir cette
démarche, je prends le temps de les écouter, je leur ouvre mon bureau, ils viennent vers
moi et quel plaisir j'y trouve ! Je reçois tellement d'eux : c'est ce qui me permet de
rester jeune", affirme un restaurateur. Béatrice Bailly confirme : "Ils
attendent de vous que vous jouiez le rôle d'entraîneur, que vous leur donniez confiance.
Pour y arriver, il faut être positif mais ferme, encourageant mais juste. Ils ont encore
plus qu'avant besoin d'un maître, mais c'est en les écoutant que vous vous ferez
entendre." Deux heures de débat qui, de toute évidence, auront permis aux
professionnels, ensemble, d'évoquer leurs difficultés mais aussi et surtout, de mieux
comprendre leurs problèmes et de trouver quelques éléments de réponses.
PAF
Dîner de gala offert par Grand Marnier aux JRE au musée d'Arts forains. Une
soirée magique réalisée avec un talent très remarqué par les JRE d'Ile-de-France et
Potel et Chabot. Présentations, émotion, fête, c'était, comme toujours, un grand
moment d'amitié et de gastronomie.
Nous savons que si nous ne donnons pas de notre temps pour transmettre notre
passion, notre savoir disparaîtra.
Comment devenir Jeunes Restaurateurs d'Europe ?Il faut être âgé de 23 à 35 ans, être parrainé par deux Jeunes Restaurateurs d'Europe, être présent dans 3 guides nationaux, propriétaire de son affaire depuis au moins 3 ans ou être employé chez ses parents. Bien sûr, il faut adhérer aux objectifs de l'association : la défense et la promotion de la jeune gastronomie, la solidarité, l'échange d'idées, l'acceptation des valeurs professionnelles, la passion du travail bien fait et rechercher l'originalité culinaire. Le tout pour assurer la défense de la profession auprès des pouvoirs publics. Aujourd'hui, 355 chefs sont JRE dans 8 pays d'Europe, un guide est édité tous les 2 ans. L'association est parrainée par Marnier Lapostolle. |
Ça bouge en EuropeC'est un Allemand, Christian Ottenbacher, Hotel Adler à Asperg, qui succède au
poste de président européen, à Frank Fol, restaurant Sire Pynnock à Leuven, qui quitte
la présidence après 2 mandats de 2 ans. Christian Ottenbacher, 34 ans, est gérant de
l'Hotel Adler, après avoir eu un parcours international qui l'a mené par Le Bristol à
Paris, à La Nouvelle-Orléans, Cleveland aux USA et Barcelone avant de revenir en
Allemagne. Il souhaite, dans le cadre de son mandat, ouvrir l'association à la
Scandinavie, l'Autriche, la Grande-Bretagne dans un premier temps mais évoque aussi le
Canada et l'Australie. Pour lui, la grande cuisine implique une expérience étrangère
pour favoriser l'échange des idées, des expériences. |
Jean-Jacques Daumy succède à Patrick FulgraffL'année 1999 était celle des changements de présidence tant au niveau national
qu'européen. C'est dans le cadre de l'assemblée générale, qui a eu lieu pendant le
salonEquip'Hôtel, que s'est ainsi faite l'annonce. Le président Patrick Fulgraff aura,
pendant les 6 années de présidence, beaucoup uvré pour le renforcement de
l'action des Jeunes Restaurateurs de France à travers une implication forte et
personnelle dans toutes les actions professionnelles en phase avec l'image et le dynamisme
des JRF. |
L'HÔTELLERIE n° 2644 16 Décembre 1999