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A la loupe
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Louis-Bernard Puech

Savoir vivre avec une étoile

Distingué par un macaron au guide Michelin en 1996, Louis-Bernard Puech (hôtel Beauséjour à Calvinet, Cantal) jette un regard lucide sur son métier, son environnement et l'avenir de la profession.

"Avoir une étoile Michelin en ville ou à la campagne, cela n'est pas comparable." Louis-Bernard Puech a reçu la sienne en 1996. Il tient l'hôtel-restaurant Beauséjour, 12 chambres en deux étoiles, 60 à 70 couverts. C'est à Calvinet, village de 192 habitants, à 35 km au sud d'Aurillac (Cantal). Il n'est pas question de jongler avec les prix. "Ici, il faut rester raisonnable, pour ne pas voir fuir la clientèle locale. Au contraire, la fidéliser permet de progresser pendant la période hors saison. A Calvinet, ce qui manque et manquera toujours, c'est un potentiel à une heure de route maximum. Donc nous sommes à un plafond, la clientèle n'étant pas extensible. Nous devons surtout nous maintenir à ce niveau ou progresser légèrement", ajoute-t-il. Première conséquence, Louis-Bernard Puech pratique des tarifs parmi les plus bas des étoilés Michelin, avec un ticket moyen de 250 F. Le menu "il était une fois l'Auvergne" est à 95 F ; la dégustation se monte à 300 F. A la carte, les tarifs s'échelonnent de 70 à 105 F, avec par exemple, le filet de veau de lait rôti au four à 90 F. Mais Louis-Bernard Puech reconnaît volontiers : "Je suis mieux avec une étoile que sans, même si je deviens parfois une cible." Et il explique le fonctionnement de son établissement : produits de qualité ; équipe de jeunes ; plaisir partagé entre les clients, les serveurs, les cuisiniers. Les légumes viennent de la vallée du Lot ; le poisson de Rodez et la viande du boucher du village. "Le produit intervient à 60 % dans la réussite d'un plat", soutient Louis-Bernard Puech.

Former les jeunes et les voir partir
Former des jeunes, "avoir une étoile au Michelin, ce n'était pas un objectif, plutôt un rêve", souligne-t-il avant d'insister : "C'est avant tout le travail d'une équipe. C'est primordial." Recruter du personnel dans une zone rurale n'est pas chose aisée. "Nos salariés sont des jeunes. Ils acceptent de venir faire leurs armes à la campagne. Ils restent deux ans en moyenne. Puis ils repartent poursuivre leur apprentissage dans d'autres maisons. Nous sommes condamnés à former des jeunes, à transmettre un savoir-faire. Celui ou celle qui a choisi cette profession, en cuisine ou en service, et en plus qui a choisi de venir à Calvinet, c'est forcément quelqu'un de motivé, de plus que motivé. Nous n'avons alors qu'un choix possible : la confiance dans une bonne ambiance, une harmonie. Cet esprit-là est essentiel. Pas question d'instaurer un rapport de force. Peut-être qu'en centre-ville mon raisonnement serait différent." Avec sept salariés à l'année, d'autres problèmes se posent. Pour le logement par exemple, Louis-Bernard Puech a retapé une maison dans le village. "Je garde le Beauséjour ouvert le plus longtemps possible sur l'année. Pour conserver, consolider cette équipe. Comme m'a déclaré un jour un ami : tu seras toujours obligé d'en faire un peu plus que les autres parce que tu es à Calvinet", ajoute le chef avec un sourire. Mais Louis-Bernard Puech n'est pas seulement hôtelier-restaurateur. Il est engagé sur le plan syndical, au sein de la Fédération des industries hôtelières du Cantal. Pour lui, la réduction du temps de travail, qui se précise à l'horizon, risque d'apporter quelques bouleversements dans la restauration gastronomique. "J'ai réfléchi à cette question. Comme il n'est pas possible d'augmenter l'effectif de la maison, il faudra réduire le nombre des services."

Un engagement de tous les instants
D'où la nécessité pour les clients de réserver et pour le restaurateur de jongler avec les jours de fermeture selon la saison. "C'est le seul moyen que nous aurons pour rester dans le cadre de la loi", ajoute Louis-Bernard Puech. "Chaque maison doit trouver sa façon d'aménager le temps de travail. Le syndicalisme favorise les échanges d'expériences, d'idées. Face à la montée de l'individualisme, qui entraîne l'isolement et la manipulation des gens, le fait de se regrouper nous renforce." Il appartient aussi au groupement des Hôteliers de la Châtaigneraie et aux Toques d'Auvergne. "Mais si j'ai réussi aujourd'hui, c'est certainement parce que je suis revenu dans mon pays, sur mon terroir, chez moi à Calvinet. J'ai tenu à conserver le bib gourmand que mes parents avaient depuis 1967 en reprenant l'établissement familial en 1982. Il fait partie de l'histoire de la maison." Quant à envisager de franchir un pallier supplémentaire, une deuxième étoile au Michelin par exemple, Louis-Bernard Puech écarte l'idée en expliquant : "Cela nous obligerait à doubler notre chiffre d'affaires, nos structures. Une révision des prix à la hausse exclurait une grosse partie de la clientèle locale. Comment la remplacer ? Je préfère poursuivre avec nos atouts : qualité, imagination, harmonie, motivation d'une équipe."
P. Boyer


Louis-Bernard Puech veut continuer à "vivre au pays" où son père était charcutier et sa mère aubergiste.


L'HÔTELLERIE n° 2642 Hebdo 2 Décembre 1999

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