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Rennes

L'imbroglio judiciaire des Carmès

Fermé depuis plus d'un an, le café Carmès à Rennes semble en sursis. Privés de leur outil de travail, Jacques et Mylène Carmès luttent contre une copropriété attentiste. Les tenanciers vivent cette affaire douloureusement.

Le concept est une fois de plus original et attrayant. Un bistro historique dans la plus pure tradition comme il en existe peu sur Rennes. Un zinc tout en longueur, une déco typée, des vitraux... "des repas servis à toute heure de la journée avec du vin de qualité". Bref, le projet de Jacques et Mylène Carmès a de quoi séduire. On ne sera d'ailleurs pas étonné de voir ces professionnels innover une fois de plus. Depuis 13 ans, ils avaient réussi à faire de leur café Carmès un pôle culturel : premier bar techno digne de ce nom ; expositions multiples ; café citoyen invitant çà et là des personnalités de renom ou accueillant des conseillers municipaux... Oui mais voilà, le café Carmès, fermé depuis maintenant plus d'un an, n'a toujours pas rouvert ses portes et le projet de bistro risque de ne jamais voir le jour. Une frustration pour les Rennais, une catastrophe humaine pour Jacques et Mylène Carmès.
Petit retour en arrière, mi-juillet 1998. Le café Carmès occupe le rez-de-chaussée droit d'un immeuble alors vétuste, géré par une copropriété. Des travaux, demandés depuis longtemps par les tenanciers du bar, s'imposent. L'immeuble risque de s'effondrer mais, à l'époque, la copropriété ne veut pas se lancer dans des travaux et hésite à investir. Elle le fait cependant sous la menace d'un arrêté de péril de la municipalité. Mis devant le fait accompli et avertis 15 jours seulement avant de vider les lieux, les propriétaires du Carmès s'exécutent, "dans les délais". A l'époque, nous le citions dans nos colonnes, le syndic déclare : "Les travaux de consolidation devraient durer jusqu'en novembre, décembre 1998". Aujourd'hui, en novembre 1999, soit plus d'un an après le début des travaux, le café Carmès ne peut toujours pas accueillir ses clients. Les questions soulevées à l'époque restent sans réponse. "Nous n'avons rien reçu ! Aucune indemnité, aucune assurance rien !", déplorent Jacques et Mylène Carmès.

Une cabane pourrie
Où en est-on aujourd'hui ? L'immeuble a bien été rénové et les locataires ont pu regagner leurs logements. Pour le reste ? Rien ! La cour intérieure, accueillant la remise du café, est en chantier. La dite remise ressemble davantage à une cabane pourrie recouverte d'un semblant de toit en ardoise. On pénètre dans cette cour intérieure via la porte d'entrée de l'immeuble. Mais les locataires qui empruntent alors l'escalier pour monter vers leurs logements ne peuvent accéder à cette cour dont l'accès est barré par un immense panneau de bois. On cache la misère ! "Les entreprises sont parties début juillet laissant le tout en l'état ! Depuis, on nous laisse sans aucune information ! fulmine Mylène Carmès. Comment voulez-vous que l'on exploite ? Où mettons-nous nos stocks ? Vous imaginez les services d'hygiène visitant la remise ?" Cette dernière n'est ni close ni couverte et en sous-sol, la cave du café, qui fait d'ailleurs l'objet d'un litige avec le propriétaire, est encombrée de gravats.
Par ailleurs, les embellissements du café, à savoir "toutes les parties détruites pendant les travaux de la copropriété et qui m'étaient dues, indique encore Mylène Carmès, ne sont toujours pas chiffrées. Ils ont quand même déposé des miroirs, abîmé l'escalier, les parements, un certain nombre de mètres carrés du plafond etc. Tout ceci à des fins de travaux de copropriété ! Combien, comment et qu'est-ce qu'on nous rembourse ? Nous n'avons aucune réponse à cela. Nous n'avons jamais eu le décompte détaillé de ce que l'on nous devait. C'est de l'arbitraire absolu".
Pourquoi les travaux se sont-ils arrêtés subitement ? Jacques Carmès avance une hypothèse : "Ils ont refait les logements à la va-vite et laissent en plan le fonds de commerce. Des travaux non prévus ont notamment été engagés pour consolider un mur et j'imagine qu'il n'y a plus d'argent pour faire le reste !" Débordé, le syndic ne vient pas éclairer nos lanternes et renvoie vers l'architecte." L'hypothèse de Jacques Carmès est reprise par l'architecte. "Les travaux reprendront dès lors que les propriétaires payeront leurs charges et les entrepreneurs", souligne ce dernier. Peu bavard et se retranchant derrière son obligation de réserve, il s'empresse d'ajouter : "Je sais seulement que des gens se plaignent. Il semble que la facture se monte à plusieurs milliers de francs."

La situation s'aggrave
En attendant d'en savoir plus, Jacques et Mylène Carmès intentent procès sur procès. Mais les procédures ne brillent pas par leur rapidité et la situation des professionnels s'aggrave. "Heureusement que j'ai une formation de juriste, précise Mylène Carmès. Quelqu'un qui n'y connaît rien serait totalement perdu dans toutes ces tracasseries", et Jacques de poursuivre : "Une personne fragile ne tiendrait pas." Aujourd'hui, Mylène gagne sa vie en faisant des vacations comme enquêtrice dans la rue. Jacques, "commerçant indépendant sans entreprise", reste à disposition de son affaire et travaille sur son projet. "Il est prêt. Nous avions investi dans toute la décoration, choisi les entrepreneurs, etc. On a tout annulé 48 heures avant. Aujourd'hui, comment voulez-vous qu'ils veuillent retravailler pour moi, ils me rient au nez !" Jacques n'hésite pas non plus ici ou là à donner un coup de main à ses confrères, comme lors de la Semaine du Goût à laquelle il a participé activement. Sans affaire à exploiter depuis plus d'un an, les Carmès ont dû aussi changer de logement. "Nous attendons que l'on nous rende notre affaire avec le clos et le couvert ! Il y en a pour quelques semaines de travaux ! La copropriété veut nous mettre à plat, là ils seront contents. On a l'impression qu'ils veulent mettre tout ça entre les mains d'un syndic liquidateur !" Mais les époux Carmès ne l'entendent pas de cette oreille. "Nous nous battrons jusqu'au bout. Nous avons la rage et s'il le faut nous transformerons le café en Fort Chabrol. Si l'on doit faire là-dedans une grève de la faim, je la ferai", lance dépité, Jacques Carmès.
Qu'attend-on ? Que des professionnels reconnus et soucieux de travailler craquent. "Ils seraient heureux de nous voir faire la manche. Cet immeuble aura été refait sur le malheur des gens."
O. Marie


"Nous n'avons rien reçu ! Aucune indemnité, aucune assurance, rien !", déplorent Jacques et Mylène Carmès.


« Les travaux de consolidation devaient durer jusqu'en novembre ou décembre 1998 ! »


L'HÔTELLERIE n° 2641 Hebdo 25 Novembre 1999

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