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Aude

Intempéries : l'heure des comptes

Ce sont les professionnels audois qui payent le plus lourd tribut aux inondations qui ont touché le sud
de la France. Et si aucun bilan officiel n'a été dressé à l'heure actuelle, des mesures d'aides spécifiques pour
les établissements les plus touchés devraient être prises dans les prochaines semaines par les instances professionnelles et consulaires.

Hôteliers, restaurateurs ou cafetiers, les professionnels du tourisme figurent au premier rang des victimes économiques des pluies diluviennes qui se sont abattues sur le sud de la France. S'il est encore difficile d'établir un premier bilan, l'inventaire des établissements sinistrés étant en cours de réalisation, ce sont, sur le seul département de l'Aude, près de 5 % des établissements qui seraient touchés à des degrés divers. Si on ne compte plus les hôtels et restaurants du bord de mer endommagés par la tempête qui a secoué le littoral de l'Aude et des Pyrénées-Orientales entre Gruissan et Argelès, c'est dans la vallée de l'Aude que les dégâts les plus importants ont été constatés du fait des inondations. Et dans la grande majorité des cas, ce sont des petits établissements familiaux qui sont les plus touchés par la catastrophe. Le secteur de Lézignan-Corbières recense à lui seul le plus grand nombre de sinistres, le niveau de l'eau étant monté au-delà d'un mètre cinquante voire plus selon les endroits, emportant tout sur son passage, "avec en prime, pour tous les professionnels, des difficultés liées au manque d'eau potable, à l'absence de téléphone, d'électricité sans compter que beaucoup ont perdu leurs véhicules et que certaines voies de communication sont encore impraticables", précise-t-on à la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne.
"Nous sommes en train de mettre en place des procédures pour vérifier la situation de nos ressortissants, indique-t-on à la Fédération de l'industrie hôtelière audoise. Comme dans les CCI de Narbonne, de Carcassonne ou de Perpignan, on se mobilise. Ce recensement des établissements sinistrés est avant tout contrarié par les problèmes d'accès et de téléphone. Secteur après secteur, ce sont les mairies qui sont directement sollicitées pour signaler les éventuelles difficultés rencontrées par les professionnels locaux." Et Hugues Alaso de la FNIH audoise précise : "Nous mettons tous nos moyens en œuvre pour coordonner et synthétiser les informations qui nous parviennent malgré les difficultés de communication que nous rencontrons." Mais, pour certains l'heure est encore au nettoyage et au descriptif des pertes. Ils n'ont pas encore eu le temps ni les moyens de prendre directement contact avec les instances professionnelles. Sans oublier qu'à la perte de l'exploitation vient souvent s'ajouter celle de l'habitation principale avec les conséquences humaines que cela peut entraîner. "Dans ce contexte, la difficulté principale pour les professionnels va être de produire les différents documents nécessaires à l'évaluation des dégâts. Attestation de propriété, contrat de location, extrait du registre du commerce, bilans et comptes de résultat, chiffre d'affaires de l'exercice, autant d'éléments qui ont disparu lors des inondations ou qui sont irrécupérables", poursuit Hugues Alaso.
Conscient de ces difficultés qui ne pourront être entièrement résolues que d'ici plusieurs mois, les chambres de commerce sont d'ores et déjà intervenues auprès des Assedic, de l'Urssaf et des trésoreries générales pour que les administrations se montrent bienveillantes à l'égard de l'ensemble de leurs ressortissants.

Rouvrir rapidement
Les assureurs et les experts devront eux aussi se montrer compréhensifs. Aujourd'hui, la question qui domine reste celle des indemnisations. Du côté des assureurs, on est bien sûr dans une logique d'assistance, de conseil et d'écoute, la situation des professionnels étant jugée prioritaire. "D'ici une dizaine de jours, la totalité des hôtels, des restaurants et des débits de boissons sinistrés devrait avoir reçu un premier chèque d'acompte en attendant la mise en place d'aides spécifiques", souligne l'un des délégués consulaires du département.
A l'initiative de son président Gérard Portal, la Fédération de l'industrie hôtelière audoise réfléchit actuellement au prélèvement de 1 à 2 francs sur les menus servis dans le département pour alimenter un fonds d'indemnisation, des fax commencent à être envoyés à tous les adhérents en ce sens. Mais ce n'est véritablement que dans une dizaine de jours, une fois le décompte total des sinistrés effectué, que seront généralisées ces différentes actions de solidarité. A un peu plus d'un mois des fêtes de fin d'année, c'est une véritable course contre la montre qui s'engage avec une priorité, rouvrir pour le jour de l'an. Si cette perspective paraît réalisable pour certains, elle l'est moins pour les plus touchés. "Même avec la meilleure volonté du monde, les dégâts et les pertes sont tellement importants à certains endroits, qu'une réouverture pour le réveillon reste pour le moins hypothétique", déclare l'un des responsables de la section tourisme à la CCI de Narbonne. Cette situation entraînera encore pour les plus malchanceux une aggravation des pertes financières. "Aujourd'hui, nous comptons vraiment sur la solidarité à l'échelon national qui se manifeste tous les jours avec plus d'intensité. Et ce n'est pas seulement de moyens financiers dont nous avons besoin mais de marques de sympathie et de soutien", précise pour sa part Marie-Reine Vaissière, hôtelière à Lézignan qui a vu en quelques minutes disparaître plus de trente ans de travail.

Un exemple de solidarité
Restaurateur à Villeneuve-des-Corbières, Serge Mayenz a décidé, dans les premières heures qui ont suivi la catastrophe, d'ouvrir son établissement aux familles les plus éprouvées. "Quand nous avons constaté le désastre dans le village, j'ai voulu venir en aide aux gens qui ont tout perdu. Nous tenons table ouverte depuis le week-end dernier", raconte le patron du café-restaurant. Symbole de cette solidarité des premières heures, la salle du Corbiérou grouille de monde deux fois par jour à l'heure du service, "que les gens soient sinistrés ou pas, chacun vient et s'assoit à la table pour reprendre des forces en mangeant un plat chaud gratuitement, explique Serge Mayenz. Moi qui n'ai pas été sinistré, la crue ayant épargné la cuisine et les stocks, je me sens solidaire de ces personnes et le leur montre."


Pour Robert Vella et son épouse, du restaurant La Flamiche, le 13 novembre restera à jamais gravé dans leurs mémoires comme le jour où ils ont tout perdu.

Témoignage

Restaurant La Flamiche à Lézignan

Dans l'enchevêtrement de meubles et d'ustensiles divers maculés de boue qui jonchent le sol de la salle du restaurant de Robert Vella, il est difficile d'imaginer à quoi pouvait ressembler l'établissement avant la catastrophe. "Nous avions fini le service vers minuit avec ma femme quand nous avons vu déferler un véritable torrent sur le restaurant. Nous avons heureusement pu nous mettre à l'abri dans la maison que nous habitons juste en face", explique Robert Vella qui avait ouvert la Flamiche en 1993 à Lézignan. "Depuis ce jour, nous passons notre temps à sauver ce qui peut l'être, pas grand-chose, et à nettoyer en attendant la décision de l'expert. C'est tout ce qu'il nous reste à faire pour l'instant", ajoute-t-il ému. Situé en contrebas de l'artère principale qui traverse la ville, le restaurant de Robert Vella est sinistré à 100 %, comme les établissements de deux de ses confrères sur la dizaine que compte Lézignan.

Tout le matériel est hors d'usage
Sur les murs, le niveau atteint par l'eau est encore visible à une hauteur de 80 cm, "assez pour avoir tout emporté. Nous avons retrouvé des congélateurs au milieu de la pièce principale et les réfrigérateurs ont été littéralement balayés, commente le restaurateur. Tout le matériel est hors d'usage, notamment en cuisine ou le niveau de l'eau est monté à plus d'un mètre. Sans compter les stocks, entre 15 000 et 18 000 francs qui sont partis à la poubelle." Sans téléphone, sans électricité et sans voiture, littéralement coupés du monde extérieur, Robert Vella et son épouse espèrent que les habitants viendront leur prêter main forte dès que la situation sera redevenue à peu près normale pour eux.
"A deux ans de la retraite, nous avons besoin de bras pour remettre tout à plat et du soutien des organisations professionnelles dont nous ne connaissons pas les intentions vis-à-vis des sinistrés, précise le restaurateur. Quand je pense que nous avions prévu de partir en vacances le 18 pour souffler un peu avant les fêtes et que je devais en profiter pour subir une opération, c'est une catastrophe dont nous aurons du mal à nous remettre, physiquement et psychologiquement avant de penser à l'aspect matériel." Une interrogation se pose maintenant à ce couple de restaurateurs : vont-ils avoir suffisamment de courage pour redémarrer et relancer cette affaire qui représentait tout à leurs yeux.

 

Témoignage

Hôtel-restaurant Le Tournedos à Lézignan

Pour Marie-Reine Vaissière, propriétaire de l'hôtel-restaurant Le Tournedos, c'est une page qui vient de se tourner. L'établissement créé par son père a été ravagé.
C'est avec l'aide d'un tractopelle que les employés de l'hôtel-restaurant dirigé par Marie-Reine Vaissière évacuent les meubles et le matériel endommagé. Seule une dizaine de chambres située dans les étages a été épargnée sur les 20 que comptent l'établissement et les trois salles qui abritent 150 couverts les jours d'affluence. "Nous avions une excellente notoriété, surtout depuis l'ouverture de l'A 75 qui nous a amené beaucoup de clients nouveaux, mais c'est principalement notre longévité qui assurait notre succès. Nous existons depuis plus de trente ans", explique Marie-Reine Vaissière. C'est son père qui avait créé l'hôtel, Le Tournedos, aujourd'hui classé deux étoiles. "L'eau a tout emmené y compris les souvenirs. Elle est arrivée à la hauteur des marches qui vont à l'entresol, soit à presque deux mètres, en emportant tout sur son passage. C'est un voisin qui a retrouvé un des livres de comptes à plusieurs mètres de là", ajoute la propriétaire. Conséquence directe de l'événement sur l'activité, une fermeture qui pourrait durer deux à trois mois. "Dans un premier temps, mon objectif sera de rouvrir le plus rapidement possible la partie hôtel. Les salles de restaurant, la cuisine, la blanchisserie, les chambres froides et les caves nécessiteront de plus importants travaux de remise en état." En termes de perte d'exploitation, Marie-Reine Vaissière estime le préjudice subi à 1 MF minimum, "sans compter la valeur de dépréciation qui devrait réduire notre indemnisation auprès des assurances. Il va falloir maintenant prévenir les clients qui avaient réservé leur soirée du réveillon que nous serons fermés." Pour l'heure, les onze employés de l'hôtel-restaurant participent activement aux opérations de nettoyage et d'inventaire du matériel endommagé ou perdu, "pour rouvrir au plus vite et sauver ce qui peut encore l'être".


En termes de perte d'exploitation, Marie-Reine Vaissière estime le préjudice subi à 1 MF minimum.

 

 

Arrêté du 17 novembre portant constatation de l'état de catastrophe naturelle

Cet arrêté est paru au Journal officiel du 18 novembre 1999. L'état de catastrophe naturelle est constaté pour les dommages causés par les inondations, coulées de boue et mouvements de terrain survenus dans les départements et aux dates désignées dans l'arrêté. Cela concerne principalement les inondations et coulées de boue du 12 au 14 novembre dans les départements de l'Aude, de l'Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Tarn. Pour chaque département, il est donné une liste précise des communes concernées.

 

Catastrophes naturelles

Comment se faire indemniser ?

Instaurée par la loi du 13 juillet 1982, la garantie catastrophe naturelle bénéficie automatiquement à tout titulaire d'un contrat d'assurance dommages, à la condition que le gouvernement constate l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel.

Qui en bénéficie ?
Tout assuré titulaire d'un contrat d'assurance incendie ou de dommages aux biens. Que ce contrat d'assurance garantisse un immeuble, un appartement, un véhicule automobile, un fonds de commerce, en dommages directs ou en perte d'exploitation.
Par contre ne sont pas concernés les contrats d'assurance qui ne garantissent que la responsabilité civile, les véhicules maritimes et fluviaux, les récoltes et cheptels hors bâtiments.
Sont aussi exclus d'une indemnisation les biens construits en violation des règles administratives tendant à prévenir les catastrophes naturelles.

Qui la finance ?
Ce sont les assurés. En effet, les contrats d'assurance de dommages aux biens prévoyant la garantie des catastrophes naturelles perçoivent à ce titre une contribution égale à 12 % des cotisations d'assurance de ces contrats.
Cette contribution, perçue par les assureurs pour le compte de l'Etat (représenté par la Caisse centrale de réassurance), était auparavant de 6 puis de 9 %, mais a été portée à 12 % à partir des échéances de septembre 1999, pour tenir compte de la mise en œuvre de plus en plus fréquente de cette garantie.
Ce qui a augmenté depuis peu l'ensemble des contrats d'assurance de dommages d'au moins 3 %.

Quels sont les dommages garantis ?
Il s'agit "des dommages matériels directs non assurables ayant pour cause déterminante l'intensité anormale
d'un agent naturel..."
Ont été considérées comme des catastrophes naturelles, des coulées de boue ou de neige, des précipitations anormales, des crues de rivière, des périodes de sécheresse...

Toutefois, si le contrat d'assurance incendie ou multirisque prévoit des garanties indirectes comme la privation
de jouissance, pertes d'exploitation,
elles seront indemnisées également par l'assureur, d'où la nécessité de disposer d'un contrat d'assurance complet sur ces points (faute de quoi la garantie est limitée à la remise en état des biens).
Les dommages corporels ne sont pas pris
en compte.

Mise en œuvre de la garantie
L'état de catastrophe naturelle ne peut être reconnu que par un arrêté interministériel qui détermine les zones, les dates et la nature des dommages.
L'assuré doit déclarer à son assureur tout sinistre susceptible de faire jouer la garantie, dès qu'il en a connaissance et au plus tard dans les 10 jours suivants la publication de l'arrêté interministériel.
Il s'agit de conditions cumulatives et il ne saurait être reproché à un assuré de déclarer le sinistre au-delà du délai
de 10 jours s'il n'a pu le constater au cours de cette période (en raison de son absence par exemple).

Indemnisation
Les principes habituels en matière d'assurance restent valables. L'assuré ne doit pas remettre en état avant le passage de l'expert. Ce qui ne doit pas l'empêcher de nettoyer. Mais en outre, il doit agir "en bon père de famille" pour éviter l'aggravation du sinistre (déplacement éventuel de marchandises, séchage...).
L'assureur doit indemniser le sinistre dans les trois mois suivants la réclamation chiffrée de l'assuré.

Il règle celui-ci dans les mêmes conditions que les autres garanties. Ainsi, si les montants assurés sont insuffisants,
le client ne sera indemnisé que du montant maximum qu'il a lui-même prévu au contrat. Les dommages indirects tels que les pertes d'exploitation ne seront indemnisés que pour autant qu'ils auront été souscrits par l'assuré.

Une franchise est toujours déduite. Elle est de 1 500 F pour les biens non professionnels et d'habitation ainsi que pour les véhicules. Elle est de 10 % avec un minimum d'au moins 4 500 F pour les biens professionnels (dont hôtels, cafés, restaurants).
D'après les premières estimations, les récents événements climatiques survenus dans l'Aude coûteront sans doute plus cher que la crue de l'Ouvèze qui avait provoqué la mort de 37 personnes à Vaison-la-Romaine en 1992. A cette époque, l'indemnisation des dommages matériels avait représenté 250 millions de francs.
B. Florin
Docteur en droit

 

Les services fiscaux compréhensifs

Christian Sautter, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, a demandé à ses services de prendre, de toute urgence, des dispositions en faveur des personnes et des entreprises victimes des inondations dans les départements de l'Aude, de l'Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Tarn.

Les personnes et entreprises directement touchées par cette catastrophe pourront bénéficier de délais de paiement pour les impôts et la redevance audiovisuelle venant à échéance et, dans les cas les plus douloureux, de remises gracieuses des impositions et redevances restant dues. Elles pourront à cette fin s'adresser au centre des impôts ou à la trésorerie dont elles relèvent.

En particulier, les cotisations non payées de taxe d'habitation et de taxe foncière seront intégralement remises lorsque les locaux ont été détruits.

Enfin, les personnes concernées qui n'auront pas pu acheter
leur vignette automobile dans les délais ne seront pas pénalisées.


L'HÔTELLERIE n° 2641 Hebdo 25 Novembre 1999

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
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