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Editorial
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Heureuses veuves californiennes

La France résiste, la France dit non aux fonds de pension.
Une manière d'alimenter une emblématique et idéologique guerre de religion capital-travail. Malheureusement, la France n'a pas les moyens d'assumer sa position : les fonds de pension anglo-saxons et américains ne détiennent-ils pas déjà 40 % des titres cotés à la Bourse de Paris ? Les groupes hôteliers, tel Accor, n'échappent pas à la règle. Autant dire qu'aujourd'hui, ce sont les salairiés français qui, en respectant les exigences de rentabilité de ces fonds - les nouveaux actionnaires des entreprises qui les emploient - permettent la création de dividendes de plus en plus importants qui alimentent et améliorent les retraites des veuves écossaises comme celles des retraités californiens qui peuvent ainsi en toute tranquillité jouer au golf du côté de Palm Spring. Incontestablement, leur arrivée sur la place aura bouleversé les mœurs du capitalisme hexagonal où grands patrons et banquiers préféraient régler les problèmes dans les petits salons d'un grand étoilé Michelin. Aujourd'hui, leurs actionnaires sont d'une autre culture, d'un autre monde et ont d'autres mœurs... Ceux qui président aux destinées de ces fonds de pension sont mandatés par de modestes salariés et n'ont que faire du protocole et de l'apparat. Aussi, voit-on plus souvent maintenant ces nouveaux actionnaires imposer des réunions de travail autour d'un plateau-repas arrosé de Coca-Cola ou d'eau minérale à quelque grand patron plus habitué aux crus classés, aux havanes et aux sofas des établissements de luxe. Le retour du pouvoir actionnarial est évident, il en choque certains parce qu'aujourd'hui on oblige les patrons à justifier leur politique, leur stratégie.
On veut tout savoir, tout voir, tout comprendre. Plus question de ne travailler qu'au seul "feeling", il faut en donner plus, il faut argumenter. Les fonds de pension raisonnent à long terme et... exigent une rentabilité élevée à court terme ! Philippe Manière, auteur de Marx à la corbeille, voit dans leur exigence une chance pour la France : celle de dynamiser l'économie en améliorant sans cesse la rentabilité des entreprises.
Peut-être un moyen de passer mieux que d'autres le cap de la mondialisation et de l'Euro. Autant dire que l'écart se creusera dès lors encore plus entre les entreprises dont les fonds de pension sont actionnaires et les autres. Munies de moyens financiers nouveaux et conséquents, poussées par un niveau d'exigence fort, elles atteignent pour certaines une excellence économique qui ne peut que satisfaire les actionnaires. Il suffit d'observer avec quel brio le groupe Accor aujourd'hui maîtrise son développement. Une stratégie brillante qui l'amène après avoir consolidé sa présence sur tous les marchés, à maîtriser maintenant la distribution de ses produits. Après la reprise de Frantour, de Visit France, l'accord avec Sélectour et la création de Carlson Wagonlit, Accor détient les meilleures cartes pour vendre ses chambres. La compétition est dure, très dure... aux autres de savoir riposter. Autant d'efforts et d'intelligence pour que les salariés français permettent aux retraités américains de couler des jours heureux... C'est tout de même dommage que les résistances à la création des fonds de pension français soient aussi fortes et qu'elles condamnent les retraités français à ne pas profiter, eux aussi, des dividendes de leurs efforts.

PAF


L'HÔTELLERIE n° 2640 Hebdo 18 Novembre 1999

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