Témoignage
Xavier Bazataqui exerce ses talents professionnels devant les
fourneaux du lycée Lapicque à Epinal.
Il a remporté le Gargantua d'Or lors de la finale qui s'est déroulée à Lyon en mai
dernier. La distinction nationale lui ouvre la porte des championnats d'Europe prévus ce
mois-ci.
Les cuisiniers exerçant leur
métier dans le cadre de restaurants collectifs ne sont pas sans mérite ni sans talent.
"Il faut décomplexer ces chefs de cuisine d'entreprises car ils sortent des
mêmes écoles que ceux de la restauration privée et sont soumis à des contraintes qui
ne favorisent pas l'imagination", déclare Xavier Bazataqui, maître cuisinier au
lycée Lapicque à Epinal dans les Vosges. En effet, il a des contraintes dont la plus
importante est de préparer 1 350 repas par jour avec un budget de 12, 13 F pour chacun.
"Mais la cuisine collective n'a plus rien à voir avec la cantine d'antan. En
restauration scolaire comme en gastronomie haut de gamme, les bases de travail sont les
mêmes. Nous essayons d'innover en utilisant toujours des produits de première qualité.
Pour les sauces, je rejette par exemple tous les fonds déshydratés. Je n'hésite pas à
employer les crèmes fraîches. Les pâtes feuilletées, nous les faisons nous-mêmes",
ajoute le maître cuisinier qui a fait de la défense de la restauration collective son
combat. La participation au concours Gargantua en est l'expression. Déjà en 1997, il
s'était hissé à la troisième place du podium en participant à cette compétition
organisée tous les deux ans par le comité de coordination des collectivités, organisme
de formation pour les gestionnaires de collectivités, chefs de cuisine et personnels
d'entretien. Cette année, sélectionnés parmi plus de trois cents candidats, Xavier
Bazataqui et les sept autres finalistes devaient travailler un rouget barbet et préparer
un dessert à l'orange avec des contraintes de coûts : 20 à 25 F maximum pour le plat de
poisson et 8 à 15 F pour le dessert. Xavier Bazataqui a remporté le premier prix avec au
menu : Vapeur de filet de rouget et poivrons en mousseline, suivi d'une Dentelle de mousse
d'oranges, ganache et coulis de griottes tièdes.
Ce prix récompense toute une carrière et surtout un état d'esprit. Xavier Bazataqui
aime l'excellence. En 1991, lorsqu'il décide à 30 ans de changer de cap et de passer le
concours d'Ouvrier professionnel de restauration de collectivités, il en sort major de
l'académie de Nancy-Metz. Ensuite, il n'attend pas sa titularisation et présente dans
l'année le concours de Maître ouvrier cuisinier : examen qu'il réussit haut la main. Si
l'ancien élève des écoles hôtelières de Contrexeville et de Gérardmer pense avec
nostalgie aux années passées derrière les fourneaux de restaurants étoilés au
Michelin tels que Le Capucin Gourmand à Nancy, il ne regrette pas cette nouvelle vie.
"Mon dernier travail dans la gastronomie a été un passage à la tête de la
brigade de cuisine du restaurant de la Poste à Remiremont. Après dix ans dans cet
hôtel-restaurant 2 étoiles, j'ai eu envie de changement. J'ai pensé me mettre à mon
compte avec un ami. Cela ne s'est pas fait. Ma femme étant institutrice, j'ai pensé au
concours de la fonction publique. Aujourd'hui, ma journée de travail se termine à 13
heures, je suis en congé les week-ends et pendant les vacances scolaires. Je concilie vie
professionnelle et vie privée. Cela compense largement les contraintes liées au travail
en collectivité", explique le maître cuisinier vosgien. Et puis, il s'est
trouvé un cheval de bataille qui est de donner une véritable place à la cuisine en
collectivité : "Il faut se battre pour que la cuisine reste gratifiante et ne pas
laisser la place aux chaînes", conclut-il.
C. de Dianous
L'HÔTELLERIE n° 2638 Hebdo 4 Novembre 1999