Restauration rapide
L'été a été chaud pour
quelques restaurants McDonald's pris pour cible par des agriculteurs exaspérés. "Sur
le plan humain, ça a été très difficile. C'est surtout une très grande consternation
dans les équipes quand vous avez affaire à des mouvements de ce genre et que vous avez
des managers et des jeunes qui sont confrontés parfois à des actes de violence qui ont
été amplifiés par une présence médiatique importante", explique Philippe
Labbé, directeur général de McDonald's France. Manifestations, blocages d'entrées de
restaurants, dégradations, etc., la liste est longue pour en arriver au 12 août dernier
avec la destruction partielle d'un restaurant McDo en construction à Millau, dans
l'Aveyron. Cette opération commando a produit une jolie facture de 700 000 F de dégâts.
L'emblématique José Bové et ses collègues sont sous le coup d'une procédure pénale.
Mais chez McDo, en signe d'apaisement, on préfère ne pas se porter partie civile, donc
renoncer à demander le remboursement des dégâts. Le 21 septembre, le restaurant de
Millau a été inauguré sans problème, avec peut-être même plus de clients que prévu,
curiosité oblige.
Le paradoxe ? 45 000 éleveurs de bétail, 90 producteurs de porc, 70 éleveurs de
poulets, 400 producteurs de pommes de terre, 110 producteurs de salades... implantés dans
toutes les régions agricoles de France ont McDonald's comme client. La chaîne réalise
80 % de ses achats agroalimentaires dans l'Hexagone (le reste dans l'Union européenne). "Dans
cette affaire, on s'est retrouvé pris en otage entre des mouvances syndicales et
professionnelles exacerbées par des perspectives électorales au sein du monde agricole.
La Confédération paysanne a eu besoin à un moment donné de trouver un faire-valoir et
il est bien évident qu'une société aussi médiatisée et médiatique que la nôtre est
un moyen extraordinaire. José Bové l'a reconnu", analyse aujourd'hui Philippe
Labbé. Aujourd'hui, le calme est revenu et chez McDo, on reste serein voire philosophe,
d'autres affaires pourraient suivre, "c'est la rançon d'une certaine
visibilité".
70 % de franchisés
Le 19 août dernier, McDonald's a inauguré le 25 000e restaurant à Chicago. En France,
où la chaîne a fait son apparition en 1979 à Strasbourg, McDo compte aujourd'hui 755
unités. "McDonald's en France, c'est 755 PME, des entreprises locales qui ont
entre 30 et 50 employés qui sont des acteurs de la vie locale, rappelle Philippe
Labbé. Et 70 % de l'activité sont confiés à des locataires-gérants, nos
franchisés." 635 restaurants sur les 755 que compte la chaîne sont gérés par
240 franchisés. Un tiers d'entre eux a un établissement, un tiers deux restaurants et le
dernier tiers trois et au-delà. Ces chefs d'entreprise détiennent un contrat de
location-gérance de 20 ans et pour obtenir la franchise McDo, outre un profil bien cadré
par la chaîne, ils devaient apporter 1 MF de fonds propres et obtenir auprès des banques
entre 2,5 et 3 MF en complément pour financer le mobilier, l'équipement, les enseignes,
les chambres froides... McDonald's, pour sa part, prend en charge le foncier et la
construction du bâtiment ce qui représente un coût compris entre 9 et 12 MF. Le chiffre
d'affaires moyen d'un McDo est de 14 à 15 MF. Quant au chiffre d'affaires de McDonald's
France pour 1998, il s'est établi à 9,6 milliards de francs.
En 1998, McDonald's a ouvert 81 restaurants en France. Pour 1999, le nombre d'ouvertures
devrait atteindre 80 et les prévisions pour les trois années à venir tablent sur 70
unités supplémentaires par an. Quant à leur localisation, plus de la moitié des
restaurants est située dans des villes de moins de 100 000 habitants. Les plus petites
agglomérations ciblées ont en moyenne entre 25 000 et 30 000 habitants, "mais
certaines communes avec moins d'habitants et un fort trafic ou un centre commercial très
fréquenté nous intéressent également", précise Philippe Labbé. Aussi, rien
d'étonnant à ce que 80 % des restaurants McDo en France aient pris la forme de drive
(service au volant). Résultat, plus d'un million de clients chaque jour choisit cette
enseigne pour s'y restaurer, soit une moyenne de 1 500 clients par restaurant.
La concurrence du "prêt à manger"
Pour Philippe Labbé, la restauration traditionnelle et la restauration rapide ne se font
pas de concurrence. Tout en reconnaissant volontiers que certains restaurateurs
rencontrent des difficultés, pour lui, ces deux formes de restauration ne sont pas sur le
même segment pour deux raisons : d'une part, le facteur temps qui sert d'arbitrage aux
clients et d'autre part, le ticket moyen. "Ce n'est pas un différentiel de TVA
qui peut régler le problème sachant qu'en plus la restauration rapide, quand il y a une
prestation avec service à table, supporte une TVA à 20,6 %, comme tout le monde",
explique Philippe Labbé.
La concurrence aujourd'hui, ce sont les offres de restauration et la vente de produits
alimentaires sophistiqués dans les grandes surfaces, les stations-service, les
boulangeries ou toutes sortes d'établissements non codifiés comme acteurs de la
restauration et non assujettis aux mêmes charges. Du "prêt à manger" qui se
développe de façon vertigineuse et qui est une forme de concurrence non négligeable. "Si
demain, il doit y avoir une législation spécifique à la restauration, je souhaite bien
du plaisir aux législateurs pour définir ce qu'est aujourd'hui le domaine de la
restauration", dit Philippe Labbé un brin perplexe. Aussi, pour lui autant que
pour le SNARR, il n'est pas question d'accepter un taux de TVA à 14 % pour l'ensemble des
acteurs de la restauration si, dans le même temps, cette nouvelle forme de concurrence de
vente de produits alimentaires prêts à manger continue à bénéficier d'un taux à 5,5
%.
"Je ne peux qu'encourager une baisse de la TVA sur les prestations de service à
table de la restauration parce cela va dans le sens d'une amélioration de la
consommation, donc de la création d'emplois et de la prise de repas hors domicile",
convient Philippe Labbé, rappelant au passage qu'un Français sur quatre ne va jamais au
restaurant et qu'il y a donc un potentiel de clients à séduire pour l'ensemble des
acteurs de la restauration.
"Il ne faut pas perdre la TVA à 5,5 %"
Chez McDonald's, bien que l'on soit favorable à la baisse du taux de TVA sur le service
à table, ce à quoi tous les professionnels ne peuvent que souscrire, on ne veut pas bien
sûr voir la disparition du taux à 5,5 % sur la vente à emporter. Et d'argumenter que
bon nombre de professionnels développent aujourd'hui dans leurs établissements des
prestations de vente à emporter (crêpes, sandwichs, merguez...) pour lesquelles ils
bénéficient du fameux taux à 5,5 %. C'est pour lui un volet d'activité, une
opportunité que les restaurateurs ne doivent pas perdre. "La Confédération
(CFHRCD) a mis en évidence une piste intéressante : 5,5 % pour les solides et 20,6 %
pour les liquides alcoolisés parce que politiquement il est inconcevable de baisser les
taxes sur les alcools", confie Philippe Labbé.
Un texte de l'administration fiscale datant de 1984 permet aux établissements de
restauration rapide de plus de 200 m2, qui ne sont pas en mesure de justifier de la nature
des prestations, d'appliquer une proportion de 30 % de leur chiffre d'affaires en vente à
emporter. "Souvent évoqué par la FNIH, ce texte n'est plus utilisé par aucun
des acteurs majeurs de la restauration à service rapide, tient à souligner le
directeur général de McDonald's. Quand j'ai un restaurant de type drive de 500 m2 et
où 60 % du chiffre d'affaires est "à emporter", on comprend que ce texte soit
devenu désuet et obsolète."
Aujourd'hui, dans les restaurants McDonald's, pour chaque produit, un seul prix est
affiché. Alors qu'il y a encore quelques années le prix "vente à emporter" et
le prix "à consommer sur place" étaient indiqués, la chaîne s'est décidé
pour un prix moyen unique (fin de la tricherie de la part des clients, plus de clarté
dans l'affichage en vue de l'arrivée de l'euro). Ensuite, "en fonction de la
nature de la transaction, il y a un calcul en dedans qui déduit une TVA à 5,5 % ou à
20,6 % et il y a des emballages différents. Les services fiscaux font leur contrôle et
trouvent les cohérences", dit Philippe Labbé qui estime la TVA moyenne du
groupe aux alentours de 13 à 14 %. Une TVA moyenne dont la tendance est à la baisse
compte tenu de la multiplication des restaurants-drive dans lesquels une grande majorité
de clients choisissent la vente à emporter. "Il faut trouver une solution qui
bénéficie à l'ensemble de la restauration commerciale plutôt que de chercher des
solutions qui visent à opposer tel et tel secteur", plaide Philippe Labbé.
N. Lemoine
"Les restaurateurs qui ont développé des comptoirs de vente à emporter
ont très bien compris l'avantage de la TVA à 5,5 %. Il ne faut pas le perdre",
dit Philippe Labbé, directeur général de McDonald's France.
L'HÔTELLERIE n° 2634 Hebdo 7 Octobre 1999