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Le Mas d'Aigret aux Baux-de-Provence

Imbroglio juridique autour d'une falaise

En 1995, le maire des Baux-de-Provence prend un arrêt de fermeture à l'encontre du Mas d'Aigret : la falaise qui surplombe cet hôtel 3 étoiles menace de s'effondrer. Imbroglio juridique aidant, la réouverture vient seulement d'être autorisée cet été. Entre-temps, Frédéric Laloy, le gérant, a tout perdu, y compris son droit au bail... qu'il a dû racheter pour reprendre son activité !

Qui devait effectuer les travaux pour consolider la falaise jugée dangereuse par la commission de sécurité départementale ? La commune, à qui appartient le sommet, ou bien le propriétaire du Mas d'Aigret dont le terrain arrive au pied de la falaise ?
C'est à cause de ce différend, encore en discussion devant la justice, que le gérant de l'hôtel a dû cesser d'exploiter son établissement pendant presque quatre ans et le laisser à l'abandon, puisqu'il n'avait pas même le droit de rester sur les lieux. A la suite d'une première expertise, la commune a fini par faire réaliser les travaux nécessaires, avec l'aide de L'Etat (le site est classé), de la Région et du Département, et a donc produit un arrêté de réouverture en... juin 1999.
Frédéric Laloy a ainsi redémarré son activité en juillet dernier, après avoir remis 2 MF sur la table. Il a passé un bon été, grâce au surplus de touristes que lui ont envoyé des hôteliers solidaires. Mais il doit maintenant se reconstituer sa propre clientèle.

6 MF investis en 1988
En 1988, Frédéric Laloy, 23 ans, arrive de Paris et achète, avec l'aide sa famille et des banques, le fonds de commerce du Mas d'Aigret, un hôtel 3 étoiles des Baux-de-Provence de 16 chambres, qui réalise péniblement un chiffre d'affaire de 2 MF.
Il rénove la partie hébergement, ouvre un petit restaurant de 50 couverts, qui fonctionne midi et soir et qui obtient 16 sur 20 au Gault et Millau en 1992, crée le jardin en y aménageant des restanques à la provençale et des petites terrasses... Soit un investissement total de l'ordre de 6 MF. L'affaire, qui emploie 16 salariés, marche bien. "En 1995, le Mas d'Aigret affichait un taux d'occupation annuel de 95 % sur ses dix mois d'ouverture et un chiffre d'affaires total de 8 MF, explique Frédéric Laloy. Et, selon l'expertise que nous avons fait faire au moment de la fermeture, le fonds de commerce était estimé à 12 MF."
Mais, patatras : en 1995 des rochers tombent de la falaise. Le 1er novembre de cette année-là, la commune prend un arrêté municipal de fermeture et engage une première tranche de travaux qui s'étale sur six mois mais que la commission de sécurité départementale juge insuffisante. C'est alors que l'affaire se corse : la commune estime que la verticalité de la falaise appartient au propriétaire du Mas d'Aigret. Les deux parties entament donc une bagarre juridique à tiroirs, ce qui gèle toute poursuite des travaux...

Dépôt de bilan de la SARL
Mais que devient le gérant dans l'histoire ? "Pendant les six premiers mois, j'ai continué à honorer les échéances prévues pour la location des murs (240 000 F annuels) en les finançant sur mes fonds propres. Mais ensuite, cela m'est devenu impossible et j'ai dû déposer le bilan de la SARL Mas d'Aigret que j'avais constituée et qui a été liquidée en 1998. Du coup, le propriétaire a résilié mon bail..."
Comble de malheur : Frédéric Laloy ne peut pas engager de poursuites contre qui que ce soit pour demander des dommages et intérêts. "Dans la législation française, explique-t-il, une personne physique ne peut pas prendre le relais d'une personne morale, même si elle en est actionnaire majoritaire. L'action que j'avais entamée en 95 en tant que SARL du Mas d'Aigret est donc tombée en désuétude lorsque la SARL a été liquidée, puisque je ne pouvais pas la reprendre à mon compte."
Fin 1998, un premier rapport d'expertise, demandé par le tribunal, est favorable au propriétaire. Le jugement n'est pas rendu mais la commune se décide à engager de nouveaux travaux...
"Le propriétaire a accepté de me reprendre comme exploitant mais j'ai dû racheter le droit au bail (environ 0,50 MF), payer deux ans de loyers non versés, et accepter qu'il double son loyer pour l'avenir..." Pour ce faire, Frédéric Laloy crée une nouvelle société d'exploitation avec l'aide d'un associé, Vincent Missistrano. Elle doit investir 1,70 MF pour remettre en état un établissement laissé à l'abandon depuis trois ans. Seule la partie hébergement est remise en service.

Un intermède à Paris
Car, entre-temps, Frédéric Laloy est remonté à Paris pour gagner sa vie et a emprunté de l'argent pour créer un petit restaurant de 45 couverts sur les Champs-Elysées, le Bistro de l'Olivier. "Il marche bien, dit-il, et m'a permis de réinvestir. Mais, du coup, je n'ai pas le temps de m'occuper du restaurant ici. On verra plus tard."
Les deux associés ont également besoin de toute leur énergie pour relancer le Mas d'Aigret qui a tout à la fois perdu sa clientèle, son label de Château et Hôtel de France (qu'il retrouvera cependant dès l'an prochain), son inscription dans les guides nationaux et internationaux.
"J'avais une clientèle internationale à 70 % avec un prix moyen chambre + petit-déjeuner à 900 F TTC et un ticket moyen pour le restaurant de 450 F TTC. Nous allons reconstituer un fichier, recontacter les tour-opérateurs et les agences de voyages avec lesquels nous travaillions... Nous espérons faire un TO annuel de 40 % en l'an 2000, de 60 % en 2001 et de 80 % en 2002."
L. Casagrande


Au pied du château des Baux, l'une des chambres disséminées dans le jardin. Il ne s'agit pas ici de la falaise incriminée.


Le Mas d'Aigret... retrouvera dès l'an prochain son label Château et Hôtel de France.


L'HÔTELLERIE n° 2634 Hebdo 7 Octobre 1999

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