Un établissement singulier
Depuis le 1er septembre 1999, le monde compte désormais deux Tours Eiffel, l'une à Paris et l'autre à Las Vegas. La Tour Eiffel est en effet l'emblème du Paris-Las Vegas, le dernier hôtel-casino-centre commercial inauguré sur le Strip. Un investissement de 5 milliards de francs. Un retour sur investissement prévu en 4 à 5 ans.
Plus de 4 000 personnes
furent invitées le 1er septembre dernier pour inaugurer ce Paris en miniature construit
au bord du célèbre Strip de Las Vegas. Pour fêter et chanter un tel événement Line
Renaud, la Française la plus connue de Las Vegas et la marraine du projet, Catherine
Deneuve, Charles Aznavour, Michel Legrand et une partie de l'équipe de Notre Dame de
Paris n'ont pas hésité à faire le déplacement. Aussitôt après le magnifique feu
d'artifice qui a illuminé la Tour Eiffel, les portes du complexe s'ouvraient au public.
Et à partir de 22 heures (heure locale) jusqu'à 3 heures le lendemain, plus de 35 000
personnes ont envahi la rue de la Paix, ses boutiques et le casino. Ils étaient tous
ravis et enthousiastes, ces Américains, de découvrir enfin "Paris". Le succès
de cette ouverture fut phénoménal. "Nous avons choisi pour ce casino le thème
de Paris, explique Paul Pusateri, président du Paris-Las Vegas et du Bally's, parce
que Paris pour les Américains, c'est un rêve. C'est la ville la plus romantique au
monde. Et, s'ils pensent en venant ici qu'ils sont transportés en France par un coup de
baguette magique, c'est que nous avons bien fait notre travail. Cependant, nous n'avons
pas du tout eu la prétention de créer un autre Paris. Nous avons bien trop de respect
pour la culture française. Nous avons voulu capter l'essence de Paris et en imprégner
les moindres recoins de notre établissement." En effet, bien que les monuments
et leurs sculptures, les maisons et leur toiture, les pavés et les lampadaires... aient
été reproduits aussi fidèlement que possible, Paris-Las Vegas n'est pas tout à fait
Paris. C'est le Paris, tel qu'aiment l'imaginer les Américains.
Bien des Français, les plus rabat-joie, les plus chauvins ou les plus snobs ne manquent
ou ne manqueront pas de multiplier les critiques : "c'est toc", "c'est
du Disneyland", c'est une contre-publicité pour le "made in France".
Mais, il faut se placer dans le contexte.
Fun et gastronomie
Las Vegas est un monde à part. C'est un lieu où l'on va pour s'amuser, rêver et
espérer, que l'on soit touriste ou congressiste. Par ailleurs, bon nombre d'Américains
n'auront peut-être jamais la chance de venir en France. Alors, en visitant le Paris-Las
Vegas, ils sont enchantés de découvrir dès l'extérieur les principaux monuments qui
font la renommée de Paris : la Tour Eiffel reproduite selon les plans de la nôtre mais
moitié moins haute, l'Opéra, la gare d'Orsay, l'Arc de Triomphe (échelle 3/4) et la
fontaine de la Place de la Concorde. Leur plaisir et leur surprise se poursuivent quand
ils abordent le centre commercial du Paris-Las Vegas. Là, ils sont accueillis par des
hôtesses et "des gendarmes" vêtus d'uniformes et de costumes folkloriques
sortis tout droit de l'imaginaire des Américains qui les saluent par des
"Bonjour", "Bonsoir", "Bienvenue" aussi sonores que
souriants. "Nous demandons à notre personnel de prononcer ces mots de bienvenue
en français, explique Paul Pusateri, parce que les Américains veulent croire que
les Français sont des gens charmants et courtois." Les visiteurs peuvent alors
se balader dans le vieux Paris qu'ils adorent, le vieux Montmartre des années 50/60 avec
ses peintres, ses accordéonistes, ses amoureux (sculptures), son livreur de pain en
tricycle... La rue de la Paix est pavée et bordée de vieilles maisons aux toits
d'ardoise, aux fenêtres étroites et fleuries... Les visiteurs peuvent se reposer sur des
bancs ou au bord d'une fontaine ou bien entrer dans des boutiques pour acheter des vins,
des fromages... au lait cru, du pain, des pâtisseries et des chocolats Lenôtre, des
affiches et des peintures représentant Paris, de la vaisselle et du linge de maison
fabriqués en Provence mais aussi des vêtements Yves-Saint-Laurent. "Nous avons
voulu, explique Paul Pusateri, recréer la merveilleuse impression du premier
contact avec Paris, avec ses boutiques, ses terrasses, le goût du café et l'odeur du
pain." Dans les dix restaurants dont huit sont français, on peut déguster comme
en France de la blanquette de veau, du coq au vin, de la choucroute ou de la
pissaladière. "Les Français ont la passion de la nourriture, elle fait partie de
leur culture, poursuit Paul Pusateri, nous nous devions de la faire découvrir aux
Américains." C'est pourquoi la responsabilité de la plupart des restaurants du
site a été confiée à un chef français : Eric Scuiller, auparavant executive chef du
Bally's, et que plus de 15 % de ses cuisiniers sont des français. Quant au restaurant de
la Tour, l'équivalent du Jules Vernes à Paris, il n'est pas dirigé par l'un de nos plus
renommés chefs étoilés comme l'aurait souhaité Paul Pusateri, celui contacté ayant
été trop exigeant, mais par le célèbre français Jean Joho, installé à Chicago à
L'Everest et à la Brasserie Jo, secondé par un Français, François Meulien, le fils de
Jean-Marie.
La plus grande salle de réception de Las Vegas
L'Hôtel Paris-Las Vegas est une tour de 36 étages dont l'architecture est inspirée de
celle de l'Hôtel de Ville de Paris. Il comporte 2 916 chambres d'un décor plutôt
classique dont 295 suites et 130 000 m2 d'espace de séminaire. Le Paris-Las Vegas est
fier de disposer de la plus grande salle de réception de Las Vegas. Cette salle, la
"Paris Ballroom", peut recevoir 8 000 convives assis. Elle ne comporte aucun
pilier et sa décoration s'inspire de la Galerie des Glaces. Deux autres salles de
réception la "Versailles Ballroom" et la "Champagne Ballroom" sont
également richement décorées avec dorures, peintures murales et chandeliers de cristal.
"Pour nos espaces de réception, nous avons choisi, commente Paul Pusateri,
le décor classique français qui est beau, intéressant et parfois amusant."
Bien sûr le Paris-Las Vegas comporte un spa et deux "wedding chapels", où l'on
peut se marier comme chacun le sait, le plus facilement et le plus rapidement du monde. Le
Paris-Las Vegas, casino-hôtel-centre commercial a coûté 760 millions de dollars soit 5
milliards de francs et emploie plus de 4 500 personnes. C'est le dernier-né de Park Place
Entertainment Corp, filiale du groupe Hilton, dirigée par Arthur Goldberg, considéré
comme un visionnaire dans les affaires. Pour le Paris-Las Vegas, il a choisi de créer une
ambiance différente. On y trouve le sens de la fête, du plaisir, de la décontraction et
de l'accueil. Rien à voir avec le Bellagio ou le Venitian (établissements concurrents),
très luxueux dans lesquels se succèdent bijouteries et boutiques de vêtements de luxe.
Ici, les visiteurs sont accueillis avec le sourire et peuvent se faire plaisir dans les
boutiques pour quelques dollars seulement. Et si les grands noms du tourisme français et
de la gastronomie ont évité ce lieu, ils ont peut-être eu tort. Patrick Scicard,
président de Lenôtre qui a accepté la proposition des Américains, ne le regrette pas
du tout. La 43e boutique Lenôtre installée dans la rue de la Paix au Paris-Las Vegas ne
désemplit pas. "Le Paris-Las Vegas est une idée complètement folle, a
commenté Line Renaud qui connaît bien Las Vegas depuis fort longtemps, mais c'est
aussi un formidable hommage à la France. Outre les emplois occupés par les Français, le
Paris-Las Vegas est comme une sorte de bande annonce qui donnera peut-être envie à des
Américains de visiter notre capitale et à des artistes français de se faire connaître
aux USA." Et si Line avait raison ?
Le Casino du Paris-Las VegasLe casino du Paris-Las Vegas est enjambé par un pont, une copie du Pont Alexandre III à Paris, avec les mêmes sculptures et les mêmes lampadaires. C'est au niveau du casino que l'on peut prendre l'ascenseur pour se rendre au sommet de la Tour Eiffel ou bien au restaurant de la Tour. Les joueurs peuvent se répartir autour de 2 100 machines à sous et 90 tables de jeu. Les boissons sont apportées aux joueurs les plus assidus par des hôtesses jeunes, belles et sexy, ce qui n'est pas toujours le cas dans les autres casinos. |
Un petit bistro très parisien.
Le personnel d'accueil et de surveillance est vêtu de costumes folkloriques
imaginés par les Américains.
© Clémentine
Livreur de pain en tricycle et accordéoniste comme à Montmartre dans les années
50/60.
Arthur Goldberg, Roi du jeuC'est Arthur Goldberg qui est à l'origine de ce projet. Ce financier de 57 ans natif de Newark (New Jersey) a été consacré "Roi du jeu" par le magazine financier Barron's. Il dirige la plus grande société de casinos au monde : Park Place Entertainment Corp. dont le chairman est Steve Bollenbach. (Steve Bollenbach est également président d'Hilton Hôtels Corp.). Arthur Goldberg gère donc 18 casinos à Las Vegas, à Atlantic City, dans le Mississipi, en Louisiane, en Australie et en Uruguay. Mais, pour tenir son rang et sa marge de profit, il lui fallait relever le défi de ses concurrents qui viennent d'ouvrir le Bellagio, réplique luxueuse d'un village italien des bords du Lac de Côme, le Venetian, reconstitution grandeur nature de la Place Saint-Marc, du Rialto et des canaux de Venise et le Mandalay Bay. La concurrence est rude à Las Vegas. Il faut sans cesse faire plus beau, plus attractif pour faire venir petits et gros joueurs. Et surtout, il ne faut pas ne pas se tromper. |
Las Vegas, la première destination touristique du monde32 millions de visiteurs sont attendus cette année à Las Vegas soit trois fois
plus qu'à Paris. De part l'ouverture de ses nouveaux casinos, le Strip, la plus longue
avenue de Las Vegas, ressemble désormais à un de ces sites d'expositions coloniales
organisées au début du siècle en France et en Angleterre. En marchant dans cette
avenue, vous passez de New York (le New York-New York) à l'Egypte (le Louxor), |
L'HÔTELLERIE n° 2632 Hebdo 23 Septembre 1999