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Restauration
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Les restaurants de plages

Contestés mais prisés des touristes

Vaste sujet remis "à la une" par l'affaire de la paillote incendiée au sud de la baie d'Ajaccio, le restaurant de plage est régulièrement un sujet controversé. Activités occultes, établissements dits précaires, concurrence gênante pour les restaurateurs... les autorités ne savent plus comment gérer ce dossier. Mais faire disparaître ces établissements reviendrait à priver bon nombre de touristes d'une restauration les pieds dans l'eau.

Les restaurants de plages vivent dans un monde relativement discret, opaque et inconnu. D'ailleurs, l'appellation "restaurants de plages" est inexacte au dire des administrations. Pour être juste, il faut parler d'établissements de plage où la restauration n'est officiellement qu'une prestation annexe parmi d'autres fournies par le plagiste. Cependant quand l'addition d'un repas prend des allures d'un étoilé Michelin, l'aspect secondaire de la restauration peut être remis en cause. De plus, ces paillotes (le mot est devenu célèbre), construites au départ de manière à être démontées à chaque fin de saison, ont pris des allures plutôt définitives. Parfois bétonnées ou maçonnées, elles n'ont plus rien de précaire. La loi "littoral" du 3 janvier 1986 a posé le principe fondamental du libre accès des piétons aux plages et de leur libre usage par le public. L'écologie et les notions de liberté de circulation, voire d'égalité devant la loi, deviennent priorité et ces cabanons, qui ont fait le bonheur et la réputation de certaines communes sont désormais régulièrement montrées du doigt. Mais, comment sanctionner des exploitants qui durant des années ont profité de la tolérance, voire du laxisme des municipalités ?

Adaptation de l'offre

Les établissements de plages tels qu'ils sont à l'heure actuelle, n'ont plus rien à voir avec leurs ancêtres. Au départ, ils connaissent leur essor après la deuxième guerre mondiale sur les sites à la mode, et notamment sur la Côte d'Azur où les municipalités souhaitaient favoriser l'économie touristique. Une clientèle internationale, très en vue et argentée, constituait une source non négligeable de profit et il fallait la choyer. Etre plagiste consistait à disposer quelques chaises longues et des parasols sur le sable et à assurer la location de cabines ou des leçons de natation. Au regard du succès, ces établissements ont proliféré et certains, comme le Club 55 à Saint-Tropez, se lancèrent dans l'aventure sur un quiproquo. Une paillote tout juste aménagée fut prise pour une guinguette par Vadim et son équipe en repérage pour le film "Et Dieu créa la femme". Les propriétaires n'osèrent démentir et offrirent à boire. Plus tard, la clientèle s'est fait de plus en plus demandeuse de services annexes. Un espace de restauration s'est avéré indispensable. "Ce n'est pas l'offre qui a créé la demande mais bien l'inverse, explique Pierre Meynial, président du Syndicat des plagistes du Var. La clientèle qui venait passer sa journée à la plage souhaitait pouvoir prendre un verre ou manger un morceau sans être contrainte de s'habiller. Traverser la rue était au-dessus de leur force surtout quand on a les moyens de se faire servir." Au départ, les élus municipaux ne voyaient pas d'un mauvais œil cette évolution, qui avait même plutôt tendance à donner une image haut de gamme à leur station balnéaire. Les communes ont trop souvent fermé les yeux sur certaines irrégularités. D'où un effet boomerang et l'application de la loi actuelle transforme parfois les plagistes en victimes. Car en théorie, d'après les textes, rien ne leur appartient. Certains ont pourtant acquis des plages très chèrement sur la base d'un chiffre d'affaires, comme on reprend un fonds de commerce d'un restaurant. Mais, on sait au moins qu'à la cessation de l'activité, toutes les installations iront théoriquement dans le giron de l'Etat et les exploitants ne récupéreront pas leur mise de départ. Car les plages appartiennent à l'Etat et sont concédées aux communes.

Un réseau fermé

Mais, malgré les textes, dans la pratique, peu nombreux sont les plagistes qui ont été destitués de leurs biens. Pour reprendre une plage dite privée, les candidats doivent en faire une demande officielle auprès de la commune. Le premier critère d'attribution d'un contrat de sous-traitance est l'expérience professionnelle dont bénéficie le demandeur. Cela démontre un peu que la commission, chargée de statuer, se base sur des éléments beaucoup plus subjectifs qu'objectifs. "J'aimerais bien exercer sur la Côte d'Azur mais sans relation, autant renoncer tout de suite", se désole un plagiste situé sur la côte ouest de la France. Ces établissements font tellement partie du paysage qu'ils sont quasiment préservés par les autorités locales et réservés parfois à des "ayants droit". De même les employés municipaux tentent d'étouffer les rumeurs telles que l'économie souterraine, le blanchiment d'argent qui ont fait bien des gorges chaudes dans l'opinion, à tort ou à raison. Ils parlent abondamment du zèle des fonctionnaires de la répression des fraudes et de la gendarmerie qui aiment à contrôler un milieu actuellement dans la ligne de mire. Ces débarquements et contrôles intempestifs auraient eu un effet dissuasif, selon eux et auraient permis d'assainir la profession. Quant à savoir quel est le chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble du secteur, c'est encore chose impossible, car il n'existe de statistiques que sur certains sites rares. A titre d'exemple, les 30 établissements de la plage de Pampelonne réaliseraient un chiffre d'affaires annuel de 200 millions de francs. Mais la baie de Saint-Tropez est l'endroit le plus convoité et probablement le plus rentable de la côte en raison de son passé médiatique. Il n'est donc pas possible d'en tirer une moyenne nationale par extrapolation. Le nombre exact de plagistes est par ailleurs méconnu, lui aussi. Ils seraient plus de 400 entre le Var et les Alpes-Maritimes, mais ce n'est qu'une estimation. A ceux-là s'ajoutent ceux du Languedoc-Roussillon, de la côte Atlantique et du Nord. Au début de l'été deux paillotes sur des plages tropéziennes ont été démolies, dont le Barfly qui avait connu un succès remarquable l'été dernier.

Plutôt fourmi que cigale

La répartition du chiffre d'affaires entre la restauration et la location de matelas varie d'un établissement à un autre. L'activité location de matelas-parasols est assez rentable, malgré l'investissement de départ. On peut ajouter parfois les locations de pédalos et autres planches à voile. Quant à la partie restauration, on suppose de bons profits. Alors que les exploitants se disent beaucoup plus préparateurs de snacks que restaurateurs gastronomiques, les prix pratiqués laissent supposer que c'est un grand chef qui tient les fourneaux. Dans certains restaurants, le prix moyen couvert atteindrait facilement de 250 à 350 francs. Le plagiste n'est pas un restaurateur qui souhaite exercer son métier les pieds dans le sable. L'exploitant de plage est avant tout un sportif et un prestataire aux multiples activités. L'été, il s'occupe de sa plage, l'hiver, c'est parfois un moniteur de ski ou un crêpier à la montagne. Rares sont ceux dont le revenu leur permet de ne travailler que 6 mois par an. De plus, ils sont peu nombreux à bénéficier d'une tolérance de la mairie pour que la partie restauration fonctionne toute l'année. La DDE impose en principe que le domaine public soit rendu au public et tout ce qui est démontable doit être en principe enlevé de la plage passée la saison estivale.

Cohabitation difficile

Dans les stations balnéaires, plagistes et restaurateurs ne font pas forcément bon ménage. Ces derniers prétendent que ces espaces de restauration au ras de l'eau leur causent du tort. Les plagistes, quant à eux, affirment que la clientèle est simplement fidèle à la plage et au soleil. La disparition de ces paillotes n'inciterait pas les touristes à se rendre davantage dans les restaurants des stations, mais plutôt à préparer un pique-nique, affirment les défenseurs des établissements de plages. "Nous considérer comme des concurrents revient à considérer qu'un chausseur et un magasin de prêt-à-porter sont ennemis. Nous sommes complémentaires et ne faisons que satisfaire deux attentes distinctes", explique Pierre Meynial. Bien qu'ils essuient de nombreuses critiques, ces établissements ont contribué à l'image de la France et les supprimer frustrerait des pans entiers de vacanciers, notamment. On peut donc penser que la future disparition des restaurants de plages n'est pas pour demain, pour le bonheur de leurs exploitants, en attendant une législation plus adaptée à la réalité.

M.-L. Estienne

L'attribution des plages

Depuis 1974, l'Etat loue son domaine maritime à des concessionnaires, des mairies qui peuvent donner à des sous-traités une partie de la concession* en exploitation. La concession est généralement signée pour 15 ans mais les contrats de sous-traités varient entre 3, 5 ou 9 ans, selon le montant d'investissements réalisés par l'exploitant. Les critères d'attribution sont généralement qualitatifs :

1. Expérience professionnelle en termes d'exploitation d'établissements de plage.

2. Projet de service rendu au public.

3. Montant de la redevance proposée pour l'occupation du domaine public.

4. Montant d'investissements prévu pour l'aménagement et l'embellissement du lot de plage.

Le contrat de sous-traité ne bénéficie pas de tacite reconduction mais bien d'un nouvel appel d'offres à expiration dudit contrat. En aucun cas l'exploitant ne peut prétendre à la vente d'un quelconque fonds de commerce, car il n'y a pas de bail commercial sur le domaine public. Au terme de la durée définie dans le contrat, tout ce qui a été mis sur le domaine public appartient officiellement à l'Etat. Le contrat de sous-traité et attribué à titre personnel, est précaire et révocable.

* Concession : contrat d'occupation du domaine public.

Les plages en chiffres

* 5 533 km
de côtes

* 1 948 km
de plages naturelles (sable et galets)

* 326 km
de plages concédées aux communes

* 165 communes concessionnaires de plages

 
Chez Francis, Corse.


L'HÔTELLERIE n° 2625 Hebdo 5 août 1999

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