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A la loupe
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L'organisation, le personnel et les clients

Les bonheurs de Sophie

Pour Sophie Meissonnier, la restauration c'est plus qu'un métier, c'est une passion, presque une raison de vivre. Chaque service est une fête, chaque client est un roi et chaque jour un nouveau bonheur. Cette passion, elle la met au service des clients de Leï Mouscardins à Saint-Tropez, chez Laurent Tarridec.

Elle avait 2 ans quand ses parents ont acheté leur restaurant à côté d'Avignon. "A trois ans, elle faisait déjà le tour des tables et demandait aux clients s'ils étaient satisfaits... elle voyait sa mère faire, alors déjà, elle s'impliquait", se souvient son père. Elle sait tout depuis toujours des odeurs de cuisine, des coups de feu, des coups de gueule du chef... Plus rien ne l'impressionne, elle a dépassé depuis longtemps ce stade, ce qui la passionne Sophie et ce qui l'a toujours motivée pour mieux faire, pour aller plus loin, ce sont "les gens" comme elle dit, les clients, le personnel et l'équipe.
Elle prévient : "Avec mon père, on doit avoir le même caractère alors c'est toujours explosif dans nos relations. On est chien et chat, mais sur le plan professionnel, quand j'ai besoin d'y voir clair, c'est à ses côtés que je trouve ma voie, c'est lui qui me conseille, et ensuite c'est à moi de me débrouiller seule. Ça a toujours été comme ça et c'est très bien." Son père rajoute : "On est très proches l'un de l'autre, mais c'est vrai que l'on se dit les choses comme elles viennent. Avec le temps, elle a mûri et compris beaucoup de choses."

Un tour du monde
Son parcours est impressionnant. Après avoir terminé sa formation dans une école hôtelière, elle rentre chez elle et Paul-Louis Meissonnier, son père, la prévient : "Maintenant, tu dois te débrouiller, tu dois partir faire tes armes, découvrir ton métier. Va apprendre l'anglais." Message bien reçu. Sophie quitte le giron familial pour Londres. Au Connaught, elle trouve un poste de femme de chambre. Qu'à cela ne tienne, elle sera femme de chambre avant de se voir confier un poste en réception et de partir au Hilton.
"Je n'ai pas du tout aimé cette hôtellerie anglaise : le client n'y est pas assez considéré." Elle maîtrise de mieux en mieux la langue de Shakespeare ; aussi décide-t-elle d'aller plus loin encore et s'envole pour l'Australie. A Melbourne, à l'hôtel Windsor, elle passe en cuisine puis en salle où elle est rapidement promue assistant manager. Une petite année qui lui a laissé d'excellents souvenirs : "J'ai adoré l'ouverture d'esprit des Australiens", explique-t-elle, mais ça ne suffit pas à la satisfaire. Depuis longtemps elle rêvait d'Asie alors... c'est à Tokyo, à l'hôtel Okura (2 000 employés pour 1 000 chambres), qu'on la retrouve, seule Européenne travaillant dans l'hôtel. Elle passe de la réception au service marketing, André Pachon lui paye ses premiers cours de japonais. La vie est loin d'être facile : elle habite à 2 heures de l'hôtel, découvre une autre culture mais Sophie ne regrette toujours pas d'avoir quitté la France : "J'étais partie pour mieux connaître les gens, avoir plus d'humilité, savoir que dans la vie il n'y a pas que soi, savoir aussi qu'en hôtellerie-restauration, il n'y a pas que les Français qui font bien et puis je voulais apprendre techniquement des choses qui n'existaient pas en France : l'organisation de très grandes manifestations."
Autant dire qu'à tous points de vue Sophie aura été servie au pays du soleil levant : le chef la prend en cuisine avec 400 cuisiniers, elle apprend à travailler sur des cocktails de 6 000 couverts : "En cuisine, personne ne parle... Au Japon, quand on entre dans un hôtel, on rentre dans une famille, alors j'ai fait comme eux." Elle apprend le contrôle d'elle-même, la gymnastique collective en meeting. Pour les 25 ans de l'hôtel, on lui demande d'organiser la venue des chefs étrangers : en 56 semaines, elle accueille et organise la communication, la promotion de 54 chefs français. Une expérience inoubliable mais il est temps de faire le point avec son père. "Maintenant que tu as fait l'Asie, conseille-t-il, va voir en Amérique."
Et Sophie traverse l'Atlantique. Bien sûr, elle rencontre des difficultés pour obtenir sa carte verte. Après être restée à New York au Pierre, elle contacte Accor et immédiatement John Lehodey l'envoie à Chicago où elle a une mission sur le restaurant français du Sofitel. Tout se passe à merveille. Sophie a fait son trou.

Retrouver les siens
Le temps coule, et Sophie se marie avec un Français. C'est le retour en France. Un peu une douche froide ce retour pour elle qui trouve un poste au Gray d'Albion à Cannes : en France, on ne communique pas comme aux Etats-Unis dans les hôtels : "Pas de communication entre les gens, jamais de médiateur pour régler les problèmes, les gens ne respectent pas les règles." L'Amérique est bien loin, alors Sophie essaye de mettre en place au sein de son équipe tout ce qu'elle a appris au cours de ses voyages. Et ça marche plutôt bien. Après la Côte d'Azur, on la retrouve en Suisse pour suivre son mari mais quand ils se séparent plusieurs années plus tard, il n'y a rien pour elle à Avignon. Alors, 10 ans après avoir quitté les Etats-Unis, elle y retourne. A San Francisco, Accor lui confie une mission : "Redonner un goût et un esprit français à la restauration des hôtels." Là encore, elle a beaucoup appris : "A me modérer, à davantage écouter les autres, à jouer le médiateur, à prendre le temps de parler des problèmes." Mais au-delà de l'aspect humain, les choses sont là aussi allées très vite en matière de résultats : en 8 mois, le CA a augmenté de 30 %, les lieux sont vraiment devenus français. Après San Francisco, on lui demande de faire la même chose à Miami, à Los Angeles et Sophie continue dans un tourbillon jusqu'à ce jour où le téléphone sonne qui lui apprend le décès de sa mère. C'est un signe. Il est temps pour elle de faire le point sur sa vie. Elle est française, ses amis sont restés en France alors elle décide de rentrer chez elle, vivre auprès des siens.
Janvier 1998 : elle est en France et elle cherche du travail. Certaine d'en trouver très vite, elle déchante : Sophie fait peur, elle est une femme trop qualifiée... Alors, au bout d'un certain temps, elle comprend qu'elle ne doit pas répondre aux annonces mais que c'est à elle d'attaquer. Un jour, elle ouvre L'Hôtellerie et découvre que Laurent Tarridec a repris Leï Mouscardins à Saint-Tropez. Elle ne le connaît pas, mais elle lui écrit : "Je suis sûre que vous avez besoin d'une femme comme moi." Tarridec est un peu surpris de la démarche mais il demande à la rencontrer, mi-étonné mi-amusé par le personnage. Il la teste, il vient d'ouvrir en pleine saison, c'est "le jus", il ne peut pas être partout. "Vous êtes disponible quand ?", demande-t-il. La réponse est claire : "Tout de suite." Affaire conclue. En trois jours, elle a trouvé une chambre et est en poste : "Je remercie Tarridec, il m'a permis de montrer que moi aussi en France j'avais ma place. J'ai repris confiance grâce à lui. Je n'avais plus ma mère, je n'avais plus mes marques, grâce à lui, je les ai retrouvées."

Les deux font la paire
De toute évidence, le tandem fonctionne à merveille. Laurent Tarridec est serein, il a toute confiance en elle, elle l'admire, le met en valeur, parle de son talent. "Le chef", dit-elle en parlant de lui, elle le protège. "Tarridec a beaucoup de chance d'avoir Sophie en salle, explique Sylvain Ercoli, directeur du Byblos. Elle a su donner en salle la réplique à l'excellence de l'assiette."
Sophie Meissonnier et Laurent Tarridec ont entamé leur seconde saison. "On peut maintenant vraiment former une équipe : il faut savoir s'entourer de gens qui vont au charbon et qui fonctionnent comme toi, mais c'est à toi de donner le ton et de toujours communiquer pour faire toujours mieux", explique Sophie.
"C'est le meilleur directeur de salle que je connaisse, explique Sylvain Ercoli. Cette femme rassure, elle allie sympathie et élégance. C'est quelqu'un de vrai, de professionnel. A la première visite, vous avez le sentiment d'être un vieux client de la maison ; rien ne lui échappe, elle a toujours le mot juste pour tous, elle s'intéresse aux gens, elle crée une ambiance apaisante et chaleureuse, tous les clients sont des VIP avec elle. Elle mérite de très gros applaudissements ! C'est une perle rare Sophie. Si un jour elle quitte Tarridec, je l'embauche tout de suite", prévient-il.
De toute évidence, Sophie veut faire encore un bout de chemin avec celui qu'elle ne sait appeler que "le chef" ; elle va persévérer pour qu'il soit encore plus reconnu. "C'est un homme d'une créativité extraordinaire, il a un pouvoir d'imagination hors pair, un sens de l'organisation fabuleux et une très grande sensibilité. La ville de Saint-Tropez ne s'est pas encore rendue compte de tout ce que Tarridec pouvait lui apporter." Autant dire que pour elle, ce n'est pas une étoile qu'il mérite mais 2 et... pourquoi pas 3. En attendant, quand elle évoque le coup de fil de Michel Saran le 1er mars à 8 h 50 pour annoncer l'attribution d'une étoile à Tarridec, Sophie en a encore les larmes aux yeux : au service du chef, l'équipe avait gagné !
"Peut-être qu'un jour j'aurai mon affaire, se confie-t-elle, mais je demanderai conseil à Tarridec." C'est bien ce que lui conseille son père là encore. "Il faut qu'elle reste chez Tarridec encore quelques années, c'est un cuisinier très talentueux, très prometteur. Il a eu l'intelligence de comprendre Sophie. C'est une femme de terrain : le contact client, elle adore ça, elle a depuis toujours ce métier dans la peau. Elle connaît tout en cuisine comme en salle. Mon rêve secret serait de la voir un jour trouver le compagnon avec lequel elle pourrait elle aussi avoir sa propre maison. En attendant, moi, je suis fier de ma fille, elle est formidable et je n'ai pas honte de le dire."
Quel plus bel hommage d'un père à sa fille ?...
PAF


"Cette femme rassure, elle allie sympathie et élégance. C'est quelqu'un de vrai, de professionnel. "


L'HÔTELLERIE n° 2623 Hebdo 22 Juillet 1999

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