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A la loupe
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Jean-Paul Arabian

Un tourbillon d'idées

D'un dynamisme à toute épreuve après 40 ans de métier, Jean-Paul Arabian pense encore et toujours à améliorer ses prestations. Chez Pierre au Palais Royal à Paris, jusqu'à minuit, les clients peuvent passer commande tout en offrant des fleurs...

Lorsque Jean-Paul Arabian rachète, il y a deux ans maintenant, le restaurant Pierre au Palais Royal, au cœur de la capitale, il sait que l'affaire tourne gentiment mais que le potentiel est là. Tout autour, la Comédie Française, le Théâtre du Palais Royal, l'Opéra, la Michodière... et une clientèle qu'il serait bien intéressant de capter à l'heure du souper. "Nous sommes un des rares restaurants étoilés à servir jusqu'à minuit", dit Jean-Paul Arabian. Si les soupers peuvent lui permettre une belle marge de progression (d'une quinzaine de couverts aujourd'hui, il espère atteindre la trentaine d'ici trois ans), encore faut-il que les clients potentiels sachent que le restaurant est ouvert. Le bouche à oreille fonctionne, mais Jean-Paul Arabian l'a aussi judicieusement inscrit en devanture. Sur le nouveau store jaune, on peut lire "dîner après spectacle" et une affichette précise qu'il est possible de ne prendre qu'un plat. A minuit, les clients mangent "léger", il faut les rassurer. Mais pourquoi se limiter ? Dès 19 h, toute l'équipe est sur le pont pour accueillir la clientèle d'avant-spectacle et les nombreux étrangers habitués à dîner de bonne heure, bien contents de trouver une table de qualité qui leur tend les bras.

Apporter sa touche personnelle
"Ce n'est pas parce qu'on change de propriétaire qu'il faut tout changer", disait Jean-Paul Arabian à l'époque de l'ouverture, expliquant qu'il souhaitait simplement y apporter sa touche personnelle. Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, en deux ans, l'affaire a évolué sans bouleversement spectaculaire, sans perdre ses habitués, mais avec une foule de détails qui font la différence. Le dernier bilan au moment de la reprise faisait état de 3,50 MF de chiffre d'affaires, Jean-Paul Arabian affiche, lui, 8,70 MF et assure atteindre l'équilibre dès cette année. Le restaurant approche la centaine de couverts/jour pour une capacité de 90 places. Le fonds lui a coûté 1,50 MF. Quant à l'aménagement du restaurant, il a nécessité un investissement de l'ordre d'un million de francs.
Décor de restaurant traditionnel, murs beiges avec des tableaux, banquettes et nappes blanches. Pour Jean-Paul, le cadre "chaleureux, rassurant, avec des tables pas trop serrées mais aussi pas trop espacées pour permettre la convivialité" est un atout. Seuls les rideaux et les banquettes nécessitent un petit rajeunissement. Dans la salle, le changement le plus spectaculaire, c'est la lumière superbement tamisée obtenue grâce à de nouveaux... abat-jour ! Un petit truc à l'investissement minimal qui sera même salué dans les colonnes du magazine Vogue : "La texture de la lumière (couleur vanillée, densité subtile) prend carrément, ici, valeur de cosmétique."

Restaurant-fleuriste
En 1998, c'est un vrai changement qui le met sous le feu des projecteurs alors qu'il rachète le commerce jouxtant son restaurant : un magasin de fleurs. Une petite boutique où il entend créer une nouvelle entrée avec bar et table d'hôtes. Catherine Feff, une amie décoratrice, lui suggère de conserver cette activité. Après mûres réflexions, cette "originalité" lui apparaît comme une évidence. Aujourd'hui, c'est un chemin de fleurs que les clients empruntent pour gagner la salle de restaurant. Ils sont ravis, les dames sont conquises. L'entrée-boutique attire aussi tous ceux qui sont en recherche de fleurs pour se rendre à un dîner. "Et trouver des fleurs jusqu'à minuit, c'est pas simple !", explique le restaurateur-fleuriste du Palais Royal.
Côté cuisine, Jean-Paul Arabian a décidé de conserver les plats préférés des habitués ("des plats qui rassurent") : les Quenelles de brochet gratinées à la lyonnaise, le Foie gras de canard en escalope poêlée, figues confites aux épices. Tout en confiant au chef David Frémondière (ex Bristol), au chef pâtissier François Benot (ex Restaurant à Lille, Ledoyen) et au second Franck Leman (ex Ledoyen), le soin de confectionner des plats nouveaux, une cuisine du marché qui permet à la carte éditée chaque jour d'évoluer. Comme curiosités, les Spaghettis aux palourdes et le Risotto à la milanaise, parce que les clients en redemandent. Une carte à prix fixes, facile à décrypter, ce qui plaît à la clientèle : les entrées sont à 65 F, viandes et poissons à 120 F et les desserts à 50 F. Lorsque Jean-Paul Arabian a repris l'établissement, le ticket moyen tournait autour de 400 F. Pas assez compétitif, il décide de sérieusement le baisser pour atteindre un rapport qualité/prix commercialement attractif pour un établissement arborant une étoile Michelin. Cela demande de gros efforts, mais aujourd'hui le ticket est à 330 F. Un choix stratégique payant. Bien sûr, dans le même temps, les effectifs sont passés de 19 à 14 personnes. "Je n'ai pas réembauché et je peux dire que ça me coûte cher physiquement parce que je retrousse sérieusement les manches. Mais quand on lance une affaire, on en bave. C'est le prix à payer."
Dans son établissement, Jean-Paul Arabian est omniprésent. La qualité et la personnalisation de l'accueil n'ont pas de secret pour lui. Le service tout autant que la cuisine forgent les réputations et les succès. "Nous offrons un service bon enfant comme les gens veulent. Ici, on n'a pas de pin up mais des serveuses en tablier blanc qui jouent les mamans, qui cocoonent les clients, dit-il avec vigueur. Un accueil chaleureux, amical, pas guindé du tout. Qu'on leur change le cendrier toutes les trois secondes, ce n'est pas ce qui prime." A ses côtés en salle, les deux "mamans", Danièle (10 ans d'ancienneté) et Marie-Claude (20 ans Chez Edgar).
Depuis près de 40 ans maintenant, Jean-Paul Arabian accueille ses clients le sourire aux lèvres. C'est à 13 ans et demi qu'il effectue sa première saison. L'adolescent a déjà la passion du métier. "Pour réussir dans ce métier, il faut aimer la race humaine, aimer faire plaisir", une qualité innée qu'il met à profit dans ce premier job de commis barman au Casino du Palm Beach de Cannes. Il est heureux. Il a trouvé sa voie.
"J'ai tout fait : commis, demi-chef de rang, chef de rang. On faisait tout, le ménage, on préparait les fleurs, la cave, c'est comme ça qu'on apprend son métier. J'ai même été sommelier pendant une saison dans un restaurant trois étoiles, l'Oasis à La Napoule chez Outhier en 1969." De 1971 à 1974, il croise Chaplin, Jacky Kennedy, la Callas, même Bokassa chez Maxim's où il officie en tant que maître d'hôtel. Puis il multiplie les places avant de s'engager comme steward sur Alitalia pour faire le tour du monde. Petite précision : Jean-Paul parle couramment anglais, arménien, grec et italien. Un atout qui lui sert tous les jours.

Du Restaurant à Ledoyen
De retour après cette petite escapade d'une année, il rejoint sa mère à Lille et y travaillera pendant trois à quatre ans avant de se décider à s'installer. "J'ai monté un petit restaurant qui est devenu la plus grande table de la région en 5 à 6 ans." Le Restaurant, c'est son nom, a ouvert ses portes à Lille en 1980. En 1981, Ghislaine (future Mme Arabian) vient dîner au Restaurant et prend en main les fourneaux. Le couple rencontre le succès (deux macarons Michelin), fonde une famille (Julien et Margaux) et en juillet 1992, Vivendi leur propose de relancer Ledoyen à Paris. Jean-Paul ferme le Restaurant en un mois et l'affaire sera vendue deux ans plus tard. En attendant, le nouveau directeur général de Ledoyen et le nouveau chef, Ghislaine, bien sûr, relèvent le gant. Ledoyen retrouve son lustre et deux nouvelles étoiles couronnent le duo. Cinq ans plus tard, le bouillonnant Jean-Paul décide de se réinstaller à son compte, ce sera Pierre au Palais Royal.
Et l'avenir, des projets ? La création d'un salon d'une vingtaine de places en sous-sol est à l'étude. Pour la suite, Jean-Paul Arabian donne des pistes : "J'ai 52 ans. Cette affaire devrait être payée d'ici 5 à 6 ans et c'est vrai que j'aimerais bien retourner dans le Midi, y reprendre une affaire sympa sur les hauteurs de Cannes, parce que c'est mon pays. Je peux dire aussi que Ledoyen me manque. C'est vrai qu'après avoir dirigé Ledoyen qui était une affaire colossale... Alors, pour le moment, je me verrais bien ouvrir un autre Pierre à Paris, toujours avec des fleurs bien sûr."
N. Lemoine


"Je me verrais bien ouvrir un autre Pierre à Paris, avec des fleurs bien sûr."

14/10/ 1947 : Naissance à Cannes
1960 : Casino du Palm Beach à Cannes
1969 : L'Oasis à La Napoule
1971 : Maxim's à Paris
1980 : Le Restaurant à Lille
1992 : Ledoyen à Paris
1997 : Pierre au Palais Royal à Paris

L'HÔTELLERIE n° 2622 Hebdo 15 Juillet 1999

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