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A la loupe
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Rennes

Isabelle Laperche, véritable chef d'orchestre

A 31 ans, Isabelle Laperche dirige sur Rennes depuis maintenant 6 ans l'hôtel Mascotte 3 étoiles et son restaurant. Directrice d'hôtel à 21 ans, comment cette mère de deux enfants arrive à concilier vie professionnelle
et vie privée
? Portrait...

Contactée au Mitcar par un tour-opérateur désireux d'organiser un circuit sur la Bretagne, Isabelle Laperche doit trouver un plus pour remporter le marché. Elle réfléchit et se lance : "Je vous propose une soirée à thème sur la Bretagne avec costumes..." et le tour-opérateur de répliquer : "Très bien mais il me faut aussi des musiciens !" "Et là je me dis, mais où est-ce que tu t'embarques ! Où vas-tu trouver des costumes et surtout les musiciens, c'est trop cher ! Alors je lui dis OK ! C'est moi qui vais faire la musique, de l'accordéon. Et hop j'ai eu le contrat." Et voilà la directrice de l'hôtel contorsionnant l'accordéon pour les clients tous les jeudis soirs en juillet et août, rentrant chez elle parfois à minuit... Cette anecdote donne quelques traits de la personnalité de cette femme de 31 ans, directrice de l'hôtel Mascotte 3* et du restaurant Cap Malo, situé à Saint-Grégoire près de Rennes. Une passion folle pour la musique, un professionnalisme hors pair et un investissement de tous les instants, "même si, aujourd'hui, j'ai appris à relativiser dans ce métier et que je ne recommencerais pas ce concert d'accordéon", lâche-t-elle levant les yeux au ciel.
Pourtant, l'hôtellerie a failli ne pas profiter des talents de cette costarmoricaine. "Je voulais en fait devenir professeur de musique, confie-t-elle. Mais c'était un milieu assez spécial, surtout pour quelqu'un qui habite dans un petit bled." Aurait-elle habité une grande ville qu'elle ferait certainement chanter aujourd'hui le piano et l'accordéon. "Mon autre choix était l'hôtellerie." Tout simplement dit-elle, parce "j'aime les gens, j'ai toujours aimé discuter". Les deux pianos, avec et sans bretelles, attendront donc les temps libres "les week-ends, les soirées entre amis..." L'hôtellerie a gagné quant à elle une grande professionnelle, initiée très tôt.

Directrice à 21 ans
A 15 ans, la voici qui quitte sa Bretagne natale pour l'école hôtelière de Saint-Quentin-en-Yvelines, "pour l'option hébergement". TGV, métro, Paris... "Je vous assure que cela vous débrouille vite !" BTH puis BTS (par la suite à Dinard) en poche avec au passage un premier prix de gestion, elle n'a pas 21 ans lorsqu'on lui confie la direction d'un Climat de France de 42 chambres. "Olala ! Lorsque je m'imagine ça aujourd'hui je me dis qu'il y avait tant de choses que je ne connaissais pas ! Et puis à 21 ans, diriger une équipe plus âgée, c'est pas facile", sourit-elle. Son travail enchante sa hiérarchie qui lui confie l'ouverture d'un second Climat sur Saint-Brieuc. "En pleine saison, j'ai dû recruter le personnel au dernier moment..." Souvenir assez douloureux des incessants allers-retours entre les deux préfectures, des problèmes techniques inhérents à l'ouverture... Isabelle tient les deux hôtels pendant 18 mois et "au final, j'en avais ras-le-bol ! Fatiguée, je me suis dit : change de voie". Métier ingrat, l'hôtellerie voit alors partir l'un de ses professionnels. Mais métier passionnel, "je n'ai pas pu en faire le deuil et j'y suis rapidement revenue".
Une candidature spontanée lui ouvre en 1993 les portes de l'hôtel Mascotte 3 * et, deux ans plus tard, de son restaurant Cap Malo. Bel établissement (franchisé Sofibra) de 48 chambres relié à un aquatonic voisin et situé sur un parc d'activité à l'entrée de l'axe Rennes/Saint-Malo, "ce qui, l'été, nous fait profiter en premier du trop plein malouin ! Et toute l'année de la clientèle d'affaires". Le TO, qui a gagné 12 points en 4 ans, atteint cette année 67 % pour une activité restauration de 20 000 couverts par an (ticket moyen 120 F). Une belle affaire donc, dans laquelle évolue une jeune équipe de 19 personnes dont 14 femmes. "Oui, sourit-elle, je trouve que dans ce métier, les femmes sont parfois plus rigoureuses." Ce qui prévaut néanmoins ici est l'état d'esprit, la mentalité, "ce sur quoi je m'appuie pour recruter. Il faut de bons rapports humains dans une affaire, c'est essentiel. Etre sérieux mais relativiser et prendre la vie du bon côté. Et une bonne communication évite bien des problèmes, c'est la clé de la réussite".

"Je ne vois pas beaucoup mes enfants..."
Maintenir la bonne humeur afin qu'elle rejaillisse sur le client. L'affaire n'est pas mince ! "Ce qui me mine le plus ce sont tous les petits problèmes techniques qui prennent énormément de temps. Et l'amplitude horaire de 7/8 heures à souvent 21 heures ! A l'heure du déjeuner, il faut que je sois là pour le relationnel. Les clients aiment bien être reconnus... En fait il faut être partout ! J'aime d'ailleurs ce côté polyvalent." L'hôtellerie demande une présence de tous les instants. Pas facile ! Et encore moins lorsque l'on est une femme dont le mari n'a rien à voir avec l'hôtellerie - "il est ingénieur commercial, alors vous voyez !" - et que l'on a deux enfants. Le matin, avant d'arriver à l'hôtel, Isabelle accompagne Pauline, 5 ans, à l'école et Louis, 7 mois, chez une nourrice. "Le soir, j'ai quelqu'un à la maison. Mais je crois que mes enfants sont compréhensifs, enfin Pauline ! rigole-t-elle. Elle est contente de dire que sa maman tient un hôtel ! C'est vrai que je ne les vois pas beaucoup. Et en ce moment, c'est assez dur puisque mon fils ne fait pas encore ses nuits ! Mais le matin j'arrive toujours à la même heure ! Je n'ai jamais confondu les choses, c'est mon problème, j'assume." Alors cette vie familiale prend toute sa mesure le week-end, sacré pour Isabelle qui ne travaille pas le samedi ni le dimanche. "Le restaurant est fermé. Je ne suis pas indispensable et j'ai appris à déléguer !"
Dans quelques mois, le Mascotte entreprend des travaux d'agrandissement, 25 chambres en plus, 250 m2 de salles de réunion etc. Un investissement de 7 MF. Une période assez difficile s'annonce donc mais Isabelle se veut confiante : "On va gérer. Et cette échéance s'annonce comme un nouveau pari", qui lui fait peut-être moins penser à son imaginaire hôtel "bureau" de caractère sur les bords de la Rance. On l'imagine avec un piano dans l'entrée. Décidément cette femme aime l'hôtellerie mais "je ne le conseillerais pas à mes enfants. C'est un métier de fou".
O. Marie


"Je voulais en fait devenir professeur de musique."


Une belle affaire donc, dans laquelle évolue une jeune équipe de 19 personnes dont 14 femmes.


L'HÔTELLERIE n° 2618 Hebdo 17 Juin 1999

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