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Gastronomie et santé

Vers plus de concertation entre Euro-Toques et le Parlement européen

Aliments transgéniques, viandes aux hormones, aliments irradiés... Tous ces produits arrivent à grands pas sur le marché. Ils inquiètent les chefs d'Euro-Toques qui entendent bien résister aux lobbyings industriels et scientifiques. Quelle est la position du Parlement européen à propos de ces nouveaux produits et ces nouvelles technologies ? Pour en savoir plus, Euro-Toques a interrogé le Professeur Christian Cabrol qui dirige l'intergroupe Alimentation et Santé au Parlement européen.

A propos des OGM
Bernard Fournier, président d'Euro-Toques France :

Euro-Toques est contre les OGM, de l'étable à la table. Nous sommes d'ailleurs en train de mettre en place une charte de confiance qui nous engagera vis-à-vis de nos clients. Mais pour cela, il nous faut savoir si les produits que nous cuisinons ont été fabriqués ou non à partir d'OGM ou bien si la viande ou le foie gras de canard sont issus d'animaux nourris ou non avec du maïs ou du soja transgéniques. Il faut aussi distinguer les manipulations génétiques qui ont pour objectif de rendre un produit meilleur de celles qui ont pour objectif de rendre les végétaux résistants à l'attaque des insectes. Allez-vous Professeur Cabrol, vous opposer aux OGM ?

Professeur Cabrol président de l'intergroupe Alimentation et Santé à la Commission de Bruxelles :
On n'a jamais pris autant de précaution pour introduire de nouveaux éléments sur le marché. Et pour décider si on doit ou non accepter ces produits en France, il faut s'appuyer sur le principe de précautions, c'est-à-dire, bien mesurer les avantages et les inconvénients. Les OGM peuvent être dangereux. Alors, attendons. Actuellement, les scientifiques n'ont pas noté d'effets nocifs sur la santé mais on ne sait pas quels seront leurs effets dans 10 ou 15 ans. Il faudra bien faire attention à l'étiquetage pour que ceux qui ne veulent pas consommer d'OGM puissent choisir. Mais à l'heure actuelle, les méthodes d'analyse ne sont pas assez fines. On s'appuiera plutôt sur un seuil de tolérance d'OGM dans les produits dits "sans OGM".

A propos de l'irradiation
B. F. : Il y a dix ans, Euro-Toques était favorable à l'irradiation (ou ionisation) sur les herbes, aromates et épices importés de pays lointains. Mais aujourd'hui la Commission européenne allonge la liste : fraises, papayes, mangues, fruits secs, céréales, fruits déshydratés, bulbes, crevettes, volailles, cuisses de grenouille... Elle doit présenter ses propositions le 31/12/2000 au Parlement européen. Or, l'irradiation affecte les goûts et tout particulièrement celui des graisses. La France, la Belgique et les Pays-Bas pratiquent l'irradiation depuis dix ans. La Suède et l'Allemagne refusent cette technologie. Les autres pays se situent entre ces deux attitudes. Je crois savoir que la Commission européenne veut étendre cette technologie. N'est-elle pas dangereuse pour la santé ? La commission européenne sait-elle qu'en irradiant certains aliments comme la pomme de terre par exemple, on limitera les recettes. Les pommes de terre irradiées au stade "de nouvelles pommes de terre" ne deviendront jamais de "vieilles pommes de terre" au goût différent et aux utilisations culinaires différentes ?

C. C. : Les scientifiques affirment que l'irradiation n'est pas dangereuse pour la santé. Quant aux effets nocifs sur le goût, je n'en avais jamais entendu parler. Pour les scientifiques, l'irradiation n'est pas une méthode pour rendre sain ce qui est malsain. C'est une méthode pour allonger le temps de conservation. Les parlementaires européens sont dans l'ensemble réticents à cette nouvelle technologie de conservation.

A propos de la viande américaine aux hormones
B. F. :
Euro-Toques demande à Bruxelles de résister face aux pressions américaines à propos de la viande aux hormones. Nous voulons avoir la possibilité de préserver un modèle européen de l'alimentation. Les hormones font grossir plus rapidement les bovins or, en Europe, nous sommes en surproduction de bœuf. Par ailleurs, la viande aux hormones est tendre et cotonneuse, sans goût et sans texture. Elle est "pisseuse" et se rétracte à la cuisson. La commission de Bruxelles attaquée par les Etats-Unis doit prouver que cette viande est dangereuse pour la santé humaine. Laxiste, elle a attendu février 1998 pour lancer 17 études scientifiques dont les résultats sont prévus pour cette année. En attendant les arguments scientifiques, le 25 mars dernier tous les ministres des Affaires étrangères sauf celui de la Grande-Bretagne sont tombés d'accord pour maintenir l'embargo voté il y a 6 à 7 ans. Les Américains ont rétorqué : si l'Europe n'accepte pas l'importation de viande américaine bien étiquetée (origine et présence d'hormones), les Américains augmenteront de 100 % les droits de douane de trente produits européens dont le foie gras, le roquefort, les marrons, les truffes, la moutarde. Nous pensons que le Parlement européen doit résister à ce chantage.

C. C. : La viande aux hormones est plus un problème économique qu'un problème de santé. Je ne crois pas qu'elle soit dangereuse pour la santé. Je ne pense pas que les scientifiques pourront démontrer sa nocivité. Ce n'est pas si facile que ça d'ingérer des hormones. Je pense qu'on ne pourra pas empêcher les importations de viande américaine aux hormones vers l'Europe mais on pourra imposer son étiquetage. Le Parlement envisage cependant de résister et il lui faudra trouver une méthode pour s'en tirer. L'Europe a droit à des dérogations dues à ses terroirs. La notion de terroir et la notion de patrimoine gastronomique peuvent être des arguments porteurs pour défendre nos particularités. Je pense donc que les chefs ont un grand rôle à jouer. Les députés européens sont pris entre les pouvoirs politiques, économiques et scientifiques. Je suis donc prêt à recueillir toutes vos inquiétudes et vos arguments. Les chefs doivent participer à tous les débats relatifs à l'agriculture, à l'élevage et aux produits alimentaires... Euro-Toques a vraiment un rôle à jouer auprès de la Commission Alimentation et Santé de la Commission de Bruxelles.
Propos recueillis par Bernadette Gutel

© A. Blot

Le Professeur Christian Cabrol entouré d'Henri Charvet à gauche, de Bernard Fournier et Alain Dutournier à droite.

A lire

L'Europe, comment ça marche ?

Commission européenne, Parlement européen, commissaires et députés européens... chargés notamment de définir des "lois européennes". Quel est le rôle et la fonction de chacun ? Christian Cabrol, député européen, s'est attaché à décrire d'une façon simple et claire comment fonctionne la Commission européenne, le Parlement européen et autres cours et comités.
Il explique aussi quel est le rôle d'un député européen et décrit tout ce qu'il a réalisé en tant que député européen car il s'est engagé dès 1994 à informer ses électeurs de son travail au Parlement européen. Président de l'Intergroupe Alimentation et Santé, il a été le rapporteur de plus de 11 propositions de directives.

Aux Editions Unicom - Tél. : 01 43 31 03 30.

 

Euro-Toques à Bruxelles

Les chefs Euro-Toques sont désormais prêts à faire face aux lobbyings politiques, économiques et scientifiques qui veulent imposer leurs lois en Europe dans le domaine alimentaire. Ils veulent absolument sauvegarder notre patrimoine culinaire et nos produits du terroir. C'est ainsi que le conseil d'administration européen d'Euro-Toques, réuni le 26 avril dernier en Finlande, a décidé de créer un bureau fixe à Bruxelles. Avec ce bureau, ils seront ainsi tout proches de la Commission européenne et du Parlement européen. Ils pourront jouer le rôle de consultants lors des préparatifs relatifs aux différentes directives alimentaires.
La présidence sera tournante et annuelle. Un calendrier a été établi. Le président de l'an 2000 sera italien.


L'HÔTELLERIE n° 2612 Hebdo 6 Mai 1999

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