Carnac-La Trinité-sur-Mer
Distantes l'une de l'autre
d'environ cinq kilomètres, Carnac et La Trinité-sur-Mer se complètent naturellement. La
première s'enorgueillit légitimement de ses alignements mégalithiques alors que la
seconde joue la carte de son port et des activités nautiques. En saison les touristes
affluent et chacune en profite. D'ailleurs, sur un plan strictement historique, "La
Trinité ne s'est émancipée de Carnac qu'en 1964. Nous ne sommes indépendants que
depuis 35 ans !", rappelle-t-on à la mairie de La Trinité. Bref, tout irait
pour le mieux dans le meilleur des mondes morbihannais... si un mauvais grain de sel
n'était venu gripper cette cohabitation. Aujourd'hui, les deux maires se livrent une
bataille rangée. Le conseil municipal de La Trinité vient de demander son retrait de la
communauté de communes (regroupant 3 communes dont les deux intéressées !) et son
maire, Marcel Germain, parle de "gifle reçue par Carnac ! C'est une affaire de
très mauvais goût". Cette affaire justement éclate au grand jour lorsque les
deux municipalités annoncent leur intention d'accueillir un casino !
L'origine de la polémique prend sa source au début de l'année 1999. Le conseil
municipal de La Trinité adopte en janvier 1999 une délibération de principe afin de
s'engager dans une procédure de délégation de service public en vue d'accueillir un
casino. La démarche est donc lancée. Mais à peine un mois plus tard, en février,
Carnac imite La Trinité. "Quelle ne fut pas notre surprise !, s'étonne
Marcel Germain, d'autant que j'en avais parlé préalablement à l'ancien maire de
Carnac ! Et qu'il avait toujours clamé son désintéressement vis-à-vis d'une telle
structure." Aujourd'hui donc, les deux communes mettent toutes leurs forces dans
un projet commun et elles semblent bien décidées à aller au bout. A Carnac, on invoque "un
manque de communication qui devrait nous servir de leçon". "Les deux projets
sont nés sensiblement à la même période, estime Yannick Marquet, secrétaire
général de la mairie de Carnac. De par leur complexité, ils ont mûri dans la
discrétion. C'est un hasard du calendrier."
"Il me faut un hôtel !"
Les raisons qui poussent les communes à vouloir un casino diffèrent. Le problème
numéro un de La Trinité réside dans la faiblesse de sa capacité hôtelière. Le maire
ne cesse de le clamer : "Il me faut un hôtel !" Depuis les fermetures de
deux établissements hôteliers (dont celle récente de l'Hôtel des Voyageurs de 30
chambres), la commune ne dispose plus que d'une trentaine de chambres. Insuffisant au vu
des manifestations, notamment nautiques, organisées par la ville. "Depuis 3 ans,
nous cherchons le moyen d'implanter un hôtel." Mais le foncier est cher sur la
côte et les investisseurs ne se bousculent pas trop. La saison ne pose pas de problème,
mais qui d'une rentabilité sur le reste de l'année ? "Un casino servirait de
locomotive !" Le projet de La Trinité vise donc l'implantation d'un casino
couplé à un hôtel catégorie 3 étoiles de 40 chambres. "Nous souhaitons que ce
casino propose également des activités culturelles qui puissent rejaillir sur l'ensemble
de la commune. Sans oublier bien entendu les jeux traditionnels et plus tard, les machines
à sous. Mais nous ne sommes pas très chauds pour une discothèque", estime-t-on
à la mairie.
De son côté, Carnac ne se soucie guère de sa capacité hôtelière. "Nous
disposons de 21 hôtels, de 2 à 4 étoiles, pouvant accueillir 1 500 personnes. La
structure hôtelière sur Carnac est correcte", remarque Y. Marquet. Ici, le
projet consiste à créer un casino sans hôtel, mais doté d'une salle de spectacle de
400 places, de deux salles de restaurant (traditionnel et brasserie), ainsi que de jeux.
"Ce casino s'installerait certainement dans des bâtiments déjà existants. Il y
a notamment un bâtiment appartenant au Crédit Lyonnais. Aujourd'hui il n'est pas à
vendre mais..."
La Trinité/Carnac, Carnac/La Trinité ? Il faudra attendre au moins un an avant de
désigner un "vainqueur"... S'il y en a un. "Un projet plus un projet
peut aboutir à zéro projet", remarque-t-on à La Trinité. A Carnac on
préfère les images. "Nous sommes deux dans l'ascenseur pour le moment, mais cet
ascenseur peut très bien rester au rez-de-chaussée !" D'autant que Quiberon,
située à 15 kilomètres plus au sud, accueille déjà un casino...
O. Marie
L'HÔTELLERIE n° 2611 Hebdo 29 Avril 1999