Rapport sur l'emploi des saisonniers
Fin janvier, le rapport sur la situation sociale et professionnelle des saisonniers est sorti. Commandé par Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au Tourisme, et Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, ce rapport offre une vision complète de l'ensemble des problèmes qui se posent aux travailleurs saisonniers et aux entreprises - en particulier les CHR - qui leur fournissent du travail. Il préconise un certain nombre de solutions visant à améliorer le fonctionnement de ce mode de travail. L'enjeu est de taille puisque ce secteur, formidable réservoir d'emplois, véhicule souvent une mauvaise image.
L'activité des CHR liée au tourisme est, on s'en doute, loin d'être négligeable. En
France, ce sont 290 000 emplois salariés dans les restaurants, 200 000 en hébergement et
38 000 dans les cafés-tabac.
Une forte majorité sont des emplois saisonniers. A titre d'illustration, en été sur le
littoral, 1 salarié sur 4 travaille pour le tourisme. En 1996, parmi ces emplois liés au
secteur du tourisme, 420 000 sont des emplois saisonniers.
Ces chiffres sont une estimation plancher. A cela deux raisons. En premier lieu, la
commission note qu'il n'existe pas pour ce domaine précis de chiffres fiables et propose
d'ailleurs la création d'outils statistiques pour mieux connaître les emplois
touristiques en général et saisonniers en particulier. En second lieu, il est difficile
de chiffrer l'importance du travail illégal. En effet, la commission note que les CHR
représentent 15 % des motifs de verbalisation dans ce domaine et 26 % des infractions en
matière d'emploi d'étrangers sans titre de travail. Aussi, elle propose un renforcement
des moyens de contrôle de l'inspection du travail lui permettant d'augmenter
l'efficacité des poursuites et des sanctions : bien souvent la constatation des
infractions reste sans effet et sans suite.
En outre, elle propose de lutter contre la pratique illégale des opérateurs étrangers
qui appliquent sur le sol français un droit du travail étranger faussant ainsi la
concurrence. La commission rappelle que l'article 341-5 du Code du travail soumet les
travailleurs étrangers exerçant une activité en France au droit français en ce qui
concerne le recrutement, la durée et les conditions de travail. Cette disposition de
notre droit doit s'appliquer d'autant plus qu'elle est tout à fait valable au regard du
droit communautaire (directive européenne n° 71/96).
En ce qui concerne les salariés eux-mêmes, on s'aperçoit qu'ils sont, en moyenne, 2 ans
plus jeunes que dans les autres secteurs. Ils sont 9 fois sur 10 (92 %) issus de la
région où ils ont un emploi lié au tourisme. Ils travaillent dans des conditions
pénibles (horaire, travail le soir...), assurant, en qualité d'employé, des missions
d'exécution auprès de la clientèle (serveur, commis...). Ils sont recrutés dans le
cadre de contrats courts (2 à 3 mois), souvent à temps partiel. Cela favorise un fort
turn-over qui n'est pas sans poser de difficultés aux entreprises qui ont besoin d'une
main-d'uvre de qualité.
La commission préconise tout d'abord une simplification des formalités
administratives et une plus grande facilité d'embauche en regroupant les cotisations
sociales et les déclarations administratives.
Il est également nécessaire de professionnaliser le personnel saisonnier en lui assurant
une formation. Les difficultés rencontrées sont en effet dues au nombre important de
petites entreprises dans ce secteur, et à l'activité en elle-même, qui laisse peu de
temps disponible pour une formation pendant la saison. Il faut donc permettre aux
saisonniers de se former en dehors de la saison. La commission propose d'étendre la
possibilité de reconnaissance des acquis professionnels en partenariat avec l'AFPA, et la
possibilité d'avoir accès à la formation continue pendant les périodes de chômage
pour les travailleurs saisonniers.
Cela suppose une indemnisation de ce chômage et la prise en charge par l'UNEDIC des
saisonniers. Actuellement, le dispositif d'indemnisation est encore testé pour une année
mais il faudrait le rendre définitif. Cela irait dans le sens d'un traitement plus
équitable du travailleur saisonnier. En effet, bien souvent, ce mode de vie ne correspond
pas à un choix mais à une nécessité économique. Le travailleur saisonnier subit la
précarité de son travail de la même façon qu'une personne en contrat à durée
déterminée. Dans le même ordre d'idées, la commission estime souhaitable que le
saisonnier bénéficie d'une indemnité de précarité en fin de contrat. Sa situation
n'est pas différente de celle du salarié embauché dans le cadre d'un contrat à durée
déterminée là non plus.
Pour remédier à cette précarité, il est proposé de mettre en place une procédure
incitant les employeurs à titulariser les saisonniers. Cela entraînerait la reconduction
du contrat de saison en saison et tiendrait compte de l'ancienneté. Dans ce cas, bien
sûr, la prime de précarité ne serait pas due. La titularisation est une solution qui
pérenniserait le contrat de travail, permettant ainsi aux salariés de s'impliquer
davantage dans leur entreprise et leur activité. Mais attention, il ne faudrait pas que
l'UNEDIC assimile les périodes chômées à une suspension du contrat de travail
n'ouvrant pas de droit à l'indemnisation du chômage. En effet, chaque saison ferait
l'objet d'un contrat de travail différent.
Enfin il est souhaitable que le dispositif expérimental de l'ANPE qui organise le
recrutement des saisonniers entre la Savoie et le Morbihan soit étendu à toutes les
zones touristiques. Cela permettrait une adéquation optimale entre l'offre et la demande
et permettrait aux employeurs de toujours disposer de la main-d'uvre qualifiée dont
ils ont besoin.
La commission propose la création de ce statut qui permettrait d'améliorer les
conditions de vie du personnel saisonnier. Il y est prévu des dispositions concernant les
institutions représentatives de ce personnel avec la création de maisons du saisonnier,
d'un guide et d'un site Internet pour développer l'information de cette catégorie de
salariés. Sont également prévues des dispositions concernant le logement et le
transport, un plus large accès au régime général de Sécurité sociale et une
prévention médicale accrue. Il faut en effet savoir que les travailleurs saisonniers
n'ont que très rarement accès à la médecine du travail. En effet, la visite médicale
d'embauche est souvent éludée car l'activité ne la permet pas et les centres de
médecine du travail sont fermés en été ou en sous-effectif pour cause de vacances. Les
employeurs risquent alors des sanctions pénales pour une situation dont ils ne sont pas
responsables. Il faudrait donc que ces salariés puissent avoir recours à la médecine
libérale non pas pour juger d'une incapacité éventuelle, domaine qui doit rester
réservé à la médecine du travail, mais pour permettre des bilans de santé autorisant
un suivi thérapeutique si nécessaire.
Le rapport conclut sur la diversité et la complexité des problèmes rencontrés qui
nécessitent, selon la commission, une concertation dans le cadre d'un dialogue social qui
doit être encadré par les pouvoirs publics. En effet, sans l'intervention du
législateur, rien ne semble possible étant donné la diversité des organisations
professionnelles et la faible représentation des salariés nécessairement instables
professionnellement.
Le rapport préconise la création d'un véritable statut du travailleur
saisonnier pour assurer des conditions de vie et de travail plus équitables.
L'HÔTELLERIE n° 2606 Hebdo 25 Mars 1999