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Michelin 99

Bernard Naegellen

Le guide du renouveau

Pour cause de travaux au 46 avenue de Breteuil, Bernard Naegellen a provisoirement abandonné son bureau et nous reçoit Villa Ségur, dans une annexe de la "grande maison". Le directeur du guide fait le point sur l'édition 99. Autant, à peu de choses près, que l'année dernière...

L'Hôtellerie :
Quel jugement portez-vous sur ce guide, le dernier avant l'an 2000 ?

Bernard Naegellen :
Peut-être peut-on dire que c'est le guide du renouveau. Tout simplement parce que depuis 5 ou 6 ans, c'est la première fois que nous avons un compte positif dans l'adjonction d'étoiles (N.D.L.R. : 33 nouveaux une étoile contre 26 qui la perdent). Il y a également davantage de Bibs gourmands signalant des repas soignés à prix modérés (N.D.L.R. : Pour la première fois cette notion est étendue à Paris et sa banlieue ou 35 des 508 Bibs sont recensés) et nous avons 700 nouveaux établissements. Je crois que l'on peut mettre cette inversion de tendance sur le compte des affaires qui reprennent. A Paris par exemple, le Bib gourmand récompense une nouvelle génération de jeunes chefs. Je pense en particulier Au Bon Accueil, à L'Avant Goût ou à l'Anacréon qui sont des néo-bistrots, c'est-à-dire des restaurants simples où l'on pratique un très bon rapport qualité/prix, avec une cuisine créative et dans une ambiance conviviale. Ces chefs sortent souvent de maisons étoilées. Leur démarche est intéressante car ils savent utiliser des produits simples en restant dans des prix raisonnables...

L'H. :
Cette notion de prix est toujours très importante pour le guide Michelin...
B. N. :
Effectivement, nous nous attachons à trouver des adresses de restaurants sympathiques, d'hôtels familiaux ou de petites auberges qui sortent de l'ordinaire.

L'H. :
Globalement pourtant, le nombre des établissements recensés est en baisse depuis quelques années (1). Comment le justifiez-vous ?
B. N. :
Disons que nous sommes pris entre deux feux, avec le souci de donner de nombreuses adresses en maillant bien la France et de trouver des établissements d'un bon rapport qualité/prix. Nous sommes confrontés au lecteur qui veut la quadrature du cercle (sic), avec accueil, convivialité et professionnalisme sans payer cher... ce qui ne marche pas toujours ensemble. Nous savons bien que pour pouvoir investir, il faut aussi faire payer. Notre souci est de signaler un maximum d'établissements, du plus simple et plaisant possible au plus luxueux. Nous butons toujours sur ce problème du prix : jusqu'où peut-on aller le plus bas possible en respectant nos critères, dont le plus important reste la propreté. Ce n'est pas une légende : nos inspecteurs visitent les cuisines et font ouvrir les frigos...

L'H. :
Beaucoup d'hôteliers et de restaurateurs rêvent de figurer dans le guide. Etes-vous conscient de cette attente et existe-t-il une recette ?
B. N. :
Il faut que l'établissement réponde à la demande d'une certaine clientèle. Notre objectif a toujours été tourné vers la satisfaction du lecteur dont nous sollicitons la réaction. Bon an, mal an, nous recevons 23 000 à 24 000 lettres. C'est un baromètre très important et le courrier confirme à 80 % la satisfaction quant aux établissements cités dans le guide. Si un établissement récolte davantage de critiques que de satisfecit, c'est qu'en général il s'y passe quelque chose. Nos inspecteurs vont alors sur place... et ils confirment souvent le sentiment général.

L'H. :
Alors qu'auparavant il y avait régression du nombre d'établissements étoilés, on retrouve sensiblement le chiffre de l'année dernière (N.D.L.R. : 500 en 99 contre 496 en 98) avec, au sommet, Michel Bras...
B. N. :
C'est très positif et traduit, une fois encore, une reprise de l'activité. Il y a longtemps que nous n'avions pas eu autant de deux étoiles à proposer... Au niveau des trois étoiles, on donne toujours du temps au temps, on laisse mûrir les gens. Peut-être Michel Bras devait-il absorber son déménagement ? Je peux vous assurer que le fait de n'ouvrir que sept mois de l'année n'a jamais joué, il y a des exemples dans le passé pour le confirmer. Avec les frères Pourcel en 1998 et Bras cette année, on peut dire que c'est l'artisanat récompensé... par rapport à Ducasse par exemple où c'est l'organisation. Nous aimons bien ce genre de maisons.

L'H. :
André Michelin a écrit que le guide 1900 "naissait avec le siècle et durerait autant que lui". Et après ? Et sous quelle forme ?
B. N. :
Même si je n'ai aucune certitude en la matière, je crois à une tacite reconduction pour... un siècle ! Dans l'esprit, faire un guide en toute indépendance, en allant sur place et en payant est la meilleure façon de donner des renseignements fiables. Dans le siècle prochain, nous devrons nous en tenir à ce principe et l'indépendance absolue sera toujours la valeur ajoutée du guide Michelin...

L'H. :
En serez-vous toujours le directeur, car certains évoquent votre retraite ?
B. N. :
Oui ? C'est une bonne chose, mais pour le moment ce n'est pas programmé et j'espère être encore en face de vous à la sortie du guide 2000.
Propos recueillis par J.-F. Mesplède

(1) Le chiffre décroît cependant depuis quelques années : 10 319 en 1995 (3 912 restaurants et 6 407 hôtels) ; 10 012 en 1996 (3 858 restaurants et 6 154 hôtels) ; 9 815 en 1997 (3 850 restaurants et 5 965 hôtels) ; 9 652 en 1998 (3 885 restaurants et 5 767 hôtels) ; 9 688 en 1999 (4 025 restaurants et 5 663 hôtels).

En chiffres

9 688 établissements sélectionnés : 5 663 hôtels et 4 025 restaurants dont 500 obtiennent les "étoiles de bonne table" (21 à trois, 74 à deux, 405 à une) et 509 le fameux Bib gourmand signalant des repas soignés à prix modérés...
Hôtels et restaurants sont classés en six catégories : Grand luxe et tradition, Grand confort, Très confortable, De bon confort, Assez confortable, Simple mais convenable.


L'HÔTELLERIE n° 2603 Hebdo 4 Mars 1999

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