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Investissements en hôtellerie

La stratégie des fonds de pension

C'est du 11 au 14 mars prochain qu'aura lieu à Cannes, au palais des Festivals, le Marché international des professionnels de l'immobilier. Un espace spécifique sera réservé à l'immobilier touristique. Pour L'Hôtellerie, Bruno Scherrer, executive vice-président de Lone Star Management, un fonds d'investissements nord-américain opérant en France, fait le point sur la stratégie du fonds qu'il gère.

L'Hôtellerie :
Pourquoi Lone Star investit-il dans l'hôtellerie ?

Bruno Scherrer :
De façon générale, nous sommes attirés par les marchés qui, pour des raisons structurelles et/ou conjoncturelles, ont perdu de leur liquidité. L'hôtellerie française, après avoir connu des sommets en valeurs au début des années 90, n'attirait plus beaucoup d'investisseurs en 1997 lorsque nous avions réalisé notre première acquisition.
Comme véhicule d'investissements, le produit hôtelier a les qualités de ses défauts : il est très volatil. Une reprise de cycle haussier, dans le marché clos, se traduit très vite par une augmentation des revenus d'exploitation. Dans la phase actuelle du cycle, nous sommes acheteurs de volatilité.

L'H. :
Comment sont gérés les hôtels acquis par votre fonds ?

B. S. :
Lone Star est un investisseur financier dans l'immobilier. Il n'est pas équipé pour la gestion et le management d'hôtels. La plupart des investissements sont donc effectués en association avec des groupes hôteliers internationaux ou locaux. En France, Lone Star s'est associé avec Astotel, le groupe hôtelier parisien géré par les frères Cachan.
Une véritable synergie s'est naturellement développée entre nos deux groupes, Lone Star apportant l'essentiel du capital de l'ingénierie financière et Astotel l'expertise pratique de la gestion d'hôtels.

L'H. :
Quelle technique d'achat emploie Lone Star ?

B. S. :
Nous avons essayé d'être français en France et de nous adapter aux spécificités de ce marché. Nous avons par exemple investi dans quelques fonds de commerce d'hôtels sans pouvoir en acquérir les murs, démarche encore rare pour un investisseur international.
Ayant constaté que le propriétaire d'un fonds de commerce bénéficie pratiquement d'un bail quasi perpétuel, l'acquisition des murs devenait moins primordiale dans une démarche de protection ou d'amélioration de la valeur d'un fonds. Cependant, lorsque l'opportunité se présente, nous achetons les murs parce que cela correspond, le plus souvent, un bon arbitrage financier, le loyer de l'argent étant actuellement souvent inférieur au loyer de l'actif.

L'H. :
Lone Star est-il susceptible de faire de la promotion ?

B. S. :
La décision ou non de construire un hôtel dépend de la situation du marché. Lorsque le marché est en bas de cycle, l'actif existant se traite avec une décote importante par rapport à son coût de remplacement. C'est souvent à ce moment-là que nous investissons et, dans ce cas, il est plus intéressant financièrement d'acheter que d'investir dans la construction d'un nouvel hôtel. Pour cette raison, nous ne prévoyons pas de promotion hôtelière en France à court terme.
A l'inverse, il existe, dans d'autres marchés plus avancés dans leur cycle, des décalages importants entre des actifs existants devenus chers et des projets aux coûts attractifs. Nous envisageons de démarrer une importante promotion hôtelière sur Londres.

L'H. :
Quel est votre point de vue sur l'investissement hôtelier en France ?

B. S. :
Le marché français connaît un retour de liquidité sur les 3 et 4 étoiles à Paris et sur la Côte d'Azur. En effet, Paris est l'une des principales destinations touristiques mondiales, elle est aussi devenue le point focal de la plupart des investisseurs internationaux dans le domaine de l'hôtellerie. L'industrie hôtelière n'échappe pas au phénomène de l'européanisation, de la mondialisation et de globalisation. Un groupe hôtelier peut difficilement se dire européen voire mondial sans réelle présence à Paris...
Le marché opérationnel (vente de chambres) et celui des acquisitions (investissements en hôtels) ne sont pas nécessairement en phase. Les améliorations des résultats opérationnels font germer à nouveau l'idée d'investir. Les investisseurs rachètent, les prix montent puis avec eux les anticipations de croissance des résultats, et la spéculation commence... Les prix ont monté à Paris mais n'ont pas encore atteint un niveau spéculatif.

L'H :
L'envolée des prix de certains hôtels, tel que le George V à Paris, a-t-elle un impact sur le reste du marché ?

B. S. :
Le George V est un actif rare et très prestigieux et ne constitue pas un indicateur de valeur pour le reste du marché. Un hôtel comme le George V se situe à la frontière entre le marché de l'art - par son prestige et son côté unique - et celui de l'hôtellerie. Il ne pourra servir de référence que pour l'évaluation d'autres hôtels du même segment.

L'H. :
Que pensez-vous des marchés immobiliers d'Europe de l'Est et d'Asie ?

B. S. :
La crise financière importante en Asie nous a amenés à nous porter sur le rachat de créances et nous sommes parmi les plus actifs dans ce domaine. Les transactions se font avec les banques et les institutions financières.
En Europe de l'Est, il n'y a pas encore de réel phénomène de cycle ni de véritables références de valeur. Le marché de l'investissement est actuellement, pour l'essentiel, dans un créneau de promotion. De bons projets avec des recettes en devises dollars ou euros sont à considérer très sérieusement. Ce sont des marchés émergents que nous surveillons avec intérêt.

L'H. :
Le MIPIM, le Marché international des professionnels de l'immobilier, crée cette année un pavillon dédié à l'immobilier touristique. Que pensez-vous de cette initiative ?

B. S. :
Je viens régulièrement au MIPIM car c'est un salon qui regroupe quasiment toute la place internationale de l'immobilier pendant quatre jours en un seul lieu. Il constitue donc une opportunité unique de développer et multiplier les contacts en un minimum de temps.
Cette année, la présence des professionnels de l'immobilier touristique devrait renforcer la diversité des opportunités de contacts dans un secteur qui intéresse une part importante des investisseurs dans l'immobilier.
Cette émergence du marché de l'immobilier touristique me semble correspondre au changement de mentalité qui s'opère actuellement dans le domaine de l'hôtellerie, en particulier en France. En effet, les hôtels ont longtemps été considérés comme des produits d'industriels de l'hôtellerie plutôt que de professionnels de l'immobilier. Pourtant, lorsqu'on demande à un industriel de l'hôtellerie quel est le facteur-clé de la réussite d'un hôtel, il répond : "l'emplacement", comme le ferait tout professionnel de l'immobilier...
La présence de l'immobilier touristique au MIPIM me paraît donc être la conséquence logique de l'évolution du marché.
Propos recueillis par Pascal Blondel, Horwath Consulting France, et My-Lan Cao, Reed Midem Organisation.


"La plupart des investissements sont effectués en association avec des groupes hôteliers internationaux ou locaux." explique Bruno Scherrer.

Qu'est le Lone Star Fund ?

Lone Star Fund est un fonds d'investissements américain créé en 1996 et doté de 400 millions de dollars de capital provenant, pour la quasi-totalité, d'institutionnels nord-américains de premier plan : fonds de pension, fonds universitaires, banques, assureurs et fonds d'Etat. Dès 1997, Lone Star s'est internationalisé en ouvrant un bureau au Japon et à Londres.
La mission du fonds est l'investissement dans l'immobilier au sens large et ce en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. Actuellement, Lone Star achève de lever son deuxième fonds, qui sera doté d'environ un milliard de dollars de capital, pour l'essentiel d'ores et déjà souscrit.
Présent en Europe depuis mai 1997, la société était connue sous le nom de Capstar, filiale du fonds qui avait pour mission de trouver les opportunités d'investissements sur l'ensemble de l'Europe. C'est désormais sous le nom de Lone Star Management que le fonds opère en Europe.


L'HÔTELLERIE n° 2603 Hebdo 4 Mars 1999

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