Hôtellerie internationale
Juergen Bartels n'est pas homme à se fier au
hasard. Encore moins aux prophéties. Après quarante années passées à la tête des
plus importantes chaînes hôtelières internationales (Inter-Continental, Ramada, Holiday
Inn, Westin Hotels...), le patron de la division hôtellerie du groupe Starwood Hotels
& Resorts ne croit en effet que ce qu'il voit. Et selon lui, l'industrie hôtelière
serait aujourd'hui peut-être arrivée à son haut de cycle. "J'en ai pour preuve
la baisse de 1 % du taux d'occupation moyen aux Etats-Unis l'année dernière, qui s'est
finalement stabilisé à 63,8 %", souligne-t-il. Et d'ajouter aussitôt : "Notre
compagnie est la seule à avoir en revanche enregistré une augmentation de sa
fréquentation de 0,4 point à 72 %."
Depuis le rachat d'ITT Sheraton et de Westin (novembre 1997), Starwood Hotels &
Resorts, qui totalise 690 hôtels et casinos dans 71 pays (soit plus de 223 000 chambres),
a de fait le vent en poupe. Le groupe a d'ailleurs réalisé en 1998 un résultat global
des opérations de 979 millions de dollars (871 millions d'euros) en hausse de 51 %. Quant
à son chiffre d'affaires, il a quasiment été multiplié par cinq pour atteindre 4,9
milliards de dollars (4,38 milliards d'euros).
La sixième société hôtelière mondiale a dû néanmoins mener bon nombre d'actions
pour afficher de tels résultats. Elle a d'une part "boosté" son développement
allant jusqu'à ouvrir 85 nouvelles unités (11 Westin, 41 Sheraton, 2 Luxury Collection
et 31 Four Points Hotel) l'an passé, et d'autre part investi plus de 2,3 milliards de
dollars dans la remise au goût du jour de ses établissements au cours des trois
dernières années.
800 millions de dollars
Des investissements colossaux auxquels Starwood Hotels n'entend pas de sitôt mettre un
terme. "Nous allons poursuivre nos rénovations en engageant 800 millions de
dollars supplémentaires cette année", indique Juergen Bartels. "Disposer
d'un parc d'hôtels d'une qualité irréprochable fait partie intégrale de mon plan",
lâche-t-il rapidement. Un point de vue apparemment partagé par les action-
naires de la société, qui ont accepté de réduire le dividende de 2 dollars 8 cents à
60 cents afin de dégager du cash pour financer ce nouveau programme de rénovation.
II n'est pas question en effet pour le directeur de l'hôtellerie de chez Starwood de
s'endormir sur ses lauriers en cette période de "vaches grasses". Bien au
contraire ! Cet homme, qui débuta dans l'industrie hôtelière à l'âge de 16 ans en
Allemagne, veut anticiper un éventuel retournement de cycle et surtout profiter de
l'occasion pour damer le pion à l'ensemble de ses concurrents. "Je ne suis pas
seulement optimiste ! J'ai un plan et je vais le mener à bien. Il permettra entre autres
au groupe d'améliorer sa fréquentation moyenne d'au moins cinq points d'ici trois ans",
confie Juergen Bartels.
Pour atteindre de tels objectifs, le directeur général de la branche hôtelière de
Starwood a bien sûr concocté sa petite "recette" maison. Les trois
ingrédients principaux qui la composent sont les suivants : rénovation, formation du
personnel (1 % du chiffre d'affaires du groupe) et programme de fidélisation.
CGIS
Concernant le nouveau programme de fidélisation (il remplace Sheraton Club International
et Westin Premier), baptisé Starwood Preferred Guest, la compagnie américaine n'y va pas
par quatre chemins puisqu'elle y consacre plus de 100 millions de dollars. Un budget
d'autant plus conséquent que cette opération doit lui permettre de doubler le chiffre
d'affaires drainé par les cartes de fidélité (actuellement 18 % des ventes totales).
"C'est le meilleur système au monde dans l'hôtellerie. Tout simplement parce
qu'il permet à nos clients de véritablement consommer leurs points sans aucune
difficulté", clame Juergen Bartels. A l'inverse de ceux proposés par certains
de ses concurrents (Marriott, Hyatt et Hilton), Starwood Preferred Guest ne limite pas en
effet les périodes d'utilisation des points. Autrement dit les porteurs de carte n'auront
jamais l'occasion d'être confrontés à des dates interdites. Ils peuvent également
utiliser leurs points de manière immédiate tant dans les hôtels (550 établissements
référencés) qu'auprès des transporteurs aériens et routiers (20 compagnies aériennes
partenaires dont Air France, Alitalia, Cathay Pacific, Delta Airlines... ainsi que
Bostoncoach, Chauffeured Cars and Limousines et Avis) ou bien encore dans les grands
magasins (Saks Fith Avenue) et auprès de l'opérateur téléphonique AT & T.
Ce programme devrait d'autant plus séduire les consommateurs que Starwood n'a pas encore
dit son dernier mot en termes de développement. Tablant sur une centaine de nouvelles
unités par an (116 prévues en 1999), le groupe espère d'ailleurs franchir le cap des 1
000 hôtels en trois ans. De nouvelles adresses à découvrir parmi lesquelles peut-être
figureront celles qui appartiennent actuellement au Français Vivendi, via sa filiale
CGIS. Juergen Bartels ne cache pas en effet son intérêt quant à l'avenir des enseignes
Westin Demeure Hotels et Libertel. Un dossier qui devrait être assez vite bouclé
(probablement fin mars 1999). Reste que huit compagnies auraient été retenues dans la
short liste dont Accor associé à Colony Capital (35 % - 65 %), Starwood, Westmont
Hospitality, Melia, Concorde, Granada (Méridien), Black Stone et Bass. L'affaire allant
bien évidemment au candidat le plus offrant.
C. Cosson
Juergen Bartels, directeur général de la branche hôtelière du groupe Starwood
Hotels & Resorts : "Je ne suis pas optimiste ! J'ai tout simplement un plan
qui va me permettre d'anticiper un retournement de cycle."
La division Europe de Starwoodw 104 établissements dont 29 Luxury Collection, 55
Sheraton, 14 Westin et 6 Four Points & Sheraton Inns |
L'HÔTELLERIE n° 2602 Hebdo 25 Février 1999