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Restauration

Léon redécolle en Belgique

Reprise en main réussie

Rudy Vanlancker, l'héritier du Léon historique et vraiment de Bruxelles celui-là, reprend en main un réseau belge défaillant et applique au royaume une doctrine de base, et quelques recettes qui fonctionnent bien en France.

Souriant, Rudy Vanlancker aime raconter cette histoire : un client français fait une halte-déjeuner rue des Bouchers à Bruxelles, berceau de la maison fondée par Léon Vanlancker et remarque : « Je ne savais pas que Léon existait ici aussi ? » C'est pourtant bien là dans l'îlot sacré que tout a commencé. Le patron d'aujourd'hui, 42 ans, s'estime dépositaire d'un héritage plus que centenaire qui le dépasse. Il compte bien le transmettre à son fils âgé de 20 ans et déjà dans l'affaire. Cela ne l'a pas empêché de regarder ailleurs. Bien que ne possédant pas un franc d'action dans Léon de Bruxelles SA, la société cotée en Bourse qui porte le développement de la marque en France (lire encadré), Rudy Vanlancker est très fier de son développement. Il y a pris une part de conseil et d'inspirateur. Cela dit, il a dû revenir d'urgence sur son terrain belge pour sauver les meubles du réseau provincial au bord de la faillite.
Il faut d'abord préciser la dualité qui existe également en Belgique depuis le début de la décennie. Rudy Vanlancker contrôle personnellement GLV (Groupe Léon Vanlancker) qui maîtrise le restaurant de la rue des Bouchers, et détient la majorité d'un second restaurant situé au pied de l'Atomium. GLV est en second lieu actionnaire à 40 % de Chez Léon Diffusion Restauration (CLDR), une structure créée avec des investisseurs étrangers pour mettre en place le développement de la marque.

Comme un vrai restaurant
En 1992, Rudy Vanlancker, tout en gérant en direct Bruxelles, se passionne pour l'international en général, et la France en particulier. Il croit pouvoir confier le réseau belge existant, placé sous le chapeau de CLDR, à une équipe salariée issue du réseau Pizza Hut. Celle-ci gère à l'américaine, avec l'idée de base que la moule-frites est un avatar du fast-food. Une bible de qualité est écrite, outil qui demeure aujourd'hui. Mais au prétexte de réduire les charges fixes, la décoration est spartiate et standardisée, les équipes réduites au minimum, l'accueil et le service à la portion congrue, la carte très simplifiée. Erreurs fatales. Quatre ans plus tard, non seulement Léon ne s'est pas étendu malgré un package de franchise proposé à qui voulait le prendre, mais le réseau de province constitué de cinq implantations situées à Liège, Anvers, Gand, Namur et Bruges est en quasi-faillite. Bruges est fermé, et les banquiers battent de la semelle à la porte des quatre survivants. Que s'est-il passé ?
Rudy Vanlancker voit une raison majeure à l'échec. « Léon est un restaurant, et non un fast-food. En Belgique, la moule-frites est un produit très concurrentiel, servie dans des brasseries qui offrent un véritable service de restauration. Nous ne pouvions pas faire moins. »

Nouvelle politique
Un Vanlancker ne peut laisser le nom de Léon s'associer à une vraie faillite. Le 30 août 1996 il reprend la barre, 16 MF de pertes cumulées sur les bras. Il renfloue, liquide l'organisation précédente et reprend les quatre restaurants restants pour le franc symbolique. GLV contrôle en direct des affaires à personnalités juridiques distinctes. Un actionnaire minoritaire flamand, Christian Grobet, l'accompagne. Les remèdes sont appliqués : remise en place du cadre, en s'inspirant, comme en effet boomerang de ce qui s'est fait à Paris sous le nom Léon de Bruxelles ; sorties de nouvelles cartes plus étoffées, appuyées sur un personnel de cuisine de métier, avec des alternatives aux moules et des entrées variées ; pour éviter de repousser la clientèle flamande, l'enseigne abandonne le nom de Chez Léon pour devenir Léon 1893. Léon 1893 communique dans le voisinage des restaurants par un journal distribué en nombre qui dit en substance « Revenez nous voir, nous vous avons mal traités, voici notre nouvelle offre ». La nouvelle organisation est en place depuis le 1er janvier 1998. Après une descente aux enfers en 1995 et 1997 avec entre deux une rémission due à la crise de la vache folle, les restaurants de province repartent à la hausse de 20 à 30 % cette année. Et l'optimisme revenant, l'exemple de la France très présent à l'esprit, Rudy Vanlancker débute une phase d'expansion. Objectif : vingt-cinq restaurants Léon 1893 en Belgique d'ici à 2002. Cette année est celle de la Wallonie avec quatre adresses supplémentaires ouvertes au sud de Bruxelles. Mons aura été le premier solo ouvert à un grand carrefour, à l'instar des sites de la grande ceinture parisienne. Un succès. Trois ouvertures sont programmées également côté francophone au cours du prochain semestre. Il sera temps alors de trouver des investisseurs en Flandres, selon les opportunités. Ce qui ne saurait tarder.
A. Simoneau


Rudy Vanlancker chez lui, rue des Bouchers. L'héritier a préféré rester maître chez lui, reprendre en main
le développement en Belgique et laisser l'international, moyennant royalties.

Léon, la France, et le monde

Rudy Vanlancker reste bien maître chez lui, et d'abord rue des Bouchers. Mais Léon de Bruxelles SA, la version française de Léon, acquiert des mains de Léon International, filiale jusqu'à présent à 50-50 de Léon de Bruxelles (à Paris) et de CLDR (à Bruxelles), le droit d'usage et le savoir-faire de la marque Léon pour le monde entier sauf la Belgique. Coût : 30 MF.
Léon de Bruxelles SA dispose ensuite d'une option d'achat sur les 50 % de Léon International entre les mains de CLDR jusqu'au 30 juin 2004. Coût : 25 MF avec une pénalité de 1 MF si l'option n'est pas exercée avant le 30 juin de chaque année.
Léon International, contrôlé à 100 % par Léon de Bruxelles SA, sera alors en charge du développement de la chaîne. Rudy Vanlancker a renoncé d'emblée à participer au contrôle de Léon de Bruxelles SA « parce que je n'aurais pas pu suivre les augmentations de capital », indique-t-il. Ce que semble confirmer le retrait tout récent de Stéphane Lang Willar, qui a préféré prendre son bénéfice. Rudy Vanlancker nous indique avoir néanmoins conclu un accord de « droit d'auteur » sur le concept, sous forme de royalties très modestes en pourcentage sur le chiffre d'affaires de la marque dans le monde, à percevoir pendant trois générations.

 

Une marque populaire

En 1992, juste avant la crise, le prix moyen de la rue des Bouchers s'était élevé à 180 F. « Nous perdions des clients, j'ai réduit de 15 % en 1993 », indique le patron. « Nous devons rester un restaurant populaire. Une moule et une bière à 620 FB (100 F) c'était trop. » Aujourd'hui, la « formule Léon » avec une petite casserole de 600 g au lieu de 1 kg pour la moule classique, une frite et une bière, coûte moins de 72 F, un prix encore accessible à un jeune couple. « J'ai un restaurant populaire au meilleur sens du terme », ajoute Rudy Vanlancker. Le prix moyen de la rue des Bouchers est revenu à 131 F. Il reste encore le plus élevé de la marque. Le ticket est proche de 102 F dans Paris, 120 à 125 F en périphérie parisienne (les familles en week-end y prennent du temps et des entrées), de l'ordre de 120 à 125 F en province belge. La restauration étant en moyenne de 10 à 20 % plus chère en Belgique qu'en France, Léon se fait convenablement payer chez lui, en dépit de la concurrence sur le produit.


L'HÔTELLERIE n° 2602 Hebdo 25 Février 1999

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