Un message destiné aux jeunes
Marcel Moigny s'est lancé dans l'aventure de la
restauration il y a 18 ans, avec ce qui est devenu aujourd'hui le restaurant La Rencontre
à Cognat-Lyonne, sur la nationale 202, entre Vichy et Gannat dans l'Allier. Pour cela il
a quitté un poste dans l'Education nationale, « où j'avais même un logement de
fonction ». « Je me souviens. Déjà à cette époque, des gens disaient : si
vous aviez connu il y a vingt ans. Ou bien : ce n'est plus comme avant. C'est devenu trop
difficile. »
Aujourd'hui les discours n'ont pas changé. « J'ai envie de dire aux jeunes qui
veulent se lancer, qui se sentent capables de mener une affaire, leur affaire : n'ayez pas
peur et n'écoutez pas les sirènes. Ni tous les conseils, même si certains semblent
positifs. Faites ce que vous avez envie de faire, comme vous avez envie de le faire et
faites-le
bien », déclare avec passion Marcel Moigny. « Sinon, qui reprendra nos
établissements ? Qui poursuivra et améliorera, bonifiera l'uvre que nous avons
commencée ? J' aimerais tant trouver celui ou celle qui remplira ce rôle et dont je
serais fier ». « On peut faire mieux, bien mieux que ce que j'ai déjà réalisé. Il
existe un réel potentiel ici, notamment avec les résidences secondaires des habitants de
la région parisienne », affirme le chef.
Car il reste de la place pour les aventuriers des temps modernes. Mais, pour se lancer, il
faut beaucoup de courage, d'imagination et de ténacité, comme il y a vingt ans. Avec,
toujours à l'esprit, l'envie de faire plaisir à ses clients.
Rêve d'adolescent
Et Marcel Moigny raconte : « A dix-huit ans, je dessinais les plans de mon futur
restaurant. » Mais il rentre dans l' Education nationale. Et ce n'est que
dix-sept ans plus tard qu'il se lance. A 35 ans donc, il rachète une épicerie buvette à
Cognat-Lyonne. Il ouvre un restaurant, « symboliquement, en affichant un menu
et en espérant un client ». Au bout d'un mois, il sert une quinzaine de repas par
jour.
De fil en aiguille, les affaires progressent. « Pendant sept ans, je n'ai fermé qu'un
seul jour par an, celui de Noël, et tous les bénéfices étaient réinvestis. Mais,
1988 n'a pas été une année faste et 1989 s'annonçait mal, car la route qui passe
devant La Rencontre était en travaux. Aucun client ne pouvait accéder au restaurant »,
se souvient Marcel Moigny. Il va donc voir les chefs de chantiers pour proposer des repas
ouvriers à 48 F tout compris. Et cela marche et permet de passer le cap. En parallèle, «
l'épicerie décline régulièrement au rythme des ouvertures de grandes surfaces dans les
environs, tandis que le bar s'essouffle au rythme du renforcement des contrôles
d'alcoolémie ». Puis, pendant deux ans, le restaurant progresse bien. « La
réflexion d'un client qui me déclare ne pas vouloir manger à La Rencontre dans des
conditions moins bonnes que chez lui, me pousse à prendre une décision qui restait en
suspens depuis quelque temps. Il faut tout transformer : décor, meubles, vaisselle, etc.,
ajouter la climatisation, l'insonorisation. Le restaurant n'avait pas l'aspect de ce que
les gens souhaitaient. »
La capacité passe alors à 90/100 couverts dans la salle principale, plus 30 dans la
deuxième salle. Les effets se font sentir avec une hausse de 30 % du chiffre d'affaires.
La cuisine est devenue trop petite. Donc, elle est rénovée l'année suivante, notamment
en gagnant 15 m2 sur l'ancienne épicerie définitivement fermée. Un second de cuisine et
une serveuse sont embauchés. Mais l'année 1996, après les progressions antérieures, se
termine en baisse.
Gastro et poésie
Le chef, après un peu de découragement, se décide à passer à une cuisine
gastronomique, « plus raffinée », « et à le faire savoir avec de la
publicité dans la presse locale ». « Cela a bien marché. Mais avec un
inconvénient. Des confrères copiaient mes idées de plats parus dans les journaux. Alors
j'ai contourné cette contrariété en racontant mes plats, avec une forme poétique, des
images liées aux saisons », se souvient Marcel Moigny, et cela plaît ». Il
complète ses activités avec celle de traiteur pour un chiffre d'affaires d'environ 2
millions de francs. « Aujourd'hui, il faut se battre constamment, investir sans cesse
pour maintenir un bon outil de travail, se remettre en cause pour pouvoir évoluer. Savoir
gagner une réputation et la conserver. Pour moi, cela représente vingt ans de joies, de
peines, de réussites et de galères. Mais cela valait la peine », conclut Marcel
Moigny.
P. Boyer
Marcel Moigny, La Rencontre à Cognat-Lyonne, entre Vichy et Gannat dans l'
Allier, s'est lancé dans l'aventure il y a 18 ans.
Dans les cuisines du restaurant La Rencontre, réaménagées selon les normes les
plus récentes pour plus
d'un million de francs : Dominique Blanchet, les deux apprentis Guillaume Damien et
Cédric Pouzadoux.
L'HÔTELLERIE n° 2597 Hebdo 21 Janvier 1999