Temps de travail dans les CHR
La dernière commission mixte paritaire des cafés,
hôtels, restaurants et discothèques qui s'est déroulée lundi 21 décembre n'a pas
été sans rebondissement. Etaient présentes les organisations patronales
représentatives de la profession des CHR, les partenaires sociaux salariés ainsi que le
représentant du ministère du Travail. L'ordre du jour initialement prévu concernait
l'encadrement, le temps partiel, la prévoyance et la revalorisation de la grille de
salaires. Ouvrant les débats, Alain-Philippe Feutré, au nom de la FNIH du SFH et du GNC,
a annoncé en préambule qu'il ne souhaitait pas négocier sur la revalorisation de la
grille des salaires, mais qu'en revanche il désirait l'ouverture de négociations sur le
temps de travail. Proposition que les représentants salariés se sont aussitôt
empressés d'accepter au grand dam des trois autres organisations patronales que sont le
SNRLH, la CFHRCD et la FAGIHT, qui n'ont pas compris cette proposition de la FNIH.
Les discussions ont porté principalement sur la revalorisation de la grille de salaires,
dont une grande partie des taux horaires est actuellement inférieure au taux du SMIC qui
a déjà été réévalué deux fois depuis la signature de la convention. Si un accord de
principe a été trouvé quant au montant de cette augmentation, les négociations n'ont
pas abouti en raison d'un amendement proposé par le collège patronal et qui prévoyait
la déduction de la demi-nourriture pour tous les salaires y compris pour les taux
horaires supérieurs au SMIC. Nous rappelons à nos lecteurs que la déduction de la
moitié des avantages en nature n'est actuellement possible que pour les salaires au SMIC.
"Négocier pour ne pas subir"
Nous avons interrogé la FNIH sur sa prise de position qui est loin de faire l'unanimité.
Pour la FNIH il s'agissait en fait de poser le problème sur la situation de la convention
collective des CHR du 30 avril 1997 par rapport à la loi sur la réduction du temps de
travail dite loi sur les 35 heures. "Cette loi sur les 35 heures va entrer en
application en plein milieu de la mise en place de la convention collective",
explique Alain-Philippe Feutré. La 1re échéance de cette loi est fixée au 1er janvier
de l'an 2000, où les entreprises de plus de 20 salariés ont l'obligation de mettre en
place les 35 heures. Alors que la convention collective des CHR prévoit qu'au même
moment les veilleurs de nuit seront à 45 heures hebdomadaires.
La FNIH reconnaît qu'elle refuse de négocier sur la seule grille de salaires
contrairement aux autres syndicats patronaux. "On ne peut pas négocier une grille
de salaires sans aborder le temps de travail. C'est la raison pour laquelle nous refusons
de négocier uniquement sur la réévaluation de la grille de salaires sans aborder le
problème du temps de travail. Cette négociation sur le temps de travail doit permettre
la reconnaissance de la spécificité de la profession par rapport à cette loi sur les 35
heures. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle cette loi sur la réduction du temps de
travail à toutes les chances d'être appliquée à la profession." En effet,
comme L'Hôtellerie l'a toujours expliqué à ses lecteurs, les CHR n'ont pas été exclus
du champ d'application de cette loi.
Cependant, un avis sur un projet de décret relatif à la durée du temps de travail dans
les CHR vient d'être publié au Journal Officiel du 10 décembre 1998. Selon l'avis
publié, ce décret viendrait légaliser l'aménagement et la répartition des horaires
prévus par la convention collective. La convention a déjà instauré une réduction du
temps de travail, en supprimant les heures d'équivalence non rémunérées, c'est-à-dire
en faisant passer les veilleurs de nuit d'une durée hebdomadaire de 52 heures à 43
heures et la catégorie des autres salariés de 45 heures à 43 heures.
Pour la FNIH, ce décret ne fait qu'officialiser une situation pour l'année 1999, et
contrairement aux autres syndicats elle ne pense pas que ce décret soit suffisant pour
faire opposition à l'application de la loi sur les 35 heures aux CHR. "Ce décret
n'est pas une sécurité suffisante, il n'empêchera pas un autre décret d'être publié
par la suite. Une organisation professionnelle comme la nôtre ne peut pas prendre le
risque d'attendre pour voir ce qui va se passer. Il est absolument nécessaire d'entamer
un dialogue social pour obtenir un temps de travail propre à la profession. On ne peut
pas prendre le risque d'attendre l'application de cette loi couperet en l'an 2000. Il ne
nous reste donc plus qu'un an pour négocier la spécificité de notre profession."
"Nous devons faire vivre cette convention"
Un point de vue loin d'être partagé par tous. Comme l'avaient annoncé Pierre Gauthier,
président du SNRLH et Jacques Mathivat et Jean-François Veysset, tous deux
vice-présidents, lors d'un débat sur les 35 heures organisé dans le cadre de leur
assemblée générale le 5 novembre dernier, ce projet de décret valide les dispositions
de la CCN des CHR du 30 avril 1997 en réduisant le temps de travail par étapes à 43
heures pour l'ensemble du personnel.
De son côté, le SNRLH se félicite d'avoir été entendu par les ministères du Travail
et du Tourisme qu'il avait alertés sur les conséquences dramatiques que pourrait avoir
une nouvelle réduction du temps de travail dans cette profession, 5e employeur de France
qui doit faire face à des charges fiscales et sociales qu'il estime déjà trop lourdes,
alors même que les CHR constituent une source d'emploi de 1er plan.
Défenseur de la convention collective qu'il a signé pour son organisation
professionnelle, Pierre Gauthier déclare maintenir toute sa vigilance : "Il
appartient maintenant aux partenaires sociaux de faire vivre la convention collective
nationale des cafés, hôtels, restaurants, sans jamais perdre de vue la réalité
économique et sociale propre aux CHR."
P.C.
L'HÔTELLERIE n° 2593 Hebdo 24 Décembre 1998