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Baux commerciaux

Les moyens pour faire diminuer son loyer

Les locataires sont souvent peu ou pas informés sur les possibilités qui leur sont ouvertes de demander une diminution de loyer, pensant à tort que cette prérogative est réservée au bailleur et que le loyer ne peut varier qu'à la hausse. Or, le décret du 30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux offre cette faculté au locataire, tant au cours du bail qu'au moment de son renouvellement.

Préalablement à l'examen des dispositions légales permettant au locataire de demander une diminution de loyer, on évoquera bien entendu la possibilité d'obtenir une telle diminution :
* Soit de façon amiable en négociant avec le propriétaire, qui dans une période de stagnation des prix et de conjoncture économique défavorable peut préférer percevoir un loyer plus faible mais avoir un local occupé et entretenu par un locataire sérieux et qu'il connaît, plutôt qu'un local vide ou occupé par un locataire dont il ne connaît pas la solvabilité.
* Soit de façon forcée sous la menace d'un départ anticipé à l'échéance d'une période triennale, en évoquant un déménagement dans des locaux moins chers ou même de façon plus kamikaze, sous la menace d'un dépôt de bilan pur et simple.
La stratégie du départ anticipé n'est cependant pas toujours propice ou crédible pour les activités de restauration et d'hôtellerie qui sont étroitement liées à l'emplacement et pour lesquelles des investissements importants ont la plupart du temps été effectués par le locataire exploitant. Ce qui est possible pour un locataire de bureau l'est beaucoup moins pour un restaurateur. Par contre le risque d'un dépôt de bilan en raison d'un loyer trop élevé peut être un argument plus convaincant.
Enfin, d'autres considérations sont susceptibles de rendre inefficaces ces arguments, tel le cautionnement personnel du dirigeant ou la clause de garantie solidaire stipulée dans le cadre de l'achat du fonds de commerce.

Baisse du loyer en cours du bail

Dans les baux commerciaux courants, il est le plus souvent indiqué sous l'article « Révision du loyer » que cette révision interviendra tous les trois ans, dans les formes et conditions prévues par le décret du 30 septembre 1953.

Selon la variation de l'indice
Le principe de révision triennale du loyer est fixé par l'article 27 du décret qui précise que "la majoration ou la diminution du loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction..."
On précisera que cette révision triennale n'est pas automatique mais suppose d'en faire la demande. Cela peut être soit une demande d'augmentation de la part du propriétaire, soit une demande de diminution effectuée par le locataire ainsi que le prévoit l'article 26 du décret : "Les loyers... peuvent être révisés à la demande de l'une ou l'autre des parties..."
Beaucoup de contractants méconnaissent ce principe et confondent cette révision triennale avec la révision automatique prévue, dans le cas où le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile. Cette confusion est d'autant plus facile que, par commodité, l'indice INSEE du coût de la construction est le plus souvent choisi comme indice de référence dans une clause d'échelle mobile.
La révision du loyer résultant de la clause d'échelle mobile est le plus fréquemment annuelle. (cf. modèle type)
"Le loyer sera automatiquement réajusté chaque année en fonction de l'indice INSEE du coût de la construction et tous les 1er janvier. Ce réajustement s'effectuera automatiquement sans qu'il soit besoin d'adresser une demande au locataire."

Comment demander la révision triennale
La demande de révision triennale doit respecter des conditions de forme et de délais.
Forme : la demande doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire (c'est-à-dire par exploit d'huissier).
Délais : la demande ne peut être adressée que trois ans au moins après la date d'entrée dans les lieux du locataire ou le point du départ du bail.
Il importe de souligner qu'une demande prématurée serait nulle et sans effet. Ainsi, pour un bail signé le 15 octobre 1994, avec effet au 1er novembre 1994, la demande de révision triennale ne pourra être envoyée qu'à partir du 1er novembre 1997.
A l'inverse une demande tardive n'est pas nulle, mais le nouveau loyer révisé ne s'appliquera qu'à dater du jour de la demande. Ainsi, en reprenant l'exemple précédent, si la demande n'est adressée que le 25 janvier 1998, le nouveau loyer ne sera dû qu'à partir du 1er février 1998.
De la même façon, la seconde demande de révision triennale ne pourra être faite que trois ans au moins après la date à laquelle la première aura été adressée.
Dans l'exemple ci-dessus, la seconde demande de révision triennale ne pourra intervenir qu'après le 25 janvier 2001.
Pour ce qui est de la révision triennale, il n'existe pas à ce jour d'exemple d'une diminution de l'indice INSEE du coût de la construction sur trois ans. Mais il est vrai que l'on constate que les écarts se sont très fortement réduits ces dernières années. Cette hypothèse n'est donc pas à exclure. La dernière variation de l'indice du coût de la construction ne représentait sur trois ans qu'une augmentation de 3,42 %.
En revanche, en ce qui concerne la variation automatique due en raison de l'application d'une clause d'échelle mobile, il y a eu des exemples de diminution de l'indice trimestriel pour une période annuelle.

Exemples :
* L'indice du premier trimestre est passé de 1 016 en 1994 à 1 011 en 1995, ce qui représente une baisse de 0,49 % sur un an et une augmentation de 0,50 % sur trois.
* L'indice du quatrième trimestre est passé de 1 019 en 1994 à 1 013 en 1995, soit une baisse de 0,59 % sur un an et une augmentation de 0,79 % sur trois ans.
* L'indice du deuxième trimestre est passé de 1 060 en 1997 à 1 058 en 1998, soit une baisse de 0,19 % et une augmentation de 3,42 % sur trois ans.
Il convient donc pour les locataires d'être attentifs à ce que la clause s'applique également en leur faveur.

Révision du loyer à la baisse pour modification des facteurs locaux de commercialité
Cette révision constitue une exception au principe de la révision triennale selon la variation de l'indice. Elle suppose que le locataire apporte la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
Sauf hypothèse optimiste et utopiste d'un accord spontané du propriétaire sur la diminution du loyer demandée par le locataire, cette demande se résoudra par une action judiciaire entamée devant le juge des baux commerciaux du Tribunal de grande Instance et le plus souvent après une expertise judiciaire.
Au préalable, et comme dans le cadre de la révision triennale classique, une demande en révision devra être adressée par le locataire aux mêmes conditions de forme et de délai.
Reste ensuite au locataire, pour espérer voir sa demande prospérer, à répondre à toutes les conditions légales prévues qu'il convient maintenant de définir.

Diminution du loyer dans le cadre d'une clause d'échelle mobile
L'article 28 du décret du 30 septembre 1953 prévoit : "Si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision pourra être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouvera augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire."
Là encore, le locataire a la faculté de demander une révision à la baisse, quand bien même l'indice choisi comme clause d'échelle mobile (le plus souvent l'indice INSEE) serait en hausse et même si le loyer révisé devient inférieur au loyer initial du bail, c'est ainsi qu'en a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 janvier 1992.
Dans cette affaire, le bail des locaux à usage d'hôtel était assorti d'une clause d'échelle mobile. Le loyer fixé à l'origine à 300 000 F, à compter du 1er janvier 1979, avait été porté à plus de 500 000 F à compter du 1er mai 1986 par le jeu de la clause d'échelle mobile.
Le locataire a demandé la révision du loyer sur la base de l'article 28 du décret. Le loyer révisé a été fixé à 272 000 F. La demande fondée sur cet article peut intervenir à tout moment et n'est pas soumise à une échéance triennale.

Baisse du loyer lors du renouvellement du bail

En principe le nouveau loyer lors du renouvellement du bail est fixé selon l'évolution de l'indice du coût de la construction. C'est le principe du plafonnement, le loyer ne peut être augmenté plus que l'évolution de cet indice. La fixation du loyer lors du renouvellement du bail sera déterminée selon la variation de l'indice INSEE du coût de la construction, entre la date du renouvellement et la date de début du bail précédent.
Ce principe, comme tout principe souffre différentes exceptions, qui permettent de sortir du principe du plafonnement pour revenir à la notion de valeur locative. Ce qui permet le plus souvent d'avoir des augmentations très substantielles de loyer, mais qui peut aussi permettre de le faire diminuer.

Invoquer la valeur locative
Les exceptions qui permettent de sortir du principe du plafonnement pour revenir à la fixation du loyer selon la valeur locative sont les suivantes :
* Lorsque le nouveau bail est renouvelé pour une durée supérieure à 9 ans ;
* Lorsque le bail initial s'est poursuivi au-delà de 12 ans (ce qui se produit si aucune des deux parties ne demande le renouvellement et que le bail se poursuit par tacite reconduction), ou si le bail initial a été conclu pour une durée supérieure à 9 ans ;
* Lorsqu'on se trouve en présence de locaux monovalents, dont l'exemple type est l'hôtel ;
* Lorsque les deux parties se mettent d'accord pour fixer le loyer à la valeur locative ;
* Lorsque l'une des parties peut invoquer une modification substantielle d'un des éléments servant à déterminer la valeur locative.
Le locataire qui cherche à faire diminuer son loyer lors du renouvellement invoquera une modification d'un des éléments servant à déterminer cette valeur locative, pour ensuite démontrer que cette valeur locative est inférieure au loyer plafonné et obtenir une fixation de loyer inférieur au loyer initial.
Le locataire hôtelier gagne une étape, car il fait partie des exceptions au titre des locaux monovalents qui sont soumis à la fixation du loyer selon la valeur locative.
Depuis la liberté des prix dans le secteur hôtelier prévue par l'ordonnance du 1er décembre 1986, la quasi-totalité des baux renouvelés depuis cette date, l'ont été moyennant une hausse très importante (doublement voir triplement du loyer dans certains cas).
La plupart des loyers hôteliers sont donc à présent fixés à la valeur réelle du marché et même surévalués pour ceux dont le renouvellement s'est situé jusqu'en 1992, c'est-à-dire en période de croissance du taux d'occupation.
A l'inverse, on assiste à une décrue du coefficient de fréquentation depuis 1993 et en fonction des prix et des taux existant lors du prochain renouvellement, le locataire exploitant hôtelier pourra être parfaitement fondé à demander une diminution du loyer.

Démontrer une modification notable des éléments servant à déterminer cette valeur locative
Le locataire doit invoquer une modification notable d'un des éléments mentionnés aux articles 23-1 à 23-4 du décret de 1953, pour faire échec à la règle du plafonnement. Ces éléments concernent notamment les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations des parties et les facteurs locaux de commercialité.
Il faut savoir qu'en pratique, c'est souvent le propriétaire qui invoque une telle modification pour obtenir une augmentation de loyer beaucoup plus importante que celle obtenue avec l'application de l'indice du coût de la construction.
Nous vous présentons des exemples de modifications.

Les caractéristiques du local
Il s'agit de la situation, de la surface, des commodités d'accès, de l'état d'entretien tant du local principal que d'éventuels locaux accessoires.
Ainsi, la reprise d'un appartement à usage d'habitation compris dans le bail commercial, d'une chambre de bonne, d'une réserve, justifiera une demande de réduction de loyer.

Les obligations respectives des parties
Selon le texte, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie, de même que les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
Une modification d'un de ces points, au détriment du locataire, peut donc justifier une demande de réduction du loyer lors du renouvellement du bail à condition que cette modification soit notable, prouvée et intervenue en cours du bail expiré.
Par contre, l'article 23-5 qui fait référence aux prix couramment pratiqués dans le voisinage ne peut être utilisé pour justifier la sortie du principe du plafonnement du loyer. Mais une fois que vous aurez démontré une modification notable d'un des éléments définis aux articles 23-1 à 23-4 du décret de 1953, vous pourrez cette fois invoquer les prix couramment pratiqués dans le voisinage pour obtenir une baisse de votre loyer.

Comment est déterminée cette valeur locative ?
Une fois qu'a été accepté le principe de la fixation du loyer selon la valeur locative, le nouveau loyer sera établi en tenant compte des éléments définis à l'article 23 du décret du 30 septembre 1953. Cet article prévoit qu'à défaut d'accord entre les parties, cette valeur est déterminée d'après les éléments suivants :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Eric Duroux
Avocat au barreau de Paris

La modification matérielle des facteurs locaux de commercialité

Les facteurs locaux de commercialité dépendent, selon la définition donnée par l'article 23-4 :
"De l'intérêt que représente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville du quartier ou de la rue où il est situé, de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou de sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire."
Ainsi, sont considérés par la jurisprudence comme de telles modifications la construction de nouveaux immeubles dans le quartier entraînant un accroissement de la population, la création de stations de métro, de RER, de bus, la création de parcs de stationnement, de zones piétonnes, le percement d'une nouvelle rue...
A contrario, dans le cadre d'une diminution de loyer, il conviendra d'étayer cette demande d'hy-pothèses inverses (terrains vagues consécutifs à la démolition d'immeubles non suivie d'une reconstruction, rues passagères transformées en impasses, modification du plan de circulation défavorable, fermeture de plusieurs magasins dans la même rue ou dans le même secteur).
La modification doit être d'autant plus locale qu'on se situe dans un environnement dense et urbain. Ainsi à Paris, une modification intervenue dans le XIVe arrondissement n'aura aucune incidence sur la com-mercialité du Xe arrondissement.
En outre, la modification intervenue doit avoir une incidence sur le commerce considéré, ainsi l'accroissement de population du secteur aura une influence sur un commerce de détail du quartier mais sera sans influence sur une entreprise qui travaille es-sentiellement à l'exportation.
La modification doit être matérielle et non la simple affirmation d'un climat ou d'une conjoncture (baisse de la croissance, augmentation du chômage, crise des bourses asiatiques, guerre du Golfe, attentats...)
Ainsi, dans un jugement rendu le 23 octobre 1995 et concernant un restaurant situé à proximité du forum des Halles, le tribunal de grande instance de Paris a admis une révision du loyer à la baisse en retenant une modification matérielle de l'environnement commercial motivée comme suit :
"Le forum des Halles, créé en 1979, a connu une forte progression de son chiffre d'affaires jusqu'en 1989 ; que toutefois, à partir de 1990, des problèmes d'insécurité ont infléchi la courbe des résultats qui, en 1987, sont devenus inférieurs à ceux de 1999. Attendu que la présence de nombreux squatters ou toxicomanes a entraîné en effet la raréfaction d'une certaine clientèle et partant la fermeture de nombreuses boutiques dans le quartier. Attendu que cette désaffection a eu une nécessaire répercussion sur l'activité exercée, le restaurant considéré affichant un certain standing, comme il ressort des photographies contenues au rapport d'expertise."
A l'inverse, la même juridiction a, dans un jugement rendu le 17 janvier 1996, rejeté la demande de révision à la baisse du locataire, en retenant que si ce dernier démontrait bien une évolution de la valeur locative à la baisse de plus de 10 %, rien ne permettait d'attribuer cette évolution à une modification notable des facteurs locaux de commercialité mais simplement à la conjoncture générale.
A partir du moment où les conditions fixées par l'article 27 alinéa 3 sont réunies, le loyer sera révisé au montant de la valeur locative, quand bien même ce montant serait inférieur au loyer d'origine fixé dans le bail.
Des décisions récentes de la Cour de cassation (24 janvier 1996) et de la Cour d'appel de Paris (1er avril 1997) ont admis que le locataire pouvait demander une révision du loyer à la baisse, non seulement en cas de hausse de l'indice mais aussi sans même apporter la preuve d'une évolution à la baisse des facteurs locaux de commercialité, en estimant que le loyer révisé ne peut en aucun cas excéder la valeur locative.
Toutefois, les avis des com-mentateurs de ces arrêts divergent sur sa portée.


L'HÔTELLERIE n° 2591 Hebdo 10 Décembre 1998

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