Baux commerciaux
Préalablement à l'examen des dispositions légales permettant au locataire de
demander une diminution de loyer, on évoquera bien entendu la possibilité d'obtenir une
telle diminution :
* Soit de façon amiable en négociant avec le
propriétaire, qui dans une période de stagnation des prix et de conjoncture économique
défavorable peut préférer percevoir un loyer plus faible mais avoir un local occupé et
entretenu par un locataire sérieux et qu'il connaît, plutôt qu'un local vide ou occupé
par un locataire dont il ne connaît pas la solvabilité.
* Soit de façon forcée sous la menace d'un départ
anticipé à l'échéance d'une période triennale, en évoquant un déménagement dans
des locaux moins chers ou même de façon plus kamikaze, sous la menace d'un dépôt de
bilan pur et simple.
La stratégie du départ anticipé n'est cependant pas toujours propice ou crédible pour
les activités de restauration et d'hôtellerie qui sont étroitement liées à
l'emplacement et pour lesquelles des investissements importants ont la plupart du temps
été effectués par le locataire exploitant. Ce qui est possible pour un locataire de
bureau l'est beaucoup moins pour un restaurateur. Par contre le risque d'un dépôt de
bilan en raison d'un loyer trop élevé peut être un argument plus convaincant.
Enfin, d'autres considérations sont susceptibles de rendre inefficaces ces arguments, tel
le cautionnement personnel du dirigeant ou la clause de garantie solidaire stipulée dans
le cadre de l'achat du fonds de commerce.
Dans les baux commerciaux courants, il est le plus souvent indiqué sous l'article « Révision du loyer » que cette révision interviendra tous les trois ans, dans les formes et conditions prévues par le décret du 30 septembre 1953.
Selon la variation de l'indice
Le principe de révision triennale du loyer est fixé par l'article 27 du décret qui
précise que "la majoration ou la diminution du loyer consécutive à une
révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la
construction..."
On précisera que cette révision triennale n'est pas automatique mais suppose d'en faire
la demande. Cela peut être soit une demande d'augmentation de la part du propriétaire,
soit une demande de diminution effectuée par le locataire ainsi que le prévoit l'article
26 du décret : "Les loyers... peuvent être révisés à la demande de l'une ou
l'autre des parties..."
Beaucoup de contractants méconnaissent ce principe et confondent cette révision
triennale avec la révision automatique prévue, dans le cas où le bail est assorti d'une
clause d'échelle mobile. Cette confusion est d'autant plus facile que, par commodité,
l'indice INSEE du coût de la construction est le plus souvent choisi comme indice de
référence dans une clause d'échelle mobile.
La révision du loyer résultant de la clause d'échelle mobile est le plus fréquemment
annuelle. (cf. modèle type)
"Le loyer sera automatiquement réajusté chaque année en fonction de l'indice
INSEE du coût de la construction et tous les 1er janvier. Ce réajustement s'effectuera
automatiquement sans qu'il soit besoin d'adresser une demande au locataire."
Comment demander la révision triennale
La demande de révision triennale doit respecter des conditions de forme et de délais.
Forme : la demande doit être faite par lettre
recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire (c'est-à-dire par
exploit d'huissier).
Délais : la demande ne peut être adressée que trois
ans au moins après la date d'entrée dans les lieux du locataire ou le point du départ
du bail.
Il importe de souligner qu'une demande prématurée serait nulle et sans effet. Ainsi,
pour un bail signé le 15 octobre 1994, avec effet au 1er novembre 1994, la demande de
révision triennale ne pourra être envoyée qu'à partir du 1er novembre 1997.
A l'inverse une demande tardive n'est pas nulle, mais le nouveau loyer révisé ne
s'appliquera qu'à dater du jour de la demande. Ainsi, en reprenant l'exemple précédent,
si la demande n'est adressée que le 25 janvier 1998, le nouveau loyer ne sera dû qu'à
partir du 1er février 1998.
De la même façon, la seconde demande de révision triennale ne pourra être faite que
trois ans au moins après la date à laquelle la première aura été adressée.
Dans l'exemple ci-dessus, la seconde demande de révision triennale ne pourra intervenir
qu'après le 25 janvier 2001.
Pour ce qui est de la révision triennale, il n'existe pas à ce jour d'exemple d'une
diminution de l'indice INSEE du coût de la construction sur trois ans. Mais il est vrai
que l'on constate que les écarts se sont très fortement réduits ces dernières années.
Cette hypothèse n'est donc pas à exclure. La dernière variation de l'indice du coût de
la construction ne représentait sur trois ans qu'une augmentation de 3,42 %.
En revanche, en ce qui concerne la variation automatique due en raison de l'application
d'une clause d'échelle mobile, il y a eu des exemples de diminution de l'indice
trimestriel pour une période annuelle.
Exemples :
* L'indice du premier trimestre est passé de 1 016 en 1994 à 1 011 en 1995, ce qui
représente une baisse de 0,49 % sur un an et une augmentation de 0,50 % sur trois.
* L'indice du quatrième trimestre est passé de 1 019 en 1994 à 1 013 en 1995, soit une
baisse de 0,59 % sur un an et une augmentation de 0,79 % sur trois ans.
* L'indice du deuxième trimestre est passé de 1 060 en 1997 à 1 058 en 1998, soit une
baisse de 0,19 % et une augmentation de 3,42 % sur trois ans.
Il convient donc pour les locataires d'être attentifs à ce que la clause s'applique
également en leur faveur.
Révision du loyer à la baisse pour modification des facteurs locaux de
commercialité
Cette révision constitue une exception au principe de la révision triennale selon la
variation de l'indice. Elle suppose que le locataire apporte la preuve d'une modification
matérielle des facteurs locaux de commercialité, ayant entraîné par elle-même une
variation de plus de 10 % de la valeur locative.
Sauf hypothèse optimiste et utopiste d'un accord spontané du propriétaire sur la
diminution du loyer demandée par le locataire, cette demande se résoudra par une action
judiciaire entamée devant le juge des baux commerciaux du Tribunal de grande Instance et
le plus souvent après une expertise judiciaire.
Au préalable, et comme dans le cadre de la révision triennale classique, une demande en
révision devra être adressée par le locataire aux mêmes conditions de forme et de
délai.
Reste ensuite au locataire, pour espérer voir sa demande prospérer, à répondre à
toutes les conditions légales prévues qu'il convient maintenant de définir.
Diminution du loyer dans le cadre d'une clause d'échelle mobile
L'article 28 du décret du 30 septembre 1953 prévoit : "Si le bail est assorti
d'une clause d'échelle mobile, la révision pourra être demandée chaque fois que, par
le jeu de cette clause, le loyer se trouvera augmenté ou diminué de plus d'un quart par
rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire."
Là encore, le locataire a la faculté de demander une révision à la baisse, quand bien
même l'indice choisi comme clause d'échelle mobile (le plus souvent l'indice INSEE)
serait en hausse et même si le loyer révisé devient inférieur au loyer initial du
bail, c'est ainsi qu'en a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 janvier 1992.
Dans cette affaire, le bail des locaux à usage d'hôtel était assorti d'une clause
d'échelle mobile. Le loyer fixé à l'origine à 300 000 F, à compter du 1er janvier
1979, avait été porté à plus de 500 000 F à compter du 1er mai 1986 par le jeu de la
clause d'échelle mobile.
Le locataire a demandé la révision du loyer sur la base de l'article 28 du décret. Le
loyer révisé a été fixé à 272 000 F. La demande fondée sur cet article peut
intervenir à tout moment et n'est pas soumise à une échéance triennale.
En principe le nouveau loyer lors du renouvellement du bail est fixé selon
l'évolution de l'indice du coût de la construction. C'est le principe du plafonnement,
le loyer ne peut être augmenté plus que l'évolution de cet indice. La fixation du loyer
lors du renouvellement du bail sera déterminée selon la variation de l'indice INSEE du
coût de la construction, entre la date du renouvellement et la date de début du bail
précédent.
Ce principe, comme tout principe souffre différentes exceptions, qui permettent de sortir
du principe du plafonnement pour revenir à la notion de valeur locative. Ce qui permet le
plus souvent d'avoir des augmentations très substantielles de loyer, mais qui peut aussi
permettre de le faire diminuer.
Invoquer la valeur locative
Les exceptions qui permettent de sortir du principe du plafonnement pour revenir à la
fixation du loyer selon la valeur locative sont les suivantes :
* Lorsque le nouveau bail est renouvelé pour une durée supérieure à 9 ans ;
* Lorsque le bail initial s'est poursuivi au-delà de 12 ans (ce qui se produit si aucune
des deux parties ne demande le renouvellement et que le bail se poursuit par tacite
reconduction), ou si le bail initial a été conclu pour une durée supérieure à 9 ans ;
* Lorsqu'on se trouve en présence de locaux monovalents, dont l'exemple type est l'hôtel
;
* Lorsque les deux parties se mettent d'accord pour fixer le loyer à la valeur locative ;
* Lorsque l'une des parties peut invoquer une modification substantielle d'un des
éléments servant à déterminer la valeur locative.
Le locataire qui cherche à faire diminuer son loyer lors du renouvellement invoquera une
modification d'un des éléments servant à déterminer cette valeur locative, pour
ensuite démontrer que cette valeur locative est inférieure au loyer plafonné et obtenir
une fixation de loyer inférieur au loyer initial.
Le locataire hôtelier gagne une étape, car il fait partie des exceptions au titre des
locaux monovalents qui sont soumis à la fixation du loyer selon la valeur locative.
Depuis la liberté des prix dans le secteur hôtelier prévue par l'ordonnance du 1er
décembre 1986, la quasi-totalité des baux renouvelés depuis cette date, l'ont été
moyennant une hausse très importante (doublement voir triplement du loyer dans certains
cas).
La plupart des loyers hôteliers sont donc à présent fixés à la valeur réelle du
marché et même surévalués pour ceux dont le renouvellement s'est situé jusqu'en 1992,
c'est-à-dire en période de croissance du taux d'occupation.
A l'inverse, on assiste à une décrue du coefficient de fréquentation depuis 1993 et en
fonction des prix et des taux existant lors du prochain renouvellement, le locataire
exploitant hôtelier pourra être parfaitement fondé à demander une diminution du loyer.
Démontrer une modification notable des éléments servant à déterminer cette
valeur locative
Le locataire doit invoquer une modification notable d'un des éléments mentionnés aux
articles 23-1 à 23-4 du décret de 1953, pour faire échec à la règle du plafonnement.
Ces éléments concernent notamment les caractéristiques du local, la destination des
lieux, les obligations des parties et les facteurs locaux de commercialité.
Il faut savoir qu'en pratique, c'est souvent le propriétaire qui invoque une telle
modification pour obtenir une augmentation de loyer beaucoup plus importante que celle
obtenue avec l'application de l'indice du coût de la construction.
Nous vous présentons des exemples de modifications.
Les caractéristiques du local
Il s'agit de la situation, de la surface, des commodités d'accès, de l'état d'entretien
tant du local principal que d'éventuels locaux accessoires.
Ainsi, la reprise d'un appartement à usage d'habitation compris dans le bail commercial,
d'une chambre de bonne, d'une réserve, justifiera une demande de réduction de loyer.
Les obligations respectives des parties
Selon le texte, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant
normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans
contrepartie, de même que les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui
découlent de la loi ou des usages, constituent un facteur de diminution de la valeur
locative.
Une modification d'un de ces points, au détriment du locataire, peut donc justifier une
demande de réduction du loyer lors du renouvellement du bail à condition que cette
modification soit notable, prouvée et intervenue en cours du bail expiré.
Par contre, l'article 23-5 qui fait référence aux prix couramment pratiqués dans le
voisinage ne peut être utilisé pour justifier la sortie du principe du plafonnement du
loyer. Mais une fois que vous aurez démontré une modification notable d'un des
éléments définis aux articles 23-1 à 23-4 du décret de 1953, vous pourrez cette fois
invoquer les prix couramment pratiqués dans le voisinage pour obtenir une baisse de votre
loyer.
Comment est déterminée cette valeur locative ?
Une fois qu'a été accepté le principe de la fixation du loyer selon la valeur locative,
le nouveau loyer sera établi en tenant compte des éléments définis à l'article 23 du
décret du 30 septembre 1953. Cet article prévoit qu'à défaut d'accord entre les
parties, cette valeur est déterminée d'après les éléments suivants :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Eric Duroux
Avocat au barreau de Paris
La modification matérielle des facteurs locaux de commercialitéLes facteurs locaux de commercialité dépendent, selon la définition donnée par
l'article 23-4 : |
L'HÔTELLERIE n° 2591 Hebdo 10 Décembre 1998