Strasbourg
« Nous n'avons jamais renoncé à notre désir de remodeler cette brasserie,
malgré un flux quotidien d'offres spontanées pour la reprise des murs et du fonds »,
affirme Marie-Lorraine Muller, présidente de la société d'exploitation créée à cet
effet par la brasserie Schutzenberger. Plus de 1 000 entreprises françaises et
étrangères (Flo, Virgin, Hachette) se seraient intéressées au bâtiment idéalement
placé dans le centre historique de Strasbourg, « offrant jusqu'à 60 millions de
francs pour en devenir propriétaires ». Le projet de Jean Nouvel vise à associer
dans un même endroit l'esprit populaire de la bière à une gamme de produits élaborés
(cuisines du monde, cave à cigares). « Nous aurions pu nous orienter vers une
réhabilitation à bon marché, ou au contraire cibler le très haut de gamme mais la
bière ne doit pas être un diviseur politique », plaide Marie-Lorraine Muller.
L'architecte a fait appel au verre, au cuivre et au bois pour remporter le pari ambitieux
de « réconcilier Strasbourg avec sa modernité », offrant un contrepoids
populaire aux grands projets (parlement européen, musée d'art moderne) qui viennent de
voir le jour tout près du centre-ville. La façade murée de la brasserie était devenue
une verrue dans le paysage strasbourgeois, et sa réhabilitation suscitera une légitime
curiosité de la population. D'où l'idée d'ouvrir un site Internet
(www.palais-bière.fr) qui détaillera le projet, mais permettra aussi de suivre le
chantier. Schutzenberger, qui exploite encore une cinquantaine d'établissements en
Alsace, vient de boucler trois exercices comptables difficiles et reste muet sur le
montant de l'investissement consenti. Des montants importants - jusqu'à 30 millions de
francs - ont circulé, sans jamais être confirmés par la brasserie. « Cette
réhabilitation ne grève en rien les investissements industriels dans notre usine de
Schiltigheim », assure simplement Marie-Lorraine Muller. « Le Schutzenberger
constituera une vitrine pour la communication de l'entreprise. » Cette PME familiale,
qui cultivait jusqu'alors sa discrétion à outrance, s'offre une entrée en fanfare dans
le XXIe siècle. Où elle espère rester, au côté de Meteor, dans le cercle très
restreint des dernières brasseries indépendantes de la région.
O. Lacour
Marie-Lorraine Muller, aidée de Jean Nouvel, va associer la bière à une
gamme de produits élaborés.
L'HÔTELLERIE n° 2589 Hebdo 26 Novembre 1998