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ENQUETE EXCLUSIVE SALAIRES 1998

Modération salariale à l'ordre du jour

Peur du lendemain pour beaucoup ou souci de gestion pour d'autres, la perspective de la loi Aubry conduit les entreprises de l'industrie hôtelière à jouer les « Harpagons ». La prudence demeure cette année en effet de mise au niveau des embauches. Quant aux augmentations salariales, elles sont toujours timides.

Dossier réalisé par Claire Cosson

 

Méthodologie de l'enquête

Pour des raisons de fiabilité, L'Hôtellerie a cette année pris la décision de modifier son échantillon ainsi que la présentation de son enquête concernant les salaires pratiqués dans la profession. Notre objectif étant de coller le plus près possible à la classification des emplois mise récemment en place dans le cadre de la convention collective.
Les données que nous publions ont ainsi été collectées du 25 juillet au 25 septembre 1998 auprès de 500 entreprises représentatives du secteur de l'hôtellerie-restauration en France (dont 150 restaurants).
Notre analyse évalue les rémunérations annuelles brutes sur douze mois, compte tenu de l'augmentation du Smic au 1er juillet 1998 (soit pour l'industrie hôtelière 83 773 francs hors IN).

Avantages en nature (IN, logement, voiture de fonction...), et autres primes ne sont pas pris en compte dans les chiffres communiqués.
A noter que les informations recueillies ont été bien sûr analysées en veillant à ne traiter que les plus logiques, en évitant les cas d'espèces.
Outre le salaire moyen annoncé, nous présentons les deux extrêmes à travers les salaires les mieux payés et les moins bien payés.

Nous vous rappelons que cette étude a pour seul objet de donner les grandes tendances générales en matière de politique salariale dans l'industrie hôtelière française.

*A défaut de réponses suffisamment nombreuses pour être étudiées, certaines catégories d'établissements ne figurent pas dans notre étude. C'est le cas notamment des hôtels quatre étoiles implantés à Paris et en région parisienne, trop timides dans leur réponse.

La croissance économique est de retour ! Qu'il s'agisse des chaînes, de l'hôtellerie indépendante ou bien encore de la restauration, l'industrie hôtelière française semble bel et bien aujourd'hui avoir retrouvé du poil de la bête. D'ailleurs les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au terme des huit premiers mois de l'exercice 1998, le taux d'occupation moyen des hôtels indépendants* (France entière) a progressé de près de 6 % par rapport à 1997 et le prix moyen s'est lui envolé de 5 %.
A Paris, c'est l'euphorie totale en particulier dans le haut de gamme, dont la fréquentation s'est élevée en cumul à fin août dernier à 73,4 % contre 71,3 % un an auparavant. Le tout accompagné bien sûr d'une hausse du prix moyen de plus de 16 % et de 20 % pour le RevPar (revenu par chambre disponible)**. Signe des temps également, les restaurants voient leur chiffre d'affaires évoluer favorablement puisqu'à la fin du mois d'août, le nombre de couverts servis avait d'ores et déjà grimpé de 17,6 % tandis que les prix moyens fléchissaient eux d'1 %.***
Autant d'éléments encourageants qui pouvaient laisser espérer une amélioration sensible du pouvoir d'achat des hommes et de femmes travaillant dans ces secteurs d'activité. Hélas, si la période des vaches maigres paraît à ce jour oubliée, celle des vaches grasses risque de se faire attendre encore un long moment dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration. Tout comme cela se déroule d'ailleurs dans les autres entreprises françaises. Selon les chiffres publiés récemment par l'Insee et le ministère du Travail, l'indice du salaire mensuel brut de base (hors primes, indemnités...) des salariés dans l'Hexagone n'a en effet progressé durant le premier trimestre 1998 que de 0,4 % (soit sur un an entre avril 1997 et avril 1998, +1,9 %).

Répercussions liées à la convention collective
Des données, certes légèrement inférieures à celles collectées auprès de notre échantillon, mais qui corroborent bien l'état d'esprit actuel des patrons de l'industrie hôtelière. Dix pour cents des dirigeants interrogés par nos soins ont effectivement déclaré avoir augmenté les rémunérations de leurs em-ployés pour l'année 1998 et ce dans une fourchette allant de 2 % à 3 % en moyenne, suivant la taille des sociétés et leur implantation géographique. A noter sur ce point précis que parmi les employés les mieux lotis figurent le personnel officiant dans les hôtels quatre étoiles et les unités situées en région parisienne.
Il n'en reste pas moins vrai néanmoins qu'une telle modération salariale peut surprendre quand on connaît les années noires traversées dernièrement dans le secteur. C'était pourtant a priori couru d'avance ! Plusieurs raisons à cela. D'une part, pour la première fois cette année, les professionnels ont dû appliquer les termes de la convention collective nationale (signée le 30 avril 1997). Ce qui a logiquement entraîné des répercussions importantes sur la politique salariale de nombre d'exploitations (application de minimums, mise en place des deux jours de repos hebdomadaire consécutifs ou non...).
« Avec les charges qui grèvent beaucoup trop lourdement nos entreprises et la signature de la convention nationale en supplément, je ne vois pas comment je pourrais véritablement offrir de meilleurs salaires à mes employés ! », répond en caractère gras à notre enquête un hôtelier-restaurateur du sud de la France. Et d'ajouter : « J'essaie déjà tant bien que mal de respecter les nouvelles règles de la convention collective. Je dois vous avouer que dans une unité comprenant moins de dix salariés, cela pose de sérieux problèmes d'organisation. »

Prêt à rendre son tablier
D'autre part, cette timidité en matière de salaires s'explique également par la perspective du passage aux 35 heures. Alors que chacun s'interroge quant à l'application stricto sensu de la réduction du temps de travail à l'hôtellerie-restauration, la plupart des entreprises du secteur anticipent les décisions gouvernementales en faisant le gros dos. « Beaucoup de professionnels mettent la pédale douce sur les rémunérations car ils regardent d'un mauvais œil la loi Aubry et ses incidences sur le coût du travail », explique un cabinet de recrutement. « Nous croulons sous les charges. Il est évident pourtant que notre métier ne peut nullement être automatisé ! Mais, qu'à cela ne tienne, nos gouvernants vont encore rallonger la sauce en nous imposant la semaine des 35 heures. Comment dans ces conditions envisager sérieusement de relever les salaires ? », renchérit un restaurateur de la Haute-Garonne, affirmant être prêt à rendre son tablier et ce malgré sa passion pour le métier.
Dans ce contexte d'attentisme général et au regard des prévisions économiques peu encourageantes faites par l'ensemble des conjoncturistes pour 1999, rien ne laisse donc augurer un prochain renversement de tendance en matière salariale dans la profession. A l'exception bien sûr des postes payés au Smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance), qui eux bénéficient chaque année d'une revalorisation plus ou moins sensible (40,22 francs brut horaire depuis le 1er juillet 1998 contre 39,43 francs, soit un salaire mensuel de 7935,55 francs, incluant les indemnités nourriture). Ce qui n'est d'ailleurs pas sans poser un certain nombre de difficultés pour les chefs d'entreprise.
Sachant que cette part d'employés est considérable dans l'hôtellerie-restauration puisque représentant 41 % des salariés en 1996 (contre 27 % à l'habillement, 16 % à l'agroalimentaire et 15,3 % au commerce, 14 % aux services, 7,3 % à l'industrie et la construction, ou encore 5,8 % au transport), l'éventail des rémunérations entre les bas et hauts salaires tend très sérieusement à se resserrer. Chaînes hôtelières et indépendants sont d'ailleurs logés à la même enseigne en ce qui concerne le nivellement par le bas des rémunérations. Un phénomène des plus inquiétants qui se traduit bien souvent dans la réalité du marché de l'emploi par une pénurie de main-d'œuvre qualifiée.

Bonus
« Nous trouvons des managers et des exécutants, mais en revanche il est très difficile aujourd'hui de dénicher des bons seconds, de bons adjoints ou bien encore des chefs de service efficaces », souligne Alain Jacob, fondateur du cabinet AJ Conseil. Et de préciser : « Les plus performants finissent par avoir néanmoins plusieurs offres d'embauche simultanément. Ce qui est un signe positif en matière d'emploi ». Une situation qui peut aussi donner l'idée aux plus malins de faire monter les enchères. Les sociétés ont du reste bien compris qu'il leur fallait réagir au plus vite. Certaines se disent ainsi prêtes à lâcher du lest (15 % de notre échantillon) pour conserver ou attirer les meilleurs collaborateurs.
Pour y parvenir, pas de recette mi-racle ni même de potion ma-gique. Les patrons misent en réalité tout simplement sur un accroissement de la part du salaire variable (bo-nus ou prime sur objectif). Rodées à ce principe depuis quelques an-nées déjà, les chaînes hôtelières et de restauration figurent bien évidemment en tête du hit parade de la profession en particulier concernant les cadres. Au sein du groupe Accor, « les directeurs d'établissements les plus performants peuvent ainsi bénéficier d'un bonus pouvant atteindre 30 % de leur salaire », indique Philippe de Montenay, responsable des relations sociales pour l'hôtellerie d'affaires et de loisirs. Ces montants sont distribués à condition bien sûr d'avoir rempli certains objectifs basés sur des critères de rentabilité de leur unité (par exemple dans une région donnée).
Chez Campanile, les responsables d'unité ont eux aussi la possibilité d'arrondir leur fin d'année (soit aux environs de 93 000 francs en moyenne) en remplissant certains objectifs qualitatifs et quantatifs. Quant aux patrons des établissements Bleu Marine (dont la politique de rémunération fait l'objet actuellement d'une refonte approfondie), s'ils parviennent à décrocher la « timbale », ils empochent une prime moyenne proche des 110 000 francs.

Outil de motivation
De quoi a priori remonter le moral des troupes ! D'autant que ces mêmes sociétés ont également conclu des accords légaux d'intéressement ou de participation selon le cas, leur permettant de distribuer quelques monnaies sonnantes et trébuchantes supplémentaires à l'ensemble du personnel.
« L'accord de participation du groupe s'élève au minimum à 1 800 francs par an », explique ainsi Philippe de Montenay, tout en soulignant qu'aujourd'hui près de 80 % des salariés officiant chez Accor perçoivent en outre une prime de fin d'année (l'équivalent d'un 13e mois). A noter aussi qu'un intéressement collectif a été généralisé à toutes les filiales à partir de 1998 (de 0 à 7 000 francs).
« Pour motiver nos équipes, nous avons récemment pris la décision de signer un accord d'intéressement », précise Pascal Peyrat, patron de la chaîne deux étoiles appartenant à Envergure. Autant de gratifications auxquelles peuvent s'adjoindre d'autres bonifications telles l'accès au plan d'épargne d'entreprise, à des régimes de prévoyance... Des pratiques qui demeurent hélas assez limitées chez les indépendants, dont les moyens financiers ne sont souvent pas à la hauteur de leurs souhaits profonds en matière de salaires. « Si je le pouvais, je n'hésiterais pas à donner davantage à mes équipes. D'autant qu'elles ont bien du mérite. Hélas, je suis pris à la gorge par des cotisations patronales excessives », résume un hôtelier-restaurateur installé non loin de Metz. Reste qu'eux aussi commencent à s'intéresser de près à ces méthodes de rémunérations variables.
Certes non généralisée (6 % à peine des entreprises figurant dans notre panel), la mise en place de primes sur objectif tend en effet à se développer au sein des hôtels et restaurants indépendants de France. « C'est un excellent outil de motivation. A condition bien sûr de fixer des règles du jeu fiables », commente Anne-Marie Quirin, directrice du Mercure Massena (franchisé) à Nice. Femmes de chambre, plongeurs, réceptionnistes, cuisiniers... bon nombre de postes opérationnels entrent donc dans la danse des bonus et autres gratifications de fin d'année. La perspective des 35 heures pourrait d'ailleurs peut-être accélérer le mouvement tant chez les cadres que chez les employés puisque la rémunération variable est un bon moyen de contrôler l'évolution de l'ensemble des salaires. A moins que certains choisissent de recourir encore davantage aux contrats à temps partiel (chose de plus en plus fréquente) et autres aides à l'emploi spécifiques. Cela ne sera bien sûr pas sans conséquence sur la qualité de service.

* Source : Observatoire de l'hôtellerie française
** Source : Baromètre Pannel Kerr Forster Consulting France
*** Source : Baromètre L'Hôtellerie-Coach Omnium

Intéressement ou primes diverses perçues dans
les hôtels-bureaux indépendants
France entière

Fonctions   Catégorie hôtel          
    2*         3*    
  Mini   Moyen Maxi Mini   Moyen Maxi
Directeur Entreprise 5.800 FF     46.000 FF   175.000 FF   3.000 FF     40.000 FF   139.000 FF
Chef de réception N.S     N.S   N.S   2.000 FF     10.000 FF   15.000 FF
Gouvernante N.S     N.S   N.S   6.000 FF     9.000 FF   12.000 FF
Femme de chambre 500 FF     3.000 FF   4.500 FF   1.500 FF     5.000 FF   10.600 FF
Réceptionniste 800 FF     4.500 FF   16.000 FF   1.500 FF     5.800 FF   14.600 FF
Veilleur de nuit N.S     N.S   N.S   1.000 FF     5.400 FF   12.000 FF
Ouvrier de maintenance N.S     N.S   N.S   N.S     N.S   N.S
 
* Ces données sont publiées à titre purement indicatif.

 


L'intéressement moyen varie de 3 000 F à 40 000 F

 

Restaurateurs recherchent désespérement

Parmi les embauches envisagées par les restaurateurs indépendants français, les postes les plus recherchés sont les suivants :

90% chef de partie
5% serveur
5% commis de cuisine

________________

Hôteliers recherchent désespérement

Parmi les embauches envisagées par les hôteliers indépendants français, les postes les plus recherchés sont les suivants :
80% femme de chambre
15% réceptionniste
5% serveur


L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998

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