Méthodologie de l'enquêtePour des raisons de fiabilité, L'Hôtellerie a cette année pris la
décision de modifier son échantillon ainsi que la présentation de son enquête
concernant les salaires pratiqués dans la profession. Notre objectif étant de coller le
plus près possible à la classification des emplois mise récemment en place dans le
cadre de la convention collective. *A défaut de réponses suffisamment nombreuses pour être étudiées, certaines catégories d'établissements ne figurent pas dans notre étude. C'est le cas notamment des hôtels quatre étoiles implantés à Paris et en région parisienne, trop timides dans leur réponse. |
La croissance économique est de retour ! Qu'il s'agisse des chaînes, de l'hôtellerie
indépendante ou bien encore de la restauration, l'industrie hôtelière française semble
bel et bien aujourd'hui avoir retrouvé du poil de la bête. D'ailleurs les chiffres
parlent d'eux-mêmes. Au terme des huit premiers mois de l'exercice 1998, le taux
d'occupation moyen des hôtels indépendants* (France entière) a progressé de près de 6
% par rapport à 1997 et le prix moyen s'est lui envolé de 5 %.
A Paris, c'est l'euphorie totale en particulier dans le haut de gamme, dont la
fréquentation s'est élevée en cumul à fin août dernier à 73,4 % contre 71,3 % un an
auparavant. Le tout accompagné bien sûr d'une hausse du prix moyen de plus de 16 % et de
20 % pour le RevPar (revenu par chambre disponible)**. Signe des temps également, les
restaurants voient leur chiffre d'affaires évoluer favorablement puisqu'à la fin du mois
d'août, le nombre de couverts servis avait d'ores et déjà grimpé de 17,6 % tandis que
les prix moyens fléchissaient eux d'1 %.***
Autant d'éléments encourageants qui pouvaient laisser espérer une amélioration
sensible du pouvoir d'achat des hommes et de femmes travaillant dans ces secteurs
d'activité. Hélas, si la période des vaches maigres paraît à ce jour oubliée, celle
des vaches grasses risque de se faire attendre encore un long moment dans le domaine de
l'hôtellerie et de la restauration. Tout comme cela se déroule d'ailleurs dans les
autres entreprises françaises. Selon les chiffres publiés récemment par l'Insee et le
ministère du Travail, l'indice du salaire mensuel brut de base (hors primes,
indemnités...) des salariés dans l'Hexagone n'a en effet progressé durant le premier
trimestre 1998 que de 0,4 % (soit sur un an entre avril 1997 et avril 1998, +1,9 %).
Répercussions liées à la convention collective
Des données, certes légèrement inférieures à celles collectées auprès de notre
échantillon, mais qui corroborent bien l'état d'esprit actuel des patrons de l'industrie
hôtelière. Dix pour cents des dirigeants interrogés par nos soins ont effectivement
déclaré avoir augmenté les rémunérations de leurs em-ployés pour l'année 1998 et ce
dans une fourchette allant de 2 % à 3 % en moyenne, suivant la taille des sociétés et
leur implantation géographique. A noter sur ce point précis que parmi les employés les
mieux lotis figurent le personnel officiant dans les hôtels quatre étoiles et les
unités situées en région parisienne.
Il n'en reste pas moins vrai néanmoins qu'une telle modération salariale peut surprendre
quand on connaît les années noires traversées dernièrement dans le secteur. C'était
pourtant a priori couru d'avance ! Plusieurs raisons à cela. D'une part, pour la
première fois cette année, les professionnels ont dû appliquer les termes de la
convention collective nationale (signée le 30 avril 1997). Ce qui a logiquement
entraîné des répercussions importantes sur la politique salariale de nombre
d'exploitations (application de minimums, mise en place des deux jours de repos
hebdomadaire consécutifs ou non...).
« Avec les charges qui grèvent beaucoup trop lourdement nos entreprises et la
signature de la convention nationale en supplément, je ne vois pas comment je pourrais
véritablement offrir de meilleurs salaires à mes employés ! », répond en
caractère gras à notre enquête un hôtelier-restaurateur du sud de la France. Et
d'ajouter : « J'essaie déjà tant bien que mal de respecter les nouvelles règles de
la convention collective. Je dois vous avouer que dans une unité comprenant moins de dix
salariés, cela pose de sérieux problèmes d'organisation. »
Prêt à rendre son tablier
D'autre part, cette timidité en matière de salaires s'explique également par la
perspective du passage aux 35 heures. Alors que chacun s'interroge quant à l'application
stricto sensu de la réduction du temps de travail à l'hôtellerie-restauration, la
plupart des entreprises du secteur anticipent les décisions gouvernementales en faisant
le gros dos. « Beaucoup de professionnels mettent la pédale douce sur les
rémunérations car ils regardent d'un mauvais il la loi Aubry et ses incidences sur
le coût du travail », explique un cabinet de recrutement. « Nous croulons sous
les charges. Il est évident pourtant que notre métier ne peut nullement être
automatisé ! Mais, qu'à cela ne tienne, nos gouvernants vont encore rallonger la sauce
en nous imposant la semaine des 35 heures. Comment dans ces conditions envisager
sérieusement de relever les salaires ? », renchérit un restaurateur de la
Haute-Garonne, affirmant être prêt à rendre son tablier et ce malgré sa passion pour
le métier.
Dans ce contexte d'attentisme général et au regard des prévisions économiques peu
encourageantes faites par l'ensemble des conjoncturistes pour 1999, rien ne laisse donc
augurer un prochain renversement de tendance en matière salariale dans la profession. A
l'exception bien sûr des postes payés au Smic (salaire minimum interprofessionnel de
croissance), qui eux bénéficient chaque année d'une revalorisation plus ou moins
sensible (40,22 francs brut horaire depuis le 1er juillet 1998 contre 39,43 francs, soit
un salaire mensuel de 7935,55 francs, incluant les indemnités nourriture). Ce qui n'est
d'ailleurs pas sans poser un certain nombre de difficultés pour les chefs d'entreprise.
Sachant que cette part d'employés est considérable dans l'hôtellerie-restauration
puisque représentant 41 % des salariés en 1996 (contre 27 % à l'habillement, 16 % à
l'agroalimentaire et 15,3 % au commerce, 14 % aux services, 7,3 % à l'industrie et la
construction, ou encore 5,8 % au transport), l'éventail des rémunérations entre les bas
et hauts salaires tend très sérieusement à se resserrer. Chaînes hôtelières et
indépendants sont d'ailleurs logés à la même enseigne en ce qui concerne le
nivellement par le bas des rémunérations. Un phénomène des plus inquiétants qui se
traduit bien souvent dans la réalité du marché de l'emploi par une pénurie de
main-d'uvre qualifiée.
Bonus
« Nous trouvons des managers et des exécutants, mais en revanche il est très
difficile aujourd'hui de dénicher des bons seconds, de bons adjoints ou bien encore des
chefs de service efficaces », souligne Alain Jacob, fondateur du cabinet AJ Conseil.
Et de préciser : « Les plus performants finissent par avoir néanmoins plusieurs
offres d'embauche simultanément. Ce qui est un signe positif en matière d'emploi ».
Une situation qui peut aussi donner l'idée aux plus malins de faire monter les enchères.
Les sociétés ont du reste bien compris qu'il leur fallait réagir au plus vite.
Certaines se disent ainsi prêtes à lâcher du lest (15 % de notre échantillon) pour
conserver ou attirer les meilleurs collaborateurs.
Pour y parvenir, pas de recette mi-racle ni même de potion ma-gique. Les patrons misent
en réalité tout simplement sur un accroissement de la part du salaire variable (bo-nus
ou prime sur objectif). Rodées à ce principe depuis quelques an-nées déjà, les
chaînes hôtelières et de restauration figurent bien évidemment en tête du hit parade
de la profession en particulier concernant les cadres. Au sein du groupe Accor, « les
directeurs d'établissements les plus performants peuvent ainsi bénéficier d'un bonus
pouvant atteindre 30 % de leur salaire », indique Philippe de Montenay, responsable
des relations sociales pour l'hôtellerie d'affaires et de loisirs. Ces montants sont
distribués à condition bien sûr d'avoir rempli certains objectifs basés sur des
critères de rentabilité de leur unité (par exemple dans une région donnée).
Chez Campanile, les responsables d'unité ont eux aussi la possibilité d'arrondir leur
fin d'année (soit aux environs de 93 000 francs en moyenne) en remplissant certains
objectifs qualitatifs et quantatifs. Quant aux patrons des établissements Bleu Marine
(dont la politique de rémunération fait l'objet actuellement d'une refonte approfondie),
s'ils parviennent à décrocher la « timbale », ils empochent une prime moyenne proche
des 110 000 francs.
Outil de motivation
De quoi a priori remonter le moral des troupes ! D'autant que ces mêmes sociétés ont
également conclu des accords légaux d'intéressement ou de participation selon le cas,
leur permettant de distribuer quelques monnaies sonnantes et trébuchantes
supplémentaires à l'ensemble du personnel.
« L'accord de participation du groupe s'élève au minimum à 1 800 francs par an »,
explique ainsi Philippe de Montenay, tout en soulignant qu'aujourd'hui près de 80 % des
salariés officiant chez Accor perçoivent en outre une prime de fin d'année
(l'équivalent d'un 13e mois). A noter aussi qu'un intéressement collectif a été
généralisé à toutes les filiales à partir de 1998 (de 0 à 7 000 francs).
« Pour motiver nos équipes, nous avons récemment pris la décision de signer un
accord d'intéressement », précise Pascal Peyrat, patron de la chaîne deux étoiles
appartenant à Envergure. Autant de gratifications auxquelles peuvent s'adjoindre d'autres
bonifications telles l'accès au plan d'épargne d'entreprise, à des régimes de
prévoyance... Des pratiques qui demeurent hélas assez limitées chez les indépendants,
dont les moyens financiers ne sont souvent pas à la hauteur de leurs souhaits profonds en
matière de salaires. « Si je le pouvais, je n'hésiterais pas à donner davantage à
mes équipes. D'autant qu'elles ont bien du mérite. Hélas, je suis pris à la gorge par
des cotisations patronales excessives », résume un hôtelier-restaurateur installé
non loin de Metz. Reste qu'eux aussi commencent à s'intéresser de près à ces méthodes
de rémunérations variables.
Certes non généralisée (6 % à peine des entreprises figurant dans notre panel), la
mise en place de primes sur objectif tend en effet à se développer au sein des hôtels
et restaurants indépendants de France. « C'est un excellent outil de motivation. A
condition bien sûr de fixer des règles du jeu fiables », commente Anne-Marie
Quirin, directrice du Mercure Massena (franchisé) à Nice. Femmes de chambre, plongeurs,
réceptionnistes, cuisiniers... bon nombre de postes opérationnels entrent donc dans la
danse des bonus et autres gratifications de fin d'année. La perspective des 35 heures
pourrait d'ailleurs peut-être accélérer le mouvement tant chez les cadres que chez les
employés puisque la rémunération variable est un bon moyen de contrôler l'évolution
de l'ensemble des salaires. A moins que certains choisissent de recourir encore davantage
aux contrats à temps partiel (chose de plus en plus fréquente) et autres aides à
l'emploi spécifiques. Cela ne sera bien sûr pas sans conséquence sur la qualité de
service.
* Source : Observatoire de l'hôtellerie française ** Source : Baromètre Pannel Kerr Forster Consulting France *** Source : Baromètre L'Hôtellerie-Coach Omnium |
Fonctions | Catégorie hôtel | ||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2* | 3* | ||||||||||||
Mini | Moyen | Maxi | Mini | Moyen | Maxi | ||||||||
Directeur Entreprise | 5.800 FF | 46.000 FF | 175.000 FF | 3.000 FF | 40.000 FF | 139.000 FF | |||||||
Chef de réception | N.S | N.S | N.S | 2.000 FF | 10.000 FF | 15.000 FF | |||||||
Gouvernante | N.S | N.S | N.S | 6.000 FF | 9.000 FF | 12.000 FF | |||||||
Femme de chambre | 500 FF | 3.000 FF | 4.500 FF | 1.500 FF | 5.000 FF | 10.600 FF | |||||||
Réceptionniste | 800 FF | 4.500 FF | 16.000 FF | 1.500 FF | 5.800 FF | 14.600 FF | |||||||
Veilleur de nuit | N.S | N.S | N.S | 1.000 FF | 5.400 FF | 12.000 FF | |||||||
Ouvrier de maintenance | N.S | N.S | N.S | N.S | N.S | N.S | |||||||
* Ces données sont publiées à titre purement indicatif. |
L'intéressement moyen varie de 3 000 F à 40 000 F
Parmi les embauches envisagées par les restaurateurs indépendants français, les postes les plus recherchés sont les suivants :
90% chef de partie
5% serveur
5% commis de cuisine
Parmi les embauches envisagées par les hôteliers indépendants français, les
postes les plus recherchés sont les suivants :
80% femme de chambre
15% réceptionniste
5% serveur
L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998